La construction d’une mémoire collective à travers la littérature : « Lindo y malo, ese muñeco » dans Pecado de Laura Restrepo

  • La construcción de la memoria colectiva a través la literatura: «Lindo y malo, ese muñeco» en Pecado de Laura Restrepo
  • The Construction of Collective Memory Through Literature: “Lindo Y Malo, Ese Muñeco” in Pecado by Laura Restrepo

DOI : 10.35562/textures.969

Résumés

La mémoire est liée au temps ; elle se divise en plusieurs termes tels que le passé et le souvenir. Ces mots sont également récurrents dans le processus de création d’une histoire. Lorsqu’une histoire a plusieurs voix, références, perspectives ou notions communes, une collectivité émerge. Les postulats de Todorov et Halbwachs sur la mémoire, le souvenir, l’individualité et le collectif guident ce travail. Nous envisageons d’analyser la création de la mémoire collective autour du sicariato ou tueur à gages, à la lumière de l’histoire « Lindo y malo, ese muñeco », dans le roman Pecado (2016) de Laura Restrepo. Ce récit entrelace l’individuel et le collectif et permet de relire la réalité incarnée par le narcotrafiquant Pablo Escobar. Notre article a pour objectif, d’une part, de connaître l’intimité d’un enfant-sicaire depuis un angle personnel, insolite et symbolique. Et, d’autre part, il permet de reconstruire une réalité quotidienne et colombienne par le biais de multiples récits oubliés et marginalisés de la banlieue de Medellín en Colombie à la fin de l’année 1989 et au début des années 1990.

La memoria está relacionada con el tiempo ; este a su vez se divide en múltiples palabras como pasado y recuerdo. Estas son igualmente recurrentes en el proceso de creación de una historia. Cuando una historia tiene múltiples voces, referentes, perspectivas o nociones en común, surge una colectividad. Los postulados de Todorov y Halbwachs sobre la memoria, el recuerdo, la individualidad y lo colectivo guían este trabajo. El presente artículo busca analizar la creación de la memoria colectiva en torno al sicariato, a la luz del relato “Lindo y malo, ese muñeco”, presente en la novela Pecado (2016), de Laura Restrepo. Esta narración es una apuesta por releer esta realidad orquestada por el narcotraficante Pablo Escobar que entrelaza lo individual y lo colectivo. Nuestro artículo logra, por un lado, conocer la intimidad de las vivencias de un niño-sicario desde una focalización personal, insólita y simbólica. Y, por otra parte, permite reconstruir una realidad cotidiana y colombiana a partir de las múltiples voces narrativas olvidadas y marginadas de las comunas de Medellín en Colombia a finales de 1989 y a principios de los noventa.

Plan

Texte

Memory is tied to time: it is split into several words such as past and recollection. These words are equally recurrent in the process of creating a story. When a story has multiple voices, references and perspectives, or notions in common, a community emerges. The assumption of Torodov and Halbwachs guides this work. This article seeks to analyse the creation of collective memory around sicariato or hitman, in the context of “Lindo y malo, ese muñeco” as presented in the novel Pecado (2016) by Laura Restrepo. This account acts as a bet to reread the reality incarnated by the drug trafficker Pablo Escobar that intertwines the individual and the collective. Our article achieves, on the one hand, knowing the inner life of the experiences of a child assassin through a personal angle, unusual and symbolic. And, on the other hand, it allows for the rebuilding of a daily Colombian reality from several forgotten and marginalized accounts from Medellin in Colombia at the end of 1989 to the early 1990s.

Introduction

Le ministre colombien de la Justice, Rodrigo Lara Bonilla1, a été assassiné le 30 avril 1984. Cet événement marque le début d’une nouvelle forme d’assassinat en Colombie : le recours à un tueur à gages ou sicariato. Ce mot existe depuis l’époque romaine. Il comprend le nom « sica » qui signifie « dague » ou « poignard », lequel était caché dans des vêtements pour ensuite servir à tuer des victimes par surprise dans des lieux publics. De même, ce mot est présent à la Renaissance en la personne de Micheletto Corella, le sicario personnel de César Borgia.

Le sicario en Colombie est né d’un contexte social et historique précis : l’arrivée de Pablo Escobar2 dans le trafic de drogue. En Colombie, ceux-ci sont embauchés pour tuer par surprise ; les nouvelles caractéristiques de ces tueurs selon Carlos Ortiz Sarmiento sont celles de la jeunesse et la pauvreté :

El término sicario sufrió entre nosotros una brusca evolución hasta significar hoy, ya no el asesino pago sino el asesino joven, así obre por propia cuenta e iniciativa en sus venganzas, rebusques o bravuconadas. Aquí nos referiremos al sicario, de preferencia, en la acepción de asesino joven a sueldo3.

Ces jeunes reçoivent de l’argent pour faire un « travail ». Ce qui implique la marchandisation d’une manière ou d’une autre de leur propre vie et de celle de leurs victimes.

Parmi les auteurs du crime contre Lara Bonilla, se trouve le jeune motard Byron Velázquez Arenas. Il a à peine 18 ans et avoue la motivation de son crime, l’obtention de deux millions de pesos pour le meurtre d’un inconnu : « Cuando lo fuimos a alcanzar vi que iba atrás una camioneta como grisecita o cafecita, entonces ahí mismo me dijo que lo arrimara al pie del Mercedes blanco, y apenas lo arrimé empezó a disparar por el vidrio de atrás4. » Ce sont les premiers témoignages qui révèlent le modus operandi orchestré par les trafiquants de drogue et les motivations de ces jeunes par rapport aux crimes.

Ces histoires de sicarios ont été romancées. Ce sont des romans où la mort, la pauvreté, la drogue et l’argent sont les réalités de la jeunesse marginalisée de la ville. On trouve parmi ces romans : Leopardo al sol5, de Laura Restrepo, dans lequel elle raconte les vengeances cycliques d’une même famille. La virgen de los sicarios6, de Fernando Vallejo, est l’histoire d’un grammairien qui tombe amoureux d’un sicario à Medellín. Rosario Tijeras7, de Jorge Franco, l’histoire d’amour d’une sicaria avec un jeune homme de la classe privilégiée. Sangre Ajena8, d’Arturo Alape, est le témoignage d’un jeune sicario sur ses expériences passées.

Ce type d’histoires sur les sicarios a été lié au genre de la picaresque. Le premier à le faire fut Héctor Abad Faciolince en 2008 avec son article intitulé « Estética y Narcotráfico »9. De même, María Fernanda Lander le réaffirme :

La conexión más obvia entre la sicaresca y la picaresca es la recreación de un personaje cuya juventud, inexperiencia, continuo movimiento y particular visión de la sociedad que lo relega, se convierten en las características que definen al nuevo antihéroe […] En consecuencia, y aunque se trate claramente de productos de violencias históricas distintas, en ambos géneros los personajes adquieren la condición metonímica del sujeto urbano socialmente marginado10.

Les personnages de la sicaresca sont des jeunes enfants ou adolescents marginalisés par la société, qui vivent dans un milieu social très violent, mais, en même temps, ils rêvent de devenir comme leurs « patrons ».

Cette analyse se concentre sur la vie sanguinaire que subit Angel ou Arcángel, un enfant-sicario marginalisé de la ville de Medellín. Dans sa vie quotidienne, cet enfant : « se pierde en sus noches de espanto y regresa a casa de madrugada, vibrando de agitación, bañado en palidez y sudor frío, con manchas de sangre en la camisa y un buen poco de pesos entre el bolsillo11 ». À travers son histoire, il est possible de rendre visible la violence à laquelle il est soumis, non seulement lui, mais aussi toute sa communauté : « Y en medio del festejo, truena de repente la balacera. Uno, dos, tres tiros que restallan cerca, como chasquido de látigo, en la otra cuadra, en la esquina, en la heladería, en la cantina, en la tienda12. » Dans ce récit Laura Restrepo part d’une histoire individuelle, l’histoire d’Angel, pour ensuite montrer l’histoire de toute une collectivité.

Il convient d’indiquer que ce texte correspond à un lieu et à un moment historique précis de la société colombienne. Ici le paratexte dévoile ces éléments avec une dédicace : « À Alfonso Salazar13 ». Celle-ci éclaire et oriente fortement la construction du sens pour analyser le texte, comme l’indique Gérard Genette14. Dans un entretien avec Laura Restrepo, l’autrice exprime le rôle qu’Alfonso Salazar a joué dans la construction de cette histoire :

Vivía en los barrios más marginales de Medellín, lo que llaman los barrios de la comuna nororiental. Medellín queda en un valle y hay unas laderas tremendas sobre la montaña, todas pobladas de barrios a los que no sube la policía. La gente siempre está mirando la ciudad, pero la ciudad nunca mira hacia allá. Tremendos cinturones de miseria que asedian la ciudad de Medellín, que fueron el territorio donde Pablo Escobar se volvió todopoderoso porque logró manejar aquellas comunas. Este muchacho, Alonso, investigador y científico social, convivía desde hace años, le estoy hablando del año 89-90, en esas comunas con la gente15.

Ce paratexte révèle le cadre temporel et spatial du récit : les années 1989-1990 dans la ville de Medellín, une ville où la jeunesse, la marginalisation et la société de consommation s’entremêlent autour du trafic de drogue et de la figure de Pablo Escobar. Les trafiquants de drogue utilisent ces jeunes pour tuer des gens. Pour les sicarios, tuer est perçu comme une opportunité d’être quelqu’un dans le monde de la consommation :

Proyectos de vida que se traducen en una lista de compras. La globalización no sólo reconfigura nuestros hábitos de consumo, permitiéndonos consumir en cualquier lugar del mundo las mercancías que se producen en cualquier otro16.

Donc, travailler avec la mort leur ouvre la porte à un statut de citoyen dans la société de consommation17. Si ces jeunes consomment, ils existent.

L’héritage de l’argent facile restera dans la conscience collective des enfants et des adolescents. Ces enfants ont rapidement abandonné leurs études pour se préparer au sicariato. Cependant, les plus petits devront attendre pour passer leurs contrats avec les « patrons ». Pendant ce temps, ces enfants et ces jeunes se livrent au commerce de la mort dans le quartier : « esperando al marido cornudo que les ofrezca propina por sacarse el clavo, o al fiador estafado, al arrendador que quiera puyar a un inquilino moroso, a la señora que necesita comprarse un televisor, pero baratico, mijo, aunque sea robado18 ». Angel appartient à ce groupe. Ces entreprises sont mineures, mais elles sont indispensables à leur formation pour leur futur travail de rêve.

La particularité de cette histoire est aussi la continuité entre le passé et le présent : le sicariato était installé à Medellín et l’est toujours. Il était courant en Colombie dans les années 1989-1990, et maintenant c’est une activité qui se produit dans différentes parties du monde. Laura Restrepo parvient à universaliser Angel à partir d’un contexte local ; ces enfants sont :

Hijos de la gente. Comunes y corrientes. ¿Quién los asesina? Nadie en especial, apenas otros iguales a ellos. Y ahí va el juego, ahí, ahí, con vaivén funesto de victimarios que pasan a ser víctimas, de víctimas que se convierten en victimarios19.

Cette universalisation est possible, car la pauvreté et la quête de l’argent facile sont des éléments universels.

L’imaginaire violent existe et persiste sur les sicarios ; cependant, l’accent mis par Laura Restrepo dans le récit permet de s’interroger sur l’importance d’ouvrir des espaces à ces morts du trafic de drogue et de l’oubli de la société en général, au-delà de l’évidente cruauté. Il s’agit d’ouvrir un espace dans la mémoire collective sur ces victimes oubliées, sans tomber dans le manichéisme, souvent généré par la société du spectacle20 et rend capable de comprendre l’histoire d’Angel comme un passé vivant, à qui aucune solution n’a encore été donnée.

L’intimité d’un enfant-sicario

Angel ou Arcángel est connu dans le quartier. Depuis qu’il est enfant, il vit dans la précarité, mais avec le désir de pouvoir profiter des plaisirs de la vie : « Llévate tu granizado, mijo, mañana me lo pagas. Y, así, así, aunque nunca lo pagara21. » Nonobstant, celle-ci ne se limite pas à un sirop glacé, elle s’étend à toute une situation sociale :

Hasta estos arrabales no quería subir nadie. La autoridad no metía la nariz, la policía no asomaba, ni qué hablar de un médico […] En las cantinas escaseaban las cervezas y en las tiendas la leche, y ni hablar de papel higiénico en los baños, las bandas saqueaban los camiones de reparto22.

Des quartiers sans services publics, sans transport en commun et sans présence de l’État.

Cette vie précaire marquée par les pénuries matérielles comme la nourriture, le papier toilette ou l’eau fait écho à l’absence de père : « Por estas comunas no se estilan padres, todos se largan para no volver23. » Celle-ci modifie substantiellement la conception du monde de ces enfants, puisqu’ils occupent cet espace vide en jouant le rôle du père au sein de la famille. Angel ne fait évidemment pas exception : « Arcángel hace las veces de padre de sus hermanos24. » Laura Restrepo représente toute une communauté à travers l'histoire d'Arcángel. Le prénom Arcángel est une référence directe à la Bible. Il vient du grec arkhè qui veut dire à la fois « l’origine » et également « commandement » dans le sens de l’autorité25. Et ángelos, qui signifie « messager26 ». Dans ce livre, Arcángel représente en même temps une autorité violente au service des « patrons » au sein de sa communauté, mais il transmet également un message aux lecteurs : celle d’une communauté marginalisée et oubliée par l’État colombien.

En ce sens, Laura Restrepo parvient à démultiplier une histoire en diverses mémoires oubliées à travers un chœur grec : « Se hacía respetar. Se sentía que era alguien. Aunque muriera joven, eso no le importaba, decía que, si ese era el precio, él lo pagaba […] filosofía: un televisor a color bien vale una vida27. » Ces mémoires vivantes sont représentées par un garçon qui doit tuer pour gagner de l’argent, rénover la maison de sa mère et inspirer le respect des autres à travers la peur et la mort. Angel est la figure représentative des autres enfants qui jouent comme lui à être le père et à tuer avec des armes.

Ici reconstruire le passé ne signifie pas uniquement raconter une histoire, cela implique également de dénoncer et de mettre en lumière les injustices vécues par toute une collectivité. Dans ce sens, nous sommes face à un composant de mémoire dispersé, concept utilisé par Virginia Capote dans son analyse de Leopardo al Sol de Laura Restrepo :

Pues a pesar de la veracidad de los hechos que relata, no existe una línea personal argumental que lleve a la obra a ser catalogada como testimonial. Sin embargo, tanto la trama como los personajes que construye, son elementos útiles al servicio de la denuncia de la desmemoria acerca de injusticias acaecidas por la violencia28.

L’intérêt pour les problèmes sociaux et le besoin de raconter des histoires chargées de véracité sont une constante dans le récit de Laura Restrepo, ceci est dû à sa formation de journaliste. Cet héritage enrichit son récit, dénonce la mauvaise mémoire de la société colombienne et met en question l’histoire officielle, à travers les mêmes voix que cette histoire veut marginaliser.

En ce sens, Laura Restrepo ne fait pas seulement une construction narrative qui met en lumière un passé caché par l’histoire officielle. Elle humanise en même temps ce passé grâce aux voix collectives et leur donne une existence et une place dans un ouvrage de fiction. C’est un discours qui s’intéresse à ce qui est absent dans le présent, c’est-à-dire une histoire dans laquelle les voix marginalisées ont une place. C’est un élément habituellement absent ou relégué, non seulement dans ce type de récit, mais aussi dans l’histoire officielle.

Ce récit s’élabore autour des enfants-sicarios qui cherchent à travers leurs meurtres à donner un sens à leur vie, à ne pas oublier leur existence. Arcángel et les sicarios ont été oubliés par l’État colombien, mais ils aspirent à la reconnaissance de la communauté grâce à la mort. Elle est la seule garante d’obtenir de l’argent, de la popularité et du pouvoir. Ainsi, ils acquièrent une place dans la mémoire collective de la communauté. S’ils n’avaient pas mené une vie d’assassins, ils n’existeraient pas, leur vie sur terre aurait été stérile.

La logique machiavélique est la suivante : obtenir de l’argent pour qu’on se souvienne d’eux. S’ils meurent, ils ont au moins donné à leur mère une télévision en couleurs, un réfrigérateur ou une façade en marbre ; obtenir toutes ces choses matérielles justifie leur mort. Il reste quelque chose de matériel rappelant leur existence. Pour Ángel, une télévision représente son existence, son argent et son amour pour sa mère : la grandeur de son passé !

Très probablement, si Angel n’avait pas décidé d’emprunter le chemin de la mort, personne dans le quartier ne raconterait son histoire. D’autre part, Laura Restrepo réussit à capter le désespoir de ces jeunes et les fictionnalise à travers le personnage d’Arcángel ; bien qu’il y ait des faits, ce sont des sentiments dont on se souvient. Elle se sert de l’angoisse, la mélancolie, la peur et la souffrance pour leur donner une place à travers sa parole et ainsi les rendre éternels.

On pourrait croire que ces petites histoires n’ont pas d’impact face au fait historique. Pourtant, on parle de toute une génération perdue à travers ces faits divers. Des jeunes qui ont vendu leur vie à la mort. Ces humbles mémoires ont-elles été prises en compte par l’histoire officielle ? Y a-t-il un chapitre sur les victimes de ces événements ? Laura Restrepo se charge de reconstituer les préoccupations humaines les plus profondes d’un enfant-sicario oublié par une société, générant ainsi un discours qui était absent au présent, dans la mémoire.

Une reconstruction d’une histoire depuis la marginalisation

L’un des éléments récurrents au sein des romans considérés comme « sicaresques » en tant que genre ou sous-genre est :

la presencia frecuente de un narrador letrado o de un investigador que le da coherencia a los hechos narrados; su función tiende a ser crítica frente a la situación y es quien presenta cierto análisis sobre la violencia, o al menos su punto de vista personal29.

Cette circonstance implique nécessairement une supériorité morale ou culturelle30 ou une contrainte hégémonique, puisque le narrateur analyse les circonstances extérieures à sa vie pour juger celle du sicario.

Dans le cas de « Lindo y malo, ese muñeco », plusieurs voix guident la narration. À aucun moment il n’y a une voix qui devient prépondérante ou qui porte un jugement de valeur hégémonique. Tant l’absence de hiérarchie dans les voix que la possibilité de reconstruire ce microcosme permettent de revendiquer ces mondes marginalisés par leurs paroles, leur donnant ainsi un espace pour raconter leurs histoires, leurs souvenirs, leurs mémoires.

La narration s’articule autour des souvenirs collectifs. Cela nous renvoie à Maurice Halbwachs et ses ouvrages Mémoire collective31 et les Cadres sociaux de la mémoire32, où il indique que les mémoires individuelles ou personnelles se forment à partir des mémoires des autres. Il existe un travail en commun, où les souvenirs partagés sont la base pour articuler la mémoire collective :

La succession de souvenirs, même de ceux qui sont le plus personnels, s'explique toujours par les changements qui se produisent dans nos rapports avec les divers milieux collectifs, c'est-à-dire, en définitive, par les transformations de ces milieux, chacun pris à part, et de leur ensemble33.

Dans « Lindo y malo, ese muñeco », les voix de ce monde narratif sont au sein de ce processus de remémoration, même si cela implique : « versiones y contraversiones34 ».

Les voix de la communauté sont une polyphonie de voix au milieu de la fragmentation sociale. Toute la communauté partage ses souvenirs pour construire l’histoire d’Angel autour de la révélation ou du fatum qui lui tombe dessus, et qui constitue en même temps le cœur du récit. Tout commence par le témoignage d’un chauffeur de taxi qui est venu chercher Arcángel et qui a survécu pour raconter son histoire :

Ese señor taxista, que vivió para contarlo, nosotros no sabemos cómo se llama. Su historia nos llegó por medio del comadreo. En cambio, el bar era el Mis Errores, era don Ramiro Sierra, colega y compadre, conocido de toda la vida por estos arrabales35.

Les différents témoignages et faits s’enchaînent pour révéler le cœur de l’histoire d’Angel.

Cette reconstruction implique nécessairement la pluralité, et avec elle, la diversité et la difficulté. Car reconstruire un événement passé en validant toutes les voix et en se rappelant que la mémoire n’est pas totalement objective ou figée implique une marge d’erreur : « Se me iba escapando el detalle, mire lo que son las trampas de la memoria36. » Chaque voix apporte ce qui est nécessaire pour être le plus fidèle possible au passé. C’est pourquoi ils sont responsables de se rappeler chaque événement afin de trouver un sens dans leur communauté. Tout a commencé quelques jours auparavant avec le chauffeur de taxi et les coups portés à Ramiro Sierra par Angel.

Ensuite, Angel rencontre un maçon : « Trabaja reparaciones a una construcción chata, de doble piso, apretujada entre la droguería y un caserón en ruinas37. » Puis, Angel rentre chez lui, regarde des dessins animés. Toutes ces informations sont obtenues grâce à la participation active des voisins, c’est-à-dire des voix de la collectivité.

Ces événements spécifiques dévoilent chacun diverses actions violentes commises par Arcángel, ainsi que son goût démesuré pour une arme à feu : « vos tenés que ser mía, ¿entendés, preciosura? vos sos para mí, mientras pegaba los labios al cuerpecito metálico de ella, besándole la boquita helada y redonda38 ». Nous sommes donc face à une transfiguration du sens des mots. L’amour et la mort se mélangent dans une arme, qui, à la fois, est métaphorisée par une sorte de passion charnelle. Tous ces événements sont des souvenirs communs et des miroirs de leur quotidienneté.

Ces situations intimes connues collectivement donnent lieu à des moments clés du récit et apportent un sens à la mémoire collective :

Allá tú; le advierte al Arcángel el tipo que le vino con el chisme, allá tú si quieres creer o no, vete al callejón del Carmen y mira por ti mismo […] A riesgo de perder la vida, Dolorita se mete a la fuerza en una de las ollas donde expenden bazuco, un cuchitril más peligroso que un tiro en el oído y hasta allá se cuela ella, empujando y llamando al carajo a los cafres armados que pretenden impedírselo39.

Dans ce passage, Laura Restrepo, à travers un style indirect, transpose la voix d’un personnage inconnu pour le lecteur, mais très proche de toute la communauté. Ensuite, nous sommes en présence d’un narrateur hétérodiégétique pour savoir ce qui est arrivé à Dolorita, la mère d’Angel. Ces éléments montrent la richesse narrative, la fragmentation de la réalité de ses personnages et ils annoncent le fatum ou le destin tragique d’Angel.

Cependant, c’est le fatum d’Angel qui unifie la narration et la communauté : « Juan Mario, tú no. ¿Me escuchas? Tú no. No vas a seguir sus pasos. Con un sicario en casa me basta y me sobra40. » C’est pourquoi le cœur d’Arcángel se brise en mille morceaux. Cette phrase révèle l’inquiétude d’une mère pour son fils. On pourrait dire que Dolorita, la mère d’Angel, a une histoire/un récit de « mémoire exemplaire » selon les mots de Todorov, mais, dans ce cas, depuis un individu ayant une résonance dans la communauté. L’intérêt réside dans : « utilizar el pasado con vistas al presente, aprovechar las lecciones de las injusticias sufridas para luchar contra las que se producen hoy día, y separarse del yo para ir hacia el otro41 ». Les expériences vécues par Angel et subies par toute la communauté la poussent à ne pas vouloir répéter la même histoire avec son deuxième fils.

Conclusion

Pour conclure, Laura Restrepo cherche à révéler des moments clés du passé colombien, la naissance des sicarios aux mains des trafiquants de drogue, ainsi que les souvenirs des personnes marginalisées. Ces voix, que l’histoire officielle laisse de côté et que la société essaie d’effacer par leur inexistence, reviennent, existent et ne tomberont pas dans l’oubli grâce à « Lindo y malo, ese muñeco ». C’est un roman qui met davantage en lumière leur expérience, leur douleur, leur souffrance, leur injustice sociale et leur voix. Laura Restrepo rend visibles les histoires qui appartiennent à : « Una nueva generación de colombianos no sabe que es posible morirse de viejo42. »

Bibliographie

Presse

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Notes

1 En août 1983, Rodrigo Lara Bonilla est nommé ministre de la Justice par le président Belisario Betancur. Avec Luis Carlos Galán, qui a également été tué par des trafiquants de drogue en 1989. Ils ont fondé le parti Nuevo Liberalismo. Rodrigo Lara a consacré sa vie à affronter les cartels de la drogue dirigés par Pablo Escobar et Gonzalo Rodríguez Gacha. Lara a ouvertement questionné la relation entre différentes institutions publiques colombiennes et les trafiquants de drogue. Il a participé à l'expulsion de Pablo Escobar du Congrès, démantelé plusieurs laboratoires de coca, parmi eux, Tranquilandia en 1984, un des plus importants. Il a soutenu diverses enquêtes criminelles contre les grands patrons de la drogue. Sa mort a été le départ d’une guerre entre les cartels de la drogue et l'État colombien : Gabriel Bustamante Peña, « Veinticinco años del magnicidio de Rodrigo Lara Bonilla », Ciudad Paz Ando, vol. 2, no 1, Mafia: una herencia de tres décadas, 2009, p. 9-36. Retour au texte

2 En 1983, Pablo Escobar était considéré comme le « Paisa Robin Hood ». Il s'intéresse à l'aide des moins favorisés. En 1982, Pablo Escobar arrive au Congrès colombien en tant que suppléant de Jairo Ortega, représentant de la Chambre d'Antioquia. En 1983 il est expulsé du Congrès et il perd son visa américain : « Un Robin Hood paisa », Semana, 16 mai 1983. Retour au texte

3 Carlos Miguel Ortiz Sarmiento, « El sicariato en Medellín: entre la violencia política y el crimen organizado », Análisis político, no 14, 1991, p. 60 : « Le terme sicario a subi parmi nous une évolution brutale jusqu'à acquérir aujourd'hui, non plus le sens d'assassin rémunéré, mais celui d'un jeune assassin, même s'il agit d’une manière autonome dans ses vengeances, manœuvres ou actes de bravade. Nous préférons ici nous référer au sicario dans le sens de jeune tueur à gages. » (nous traduisons). Retour au texte

4 « El asesinato de Rodrigo Lara Bonilla », Semana, 7 septembre 1987 : « Lorsque nous sommes allés le rejoindre, j'ai vu qu'une voiture, de couleur grise ou marron clair, le suivait. C'est alors qu'il m'a demandé de me coller à la Mercedes blanche, et dès que je l'eu fait, il a commencé à tirer à travers la vitre arrière. » (nous traduisons). Retour au texte

5 Laura Restrepo, Leopardo al sol, Bogotá, Norma, 1993. Retour au texte

6 Fernando Vallejo, La virgen de los sicarios, Bogotá, Alfaguara, 1999. Retour au texte

7 Jorge Franco, Rosario Tijeras, Bogotá, Plaza y Janés, 1999. Retour au texte

8 Arturo Álape, Sangre ajena, Bogotá, Planeta, 2002. Retour au texte

9 Héctor Abad Faciolince, « Estética y narcotráfico », Revista de Estudios Hispánicos, vol. 42, no 3, 2008, p. 513-518. Retour au texte

10 María Fernanda Lander, « La voz impenitente de la “sicaresca” colombiana », Revista Iberoamericana, vol. 73, no 218, 2007, p. 167 : « La connexion la plus évidente entre le roman sicaresque et le roman picaresque est la recréation d'un personnage dont la jeunesse, le manque d’expérience, le mouvement continu et la vision particulière de la société qui le rejette, deviennent les caractéristiques définissant le nouvel anti-héros [...] Par conséquent, et bien qu'il s'agisse clairement de produits de violences historiques différentes, les personnages acquièrent dans les deux genres la condition métonymique du sujet urbain socialement marginalisé. » (nous traduisons). Retour au texte

11 Laura Restrepo, Pecado, Miami, Alfaguara, 2016, p. 142 : « Il se perd dans ses nuits de terreur et il rentre chez lui au petit matin, en tremblant d'agitation, baigné de pâleur et de sueur froide, avec des taches de sang sur sa chemise et une bonne poignée de pesos dans sa poche. » (nous traduisons). Retour au texte

12 Ibid., p. 149 : « Et au milieu de la fête, tonne tout d’un coup la fusillade. Un, deux, trois coups de feu éclatent tout près, comme le claquement d'un fouet, dans la rue voisine, au coin de la rue, chez le glacier, au bar, dans le magasin. » (nous traduisons). Retour au texte

13 Ibid., p. 141. Retour au texte

14 Gérard Genette, Seuils, Paris, Seuil, 1987. Retour au texte

15 Entretien avec Laura Restrepo par Mihály Dés. DÉS Eihály, « Entrevista Laura Restrepo », Revista de Cultura lateral, no 67-68, 2000 : « Il vivait dans les quartiers les plus marginaux de Medellín, ce qu’on appelle les quartiers de la comuna du nord-est. Medellín est située dans une vallée et il y a d’énormes flancs sur la montagne, tous peuplés de quartiers où la police ne monte pas. Les gens regardent toujours vers la ville, mais la ville ne regarde jamais de ce côté-là. D’énormes ceintures de misère assiègent la ville de Medellín, qui était le territoire où Pablo Escobar est devenu tout-puissant parce qu’il a réussi à contrôler ces comunas. Ce jeune homme, Alonso, chercheur et spécialiste en sciences sociales, cohabitait depuis des années, je vous parle de l’année 89-90, dans ces comunas avec les gens. » (nous traduisons). Retour au texte

16 Erna Von Der Walde, « La novela de sicarios y la violencia en Colombia », Iberoamericana, vol. 1, no 3, 2001, p. 37 : « Des projets de vie qui se traduisent par une liste de courses. La mondialisation ne reconfigure pas seulement nos habitudes de consommation, en nous permettant de consommer n’importe où dans le monde les biens qui sont produits ailleurs. » (nous traduisons). Retour au texte

17 Selon le philosophe Zygmunt Bauman, pour faire partie de la société, il faut consommer à partir des propositions faites par le marché, être dans un continuel mouvement sans fin. On ne parle pas des individus, on parle des consommateurs qui en même temps deviennent des produits consommables. Dans le cas des sicarios, ces jeunes enfants désirent pouvoir consommer, mais ils deviennent aussi des marchandises ou des objets qui seront jetés (tués) pour accomplir des « travaux » pour les « patrons » : L’éthique a-t-elle une chance dans un monde de consommateurs ? trad. Christophe Rosson, France, Climats, 2009 [2008]. Retour au texte

18 Laura Restrepo, Pecado, op. cit., p. 158 : « Ils attendent le mari cocu qui leur propose un pourboire pour prendre sa revanche, ou le prêteur escroqué, le propriétaire qui veut mettre la pression à un locataire défaillant, la dame qui a besoin d’acheter une télévision, mais une télévision pas chère, mijo, même si elle est volée. » (nous traduisons). Retour au texte

19 Ibid., p. 157 : « Enfants du peuple. Des personnes quelconques. Qui les assassine ? Personne en particulier, juste d’autres comme eux. Et le jeu se passe comme ça, comme ça, avec le va-et-vient funeste des agresseurs qui deviennent des victimes, des victimes qui deviennent des agresseurs. » (nous traduisons). Retour au texte

20 Guy Debord, La société du spectacle, nouvelle éd., Paris, Gallimard, 2018 [1967]. Retour au texte

21 Laura Restrepo, Pecado, op. cit., p. 141 : « Prends ton sirop glacé, mijo, tu me rembourseras demain. Et, comme ça, comme ça, même s’il ne le paiera jamais. » (nous traduisons). Retour au texte

22 Ibid., p. 152 : « Personne ne voulait monter dans ces banlieues. Les autorités ne mettaient pas le nez dedans, la police ne venait pas, sans parler d’un médecin [...] Les bars manquaient de bière et les magasins de lait, sans parler du papier dans les toilettes, les gangs pillaient les camions de livraison. » (nous traduisons ). Retour au texte

23 Ibid., p. 143 : « Dans ces comunas les pères ne sont pas courants, ils se barrent tous pour ne jamais revenir. » (nous traduisons). Retour au texte

24 Ibid. : « Arcángel joue le rôle de père pour ses frères. » (nous traduisons). Retour au texte

25 Jacques Derrida, Mal d’archive. Une impression freudienne, Paris, Galilée, 1995, p. 11. Retour au texte

26 Charles White, « Qui sont les anges, ces messagers de Dieu ? », Horizons Chrétiens, vol. 8, n° 27, 1983. Retour au texte

27 Laura Restrepo, Pecado, op. cit., p. 144 : « Il se faisait respecter. Il sentait qu’il était quelqu’un. Même s'il mourrait jeune, cela lui importait peu, il disait que si c’était ça le prix, il le payerait [...] morale : une télévision en couleurs vaut bien une vie. » (nous traduisons). Retour au texte

28 Virginia Capote, Reescribir la violencia. Narrativas de la memoria en la literatura femenina colombiana contemporánea, Bruxelles, Peter Lang, 2016, p. 140 : « Malgré la véracité des faits qu’il relate, il n’y a pas d’argumentation personnelle qui conduise le roman à être classé comme testimonial. Cependant, tant l’intrigue que les personnages qu’elle construit sont des éléments utiles au service de la dénonciation de l’oubli des injustices causées par la violence. » (nous traduisons). Retour au texte

29 Ángela Adriana Rengifo Correa, « El sicariato en la literatura colombiana: Aproximación desde algunas novelas », Cuadernos de Postgrado, no 2, 2008, p. 103 :« La fréquente présence d'un narrateur lettré ou d'un chercheur qui donne de la cohérence aux événements racontés ; son rôle tend à être critique à l'égard de la situation et c'est lui qui présente une analyse de la violence, ou du moins son point de vue personnel. » (nous traduisons). Retour au texte

30 Óscar Osorio, « La “Sicaresca”: de la agudeza verbal al prejuicio crítico », Revista Poligramas, no 41, 2015, p. 78. Retour au texte

31 Maurice Halbwachs, La mémoire collective, édition critique établie par Gérard NAMER, Paris, Albin Michel, 1997 [1950]. Retour au texte

32 Maurice Halbwachs, Les cadres sociaux de la mémoire, Paris, Presses universitaires de France, 1952 [1925]. Retour au texte

33 Maurice Halbwachs, La mémoire collective, op. cit., p. 95. Retour au texte

34 Laura Restrepo, Pecado, op. cit., p. 161 : « les versions et les contre-versions » (nous traduisons). Retour au texte

35 Ibid., p. 155 : « Ce chauffeur de taxi, qui a vécu pour raconter l’histoire, nous ne connaissons pas son nom. Son histoire nous est parvenue au travers du commérage. Par contre, le bar était le Mis Errores, Don Ramiro Sierra, un collègue et compère, connu depuis toujours dans ces banlieues. » (nous traduisons). Retour au texte

36 Ibid., p. 161 : « Le détail allait m'échapper, regardez ce que sont les pièges de la mémoire. » (nous traduisons). Retour au texte

37 Ibid., p. 158 : « Il travaille à la réparation d'un bâtiment plat à deux étages, coincé entre la pharmacie et une maison délabrée. » (nous traduisons). Retour au texte

38 Ibid., p. 162 : « Tu dois être à moi, tu comprends, beauté ? Tu es à moi, tandis qu'il collait ses lèvres à son petit corps métallique, embrassant sa bouche glacée et ronde. » (nous traduisons). Retour au texte

39 Ibid., p. 166 : « C’est à toi ; le gars qui est venu lui raconter des ragots prévient Arcangel, c'est à toi de décider si tu veux croire ou pas, va dans la ruelle du Carmen et regarde par toi-même. […] Au risque de perdre sa vie, Dolorita s'introduit par la force dans l'un des quartiers où l'on vend du bazuco, un taudis plus dangereux qu'une balle dans l'oreille, et elle s'y faufile en poussant et en criant sur les voyous armés qui tentent de l'arrêter. » (nous traduisons). Retour au texte

40 Ibid., p. 167 : « Juan Mario, pas toi, tu m'entends ? Pas toi. Tu ne vas pas suivre ses pas. Un sicario dans la maison me suffit. » (nous traduisons). Retour au texte

41 Tzvetan Todorov, Los abusos de la memoria, trad. Miguel Salazar BARROSO, Barcelone, Paidós, 2000 [1995], p. 22 : « Utiliser le passé en vue du présent, profiter des leçons des injustices subies pour lutter contre celles qui se produisent aujourd'hui, et se détacher de soi pour aller vers l'autre. » (nous traduisons). Retour au texte

42 « Une nouvelle génération de Colombiens qui ne sait pas qu'il est possible de mourir de vieillesse .» (nous traduisons). Laura Restrepo a travaillé comme journaliste en Colombie pendant plusieurs années. À la fin de l’année 1989, elle se consacra à enquêter sur ce qui se passait dans les quartiers marginalisés de Medellín. Dans le cadre de son enquête, elle a interviewé à la fois de jeunes tueurs à gages ou sicarios et des membres de la communauté. C’est ainsi que l’hebdomadaire Semana a publié son article : « La cultura de la muerte », Semana, 15 mars 1990. Retour au texte

Citer cet article

Référence électronique

María Paula Quesada Bahamon, « La construction d’une mémoire collective à travers la littérature : « Lindo y malo, ese muñeco » dans Pecado de Laura Restrepo », Textures [En ligne], 28 | 2024, mis en ligne le 11 avril 2024, consulté le 20 juillet 2025. URL : https://publications-prairial.fr/textures/index.php?id=969

Auteur

María Paula Quesada Bahamon

Université Lumière Lyon 2, LCE (Lettres et civilisations étrangères), F-69007 Lyon, France, maria.quesada@univ-lyon2.fr

Droits d'auteur

CC BY 4.0