Relever le défi des Moocs

DOI : 10.35562/arabesques.1101

p. 20-21

Plan

Texte

Depuis quelques mois, l’acronyme « Mooc » est dans la bouche de tous ceux qui sont impliqués, de près ou de loin, dans l’enseignement supérieur ou la recherche. Quelles sont les origines de ce phénomène ? Quels en sont les enjeux majeurs tant en termes de pédagogie que de gestion de ressources électroniques ?

Malgré quelques tentatives isolées de traduction, l’acronyme anglophone Mooc n’a pas encore d’équivalent français. Ces quatre lettres, signifiant « Massive Open Online Course », synthétisent les qualités qu’un cours en ligne doit présenter pour être qualifié de Mooc. Tout d’abord, nous noterons qu’il s’agit bien d’un cours, non pas d’une collection de ressources agrégées les unes aux autres, tels ces gigantesques entrepôts de vidéos que sont TED1 ou iTunes U2. Un cours implique une scénarisation, une intention pédagogique, avec un cheminement dans les ressources, d’éventuels tests ou travaux à préparer. Ce n’est pas parce qu’un établissement dispose, par exemple, d’une collection de plus de 300 vidéos de captations de cours en amphithéâtre qu’il dispose du matériel adéquat pour construire un Mooc. Ensuite, le cours doit être accessible en ligne, avec la nouveauté majeure qu’il est gratuitement ouvert à tous, c’est-à-dire que tout internaute – qu’il soit lycéen, étudiant, actif ou retraité – doit avoir la possibilité de s’inscrire. Ce qui concourt donc au dernier point, celui de la massification : pour que des communautés d’apprentissage actives émergent, il faut que le nombre de participants soit important, c’est-à-dire compté en milliers, voire dizaines ou centaines de milliers. Pour être atteinte, cette masse critique comporte un autre pré-requis organisationnel : il est supposé que les inscrits aient tous un apprentissage synchrone, comme dans un cours classique, avec différentes notions qui doivent être travaillées et assimilées chaque semaine. C’est la raison pour laquelle un Mooc n’est pas un cours en ligne accessible à tous, à tout moment, avec des participants qui viendraient butiner les ressources en fonction de leurs besoins. Les personnes intéressées doivent prendre part à l’une des sessions (d’une durée généralement comprise entre quatre et seize semaines) pendant laquelle le Mooc qui les intéresse est joué. Même s’il est encore difficile de tirer des conclusions définitives, nous constatons que les Moocs répétés chaque semestre sont encore rares, la périodicité étant plutôt annuelle.

ZML-Innovative Learning Scenarios

ZML-Innovative Learning Scenarios

La vache dessinée par José Bogado et publiée sur Flickr a été adaptée de nombreuses fois pour illustrer les Moocs

cMoocs ou xMoocs : deux approches pédagogiques

Historiquement, les Moocs ont émergé de la mouvance de l’Open Education, consistant à proposer des documents de cours en ligne sous licence libre. En cela, nous pouvons considérer une partie des Moocs comme une déclinaison supplémentaire de la philosophie sous-jacente au logiciel libre telle que définie par Richard M. Stallman dans les années 1980. Le terme « Mooc » a été utilisé pour la première fois en 2008 par Dave Cormier, suite à un cours baptisé Connectivism and Connective Knowledge de George Siemens et Stephen Downes. Ces trois Canadiens sont des pionniers du connectivisme, une approche pédagogique privilégiée par un large pan des Moocs. Cette théorie consiste à envisager la connaissance comme un réseau totalement distribué, avec des nœuds et des connexions entre eux. Les Moocs connectivistes (ou cMoocs) reposent sur cette idée fondamentale d’abondance des ressources présentes sur Internet : l’apprenant doit développer des compétences pour se frayer son propre chemin en fonction de ses objectifs d’apprentissage, les digérer, et être en mesure d’en produire de nouvelles. Il est invité à établir des liens avec les autres participants, aboutissant ainsi à la co-construction d’un contenu original.

L’autre famille de Moocs, désignée généralement sous le terme générique xMoocs (en référence aux plateformes américaines MITx ou edX, lancées respectivement en 2011 et 2012), propose une vision plus traditionnelle de l’enseignement, basée sur la mise à disposition en ligne de matériels pédagogiques. Il s’agit d’une transposition des cours traditionnels selon des modalités « en ligne », avec la spécificité que n’importe qui peut s’y inscrire. La plupart des Moocs proposés sur les plateformes américaines telles que Coursera ou Udacity suivent ce modèle.

Dernier élément nécessaire pour comprendre les enjeux cachés derrière les Moocs : la question de la certification. Certains d’entre eux délivrent un certificat, ou un badge virtuel, indiquant que l’inscrit a rempli toutes les conditions nécessaires à la validation du cours. Ce n’est qu’une certification, et pas un diplôme, puisque les formations ne sont pas évaluées en elles-mêmes par un organisme tiers (comme peuvent l’être les cursus traditionnels en Occident). De plus, il n’est pas possible de garantir que la personne inscrite est effectivement celle qui a pris part au Mooc. Mais différents travaux sont en cours, tant aux États-Unis qu’en France, pour corréler le suivi d’un Mooc à la délivrance de « crédits » (ECTS3 par exemple).

Améliorer le référencement…

La multiplication des Moocs pose des questions cruciales sur leur affichage, leur référencement, et le devenir des productions réalisées par les apprenants. Plus de 200 Moocs ont été proposés sur la plateforme Coursera4 au cours des 12 derniers mois. Et si le premier Mooc francophone, « Internet tout y est pour apprendre » (ITyPA)5, reste tout jeune (il s’est tenu du 4 octobre au 13 décembre 2012), nombreux sont les projets qui lui ont emboîté le pas depuis. Mooc certificatif « Gestion de projet » (GdP)6, Mooc « Les réseaux sociaux comme outils pédagogiques » (Resop)7, Mooc « Introduction aux réseaux cellulaires »8… sans oublier le projet de Mooc « iNum »9, consacré au certificat Informatique et Internet (C2i), lancé par le ministère de l’Enseignement supérieur. Les apprenants potentiels sont nombreux, mais il est difficile pour l’heure de se repérer dans l’offre francophone. Quelques projets de portail sont envisagés10, mais ils ne seront que des points d’entrée. Ils ne suffiront pas en eux-mêmes à absorber la quantité de ressources générées par les apprenants, particulièrement pour ceux qui prennent part à des Moocs connectivistes. En cela, l’émergence de sites de capitalisation, directement administrés par les apprenants, peut aider à constituer une première carte des productions. Néanmoins, la médiation assurée par les personnels des bibliothèques d’étude et de recherche sera ensuite une nécessité pour repérer, référencer et transmettre ce type de réalisations au-delà du cercle des participants initiaux.

…Et impliquer les professionnels de la documentation

Si la place des services communs de la documentation dans les Moocs n’a pas encore fait l’objet de nombreuses discussions en France, elle est au cœur de débats passionnés outre-Atlantique. Beaucoup des premiers Moocs ont été proposés et construits sans implication des professionnels de la documentation. Pourtant, leur expertise serait précieuse dans bien des domaines. En premier lieu, dans la connaissance et le conseil aux enseignants sur les licences relatives aux contenus intégrés et/ou proposés dans un Mooc. La même question vaut évidemment pour les productions des participants, notamment leur accompagnement dans l’adoption de bonnes pratiques en matière de citation de leurs sources, de réutilisation de supports déjà existants, etc. Ce soutien n’est pas que technique, il doit également englober le développement de l’esprit critique des étudiants vis-à-vis de l’information, dans le contexte totalement ouvert que proposent les Moocs. S’il est devenu habituel que l’information jaillisse de toute part, il est moins courant que les connexions entre les apprenants transcendent les frontières entre les pays, les classes d’âge, voire les horizons sociaux. Cette diversité n’est pas sans poser de sacrés défis dans la compréhension et l’assimilation, par tous, des différences culturelles en matière de traitement de l’information.

Pour en savoir plus

Sur les bibliothèques et les Moocs :

• Dill Elizabeth, Moocs: Where are the Librarians?
https://www.hastac.org/blogs/elizabethdill/2012/08/14/moocs-where-are-librarians

• Creed-Dikeogu Gloria, Clark Carolyn, Are You Moocing Yet? A Review for Academic Libraries, Kansas Library Association College & University Libraries Section Proceedings, 2013.
http://ojrrp.org/journals/index.php/CULS/article/ view/1830

• Workshop Moocs and Libraries: Massive Opportunity or Overwhelming Challenge? (Philadelphie, mars 2013).
https://www.oclc.org/research/events/2013/03-18.html

1 https://www.ted.com/

2 https://www.apple.com/fr/education/itunes-u/

3 Le système européen de transfert et d’accumulation de crédits est un système de points développé par l’Union européenne qui a pour but de faciliter

4 https://www.coursera.org/

5 http://www.itypa.mooc.fr/

6 http://gestiondeprojet.pm/mooc-gestion-de-projet/

7 http://resop.be

8 https://courses.mooc.telecom-bretagne.eu/course/introductions-aux-reseaux-cellulaires

9 https://c2i.education.fr/mooc

10 mooc.ca, portail qui référence l’ensemble des cMoocss et des plateformes de xMoocs, http://www.mooc.ca/courses.htm

Notes

1 https://www.ted.com/

2 https://www.apple.com/fr/education/itunes-u/

3 Le système européen de transfert et d’accumulation de crédits est un système de points développé par l’Union européenne qui a pour but de faciliter la lecture et la comparaison des programmes d’étude des différents pays européens. Le sigle ECTS, abréviation du terme anglais European Credits Transfer System, est le terme le plus couramment employé

4 https://www.coursera.org/

5 http://www.itypa.mooc.fr/

6 http://gestiondeprojet.pm/mooc-gestion-de-projet/

7 http://resop.be

8 https://courses.mooc.telecom-bretagne.eu/course/introductions-aux-reseaux-cellulaires

9 https://c2i.education.fr/mooc

10 mooc.ca, portail qui référence l’ensemble des cMoocss et des plateformes de xMoocs, http://www.mooc.ca/courses.htm

Illustrations

ZML-Innovative Learning Scenarios

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La vache dessinée par José Bogado et publiée sur Flickr a été adaptée de nombreuses fois pour illustrer les Moocs

Citer cet article

Référence papier

Morgan Magnin, « Relever le défi des Moocs », Arabesques, 71 | 2013, 20-21.

Référence électronique

Morgan Magnin, « Relever le défi des Moocs », Arabesques [En ligne], 71 | 2013, mis en ligne le 27 août 2019, consulté le 19 avril 2024. URL : https://publications-prairial.fr/arabesques/index.php?id=1101

Auteur

Morgan Magnin

Maître de conférences École centrale de Nantes

morgan.magnin@ec-nantes.fr

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