Les outils de découverte. Apports et prospective

DOI : 10.35562/arabesques.1073

p. 10-11

Plan

Texte

Les outils de découverte, ou Discovery Tools, ont pris une place importante dans les systèmes d’information des bibliothèques. Petit tour d’horizon de leurs atouts, de leur perfectibilité, de leur inscription future dans un projet mutualisé, à partir de l’expérience du SCD Paris‑3 Sorbonne Nouvelle.

Le principe de fonctionnement de ces outils est aujourd’hui bien connu et le site web de Couperin1 en donne une définition précise : « Les Discovery Tools sont des outils destinés aux bibliothèques, conçus pour fournir un seul point d’accès et indifféremment du support, du mode et du lieu de stockage, à toutes les ressources qu’elles proposent ». Plus prosaïquement, pour les usagers, ces outils se rapprochent sensiblement du modèle de recherche proposé par Google et d’autres moteurs du web. C’est en tout cas dans cet esprit que les principaux fournisseurs de solutions logicielles documentaires (Serial Solutions, EBSCO, Ex Libris…) ont développé leurs produits, et tous proposent, au-delà des spécificités propres à chaque outil, des modes d’utilisation similaires : de façon basique, interrogation simultanée de catalogues, mais aussi fonds numérisés, archives ouvertes et, bien évidemment, bases de données et périodiques en ligne. L’apport significatif pour l’usager est la manière de présenter, et donc de trier, ces sources diverses d’information, souvent colossales, à travers un jeu de facettes et de filtres. Enfin, l’outil de découverte se veut personnalisable (vues différenciées, sélections de ressources définies a priori…) et adaptable au lecteur en fonction de son statut ou de son niveau d’études. Certaines fonctionnalités, communes aux principaux outils disponibles sur le marché, portent la marque de l’influence des moteurs du web : barre de recherche unique, gestion multilingue des pages, outils d’aide à la recherche sur la base du « did you mean » en cas d’erreurs de saisie, etc.

L’outil de découverte du SCD Paris‑3

Début 2011, une migration de version de son SIGB Aleph a conduit le SCD Paris-3 Sorbonne Nouvelle à abandonner le traditionnel OPAC disponible avec ce logiciel. Le choix d’un outil de découverte, en l’occurrence ici Primo de la société Ex Libris, a été motivé par le désir de mieux valoriser des ressources de plus en plus hétérogènes. Avant tout, il est apparu nécessaire d’optimiser le signalement, et ainsi l’usage, de ressources électroniques dont la part dans le budget documentaire du SCD a pris, année après année, une importance croissante. Techniquement, la mise en place de cet outil s’est révélée relativement aisée. Dotée d’une interface d’administration full web, Primo s’est logiquement articulé avec les principaux « canaux » de données en notre possession. Ce moissonnage quotidien des ressources activées via le SIGB et nos différentes bases de connaissance est facilité par l’interopérabilité légitimement attendue entre différentes briques d’une même suite logicielle. Cette question technique n’est pas négligeable lors de la réflexion précédant l’acquisition d’un outil de découverte : l’interopérabilité est le cœur du système et, malgré les assurances des fournisseurs, il convient d’être conscient que l’articulation entre des briques logicielles hétérogènes est parfois problématique. Il est nécessaire d’insister sur ce point : la qualité d’un outil de découverte repose avant tout sur sa capacité à offrir l’accès à une base de connaissance solide et régulièrement enrichie. C’est dans cet esprit que le SCD Paris‑3 a fait très tôt le choix d’enrichir son portail documentaire de l’accès à la base « Primo Central ». Cette dernière se présente comme un réservoir de métadonnées comprenant 500millions de notices, fournies par l’immense majorité des éditeurs ou des institutions publiques comme les bibliothèques nationales. Bien évidemment, le SCD n’active dans cet entrepôt que les ressources libres intéressant nos lecteurs et surtout celles, payantes, auxquelles nous sommes abonnés. Via le résolveur de lien, l’usager accède directement, et prioritairement, aux ressources en texte intégral, au niveau de l’article.

Les outils de découverte ne se contentent pas d’offrir aux usagers l’accès à un nombre bien plus important de ressources qu’un simple OPAC, ils permettent aussi de « repenser » la fonction et le contenu des catalogues, et ce jusqu’au niveau du signalement, notamment à travers une présentation en mode FRBR des notices. Malgré tout, ce type de signalement reste encore à optimiser par les fournisseurs et à être adopté pleinement par les usagers comme par les professionnels des bibliothèques. Car les outils de découverte, par leur puissance de recherche et leur capacité à mobiliser des réservoirs très riches en une fraction de seconde, ont aussi le défaut de ramener beaucoup de « bruit », à travers des jeux de réponses parfois très étendus. La qualité de la pertinence des résultats devient un enjeu alors absolument central et force est de constater que les outils demeurent encore très perfectibles sur ce point.

Quelles perspectives dans le cadre d’un SGBM ?

Le projet, piloté par l’ABES, de mise en place d’un système de gestion de bibliothèque mutualisé (SGBM) pose nécessairement la question de l’offre conjointe d’un outil de découverte. Les SGB dits « de nouvelle génération » sont le pendant back office de ce qu’est un outil de découverte pour le front office : là aussi, il s’agit essentiellement de rationaliser, via une interface unique, l’administration de logiciels ou modules auparavant dispersés. Il n’est pas étonnant de retrouver les mêmes fournisseurs de logiciels documentaires (OCLC avec WorldShare, Ex Libris avec Alma, Serial Solutions avec Intota…) dans ces deux segments, tant ces outils ont été pensés pour fonctionner ensemble ; les outils de découverte ayant simplement précédé une évolution dont la logique est similaire. Là encore, la question de l’interopérabilité entre l’outil unique d’administration des données et l’outil unique de diffusion est absolument centrale. Et plus centrale encore, peut-être, est celle de la qualité et de l’étendue de la base de connaissance associée à ces outils. Toutefois, il est absolument indispensable que le futur SGB mutualisé puisse s’interfacer avec n’importe quel outil de découverte.

Le SGB « nouvelle génération » repose sur une approche de type consortium et devrait logiquement intéresser en priorité des regroupements d’établissements, via les PRES par exemple. Dans cette optique, à la puissance de l’outil d’administration capable de gérer des millions de documents, provenant de sources hétérogènes et surtout d’établissements distincts, devra répondre la capacité des outils de découverte à organiser avec fluidité l’ensemble de ces sources. Les outils de découverte se définiront ainsi comme des portails documentaires de consortium sans négliger pour autant des services spécifiques plus ciblés ou propres à un établissement du regroupement documentaire. La possibilité de mettre en place des vues alternatives à partir d’un même système devrait pouvoir répondre à ce légitime besoin d’autonomie et de granularité dans l’offre de services.

Enfin, quel que soit le logiciel retenu, le futur SGBM devra pouvoir intégrer l’évolution des codes et formats de description bibliographique actuellement à l’étude à travers le monde, à commencer par RDA. Nous avons déjà évoqué l’évolution, encore balbutiante, vers le modèle FRBR, mais les outils de découverte devront se positionner également sur la question du web de données.

Néanmoins, quel que soit l’avenir du projet de SGBM, il paraît assez évident que les outils de découverte vont continuer, par ailleurs, leur progression au détriment des OPAC traditionnels. Les possibilités importantes de ce type de logiciel, leur relative souplesse d’implémentation et de paramétrage, leur ergonomie globale, au-delà des faiblesses pointées ici ou là, en font, à l’heure actuelle, le plus intéressant système de mise en valeur des collections des bibliothèques universitaires.

Retour sur quelques termes

Système de gestion de ressources électroniques/ Electronic Resource Management (ERM)
Terme large décrivant l’ensemble des outils logiciels utilisés par une bibliothèque pour gérer ses ressources électroniques. En français, on utilisera aussi le sigle ERM ou ERMS.

OpenURL
La norme OpenURL détaille la syntaxe pour l’acheminement de métadonnées depuis les ressources informationnelles (les sources) jusqu’au résolveur de liens institutionnel, et de là, jusqu’aux services de la bibliothèque (les cibles).

Résolveur de liens / Link resolver
Un « résolveur de liens » ou « serveur de liens », est un outil logiciel qui analyse une OpenURL, en extrait les éléments qui décrivent un article de périodique donné, et les utilise pour créer un lien prévisible vers le ou les services appropriés, identifiés par la bibliothèque de l’utilisateur.

(Source : Traduction française par Karine Delvert et Thomas Porquet du glossaire proposé dans le Guide de recommandations KBART, publié par l’UKSG et disponible en ligne sur http://www.couperin.org/groupes-de-travailet-projets-deap/acces-aux-ressourcescat/recommandations-kbart)

Affiche de promotion pour les bibliothèques, réalisée par V. Donaghue pour l’Illinois WPA Art Project, vers 1940

Affiche de promotion pour les bibliothèques, réalisée par V. Donaghue pour l’Illinois WPA Art Project, vers 1940

Coll. Library of Congress, Prints and Photographs Division (LC-USZC2-5223)

1 http://www.couperin.org

Notes

1 http://www.couperin.org

Illustrations

Affiche de promotion pour les bibliothèques, réalisée par V. Donaghue pour l’Illinois WPA Art Project, vers 1940

Affiche de promotion pour les bibliothèques, réalisée par V. Donaghue pour l’Illinois WPA Art Project, vers 1940

Coll. Library of Congress, Prints and Photographs Division (LC-USZC2-5223)

Citer cet article

Référence papier

Romain Le Nézet, « Les outils de découverte. Apports et prospective », Arabesques, 70 | 2013, 10-11.

Référence électronique

Romain Le Nézet, « Les outils de découverte. Apports et prospective », Arabesques [En ligne], 70 | 2013, mis en ligne le 06 janvier 2020, consulté le 20 avril 2024. URL : https://publications-prairial.fr/arabesques/index.php?id=1073

Auteur

Romain Le Nézet

Responsable du service Bibliothèque numérique SCD Paris 3 Sorbonne Nouvelle

romain.le-nezet@univ-paris3.fr

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