Vers des systèmes de gestion de bibliothèque mutualisés…

DOI : 10.35562/arabesques.1364

p. 18-19

Plan

Texte

Il n’est pas toujours facile, quand on est dans l’action, de reconnaître la fin d’une époque. Pourtant, pour ce qui concerne les systèmes de gestion de bibliothèque, tous les signes pointent dans cette direction : nous sommes au début d’une nouvelle ère.

Le début des SIGB

La petite histoire qui suit est certainement simplifiée, mais elle ne vise qu’à tracer de grandes lignes de force.

Ma carrière personnelle, débutée à la Bibliothèque publique d’information (BPI) en 1995, correspond jusqu’à aujourd’hui à l’ère du SIGB. Un système intégré : une seule base de données utilisée par tous les modules. C’est d’ailleurs en 1995 que le SICD de Toulouse, où je travaille aujourd’hui, a sélectionné le SIGB Horizon : il est toujours en production. Mais il devra bientôt être remplacé et sa place au cœur du fonctionnement de la bibliothèque a été remise en cause au fil des années.

1995, c’est aussi l’année du web : Microsoft sort Internet Explorer 1.0 et c’est dans les quelques années qui suivent que le web deviendra grand public. Mais il faudra attendre encore avant que les bibliothèques universitaires soient réellement impliquées : c’est en 1999, par exemple, que Couperin signe son premier contrat de documentation électronique.

Il y a donc eu un temps – on l’oublie aujourd’hui –, de 1995 à (disons) 1999, où le SIGB gérait réellement la quasi-intégralité des ressources de la bibliothèque : un outil informatisant de façon homogène et complète le circuit de gestion de la bibliothèque.

La multiplication des ressources

Dans les années 2000, ce fonctionnement a explosé. De nouvelles ressources sont apparues, en ligne pour la plupart, et les bibliothèques ont elles-mêmes travaillé à la mise en ligne de leurs fonds. Thèses, archives ouvertes, périodiques électroniques, brevets, documents numérisés, multiplication des bases de données bibliographiques : entre 1995, où régnaient encore documents papiers et réseaux de cédéroms, et 2011, le paysage s’est incroyablement diversifié et complexifié.

Les bibliothèques ont certainement eu – et ont encore – beaucoup de mal à s’adapter. Mais elles ne sont pas les seules : leurs prestataires aussi, et les SIGB qu’ils ont produits n’ont pas suivi. Certaines sociétés ont bien proposé des développements permettant de gérer ces nouvelles ressources : résolveurs de liens, outils de recherche fédérée et autres Electronic Resources Management Systems (ERMS). Mais, c’était en dehors du SIGB qui, lui, a de facto continué à gérer les collections papier : les bibliothèques ont, dans la bataille, perdu cet outil unique qui pouvait gérer leurs processus complets.

Mutualiser : pourquoi ? comment ?

Aujourd’hui, l’informatique continue son évolution rapide et voit l’apparition de deux phénomènes importants : l’émergence de prestataires appuyant leurs services sur des quantités invraisemblables de données ; l’émergence d’une capacité nouvelle de gestion de l’informatique « dans les nuages », c’est-à-dire la capacité pour les entreprises du web de fournir à partir de leurs serveurs distants des prestations qui, il y a quelques années, auraient nécessité l’installation de logiciels locaux.

C’est vrai pour le web en général, pour des sociétés comme Google, Facebook ou Amazon ; cela devient vrai aussi pour l’informatique documentaire.

Les plus grosses sociétés du secteur sont engagées dans un processus similaire : mettre en place une infrastructure informatique hébergée de grande capacité pour offrir des services logiciels qui s’appuient sur des volumes de données très importants. Y compris un service logiciel de gestion de bibliothèque : une application hébergée qui réunifie la gestion des établissements et remplace tout à la fois votre SIGB pour la gestion de la documentation papier, votre ERMS pour la gestion interne de la documentation électronique, votre résolveur de liens pour gérer l’accès au document électronique du public, votre plateforme de dépôt pour les thèses, votre outil de recherche fédéré par une interface de recherche publique rebaptisée « outil de découverte ». Le tout s’appuie sur une base de connaissance qui vise à couvrir de la façon la plus large possible votre documentation.

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Source : morgueFile

Ces systèmes commencent à être implémentés dans quelques bibliothèques pilotes en 2011 et 2012. Ils auront un impact majeur sur nos organisations, ne serait-ce, par exemple, qu’en fusionnant dans un même module les acquisitions de documentation papier et de documentation électronique, fonctions qui, à l’heure actuelle, sont souvent séparées dans nos établissements.

Un groupe de travail, dont je fais partie, dialogue depuis quelques mois avec les prestataires qui sont engagés dans ce type de projet1.

Il vise à dessiner des réponses à deux questions :

  • que pouvons-nous savoir du fonctionnement technique de ces nouveaux systèmes et, en particulier, de leur souplesse ? Peut-on utiliser un système qui reste standard tout en le modifiant sensiblement pour répondre aux attentes du marché français ?
  • quelle est la bonne échelle de travail pour ces systèmes ? Un regroupement d’établissement est-il possible au-delà même des PRES ? Quel pourrait être le rôle de l’ABES dans un projet de mise en place d’un système de cette nature pour un groupe de bibliothèques universitaires françaises ?

Un des regrets possibles à propos de l’ « ère du SIGB » serait que les bibliothèques universitaires, durant cette période, n’aient pas su regrouper leurs forces. Les réinformatisations des années 1990 et du début des années 2000 ont eu lieu en ordre dispersé, avec des achats de SIGB de toutes marques, parfois à peu d’années de distance, parfois dans la même ville. Cette situation a eu un coût direct en budgets de réinformatisation et un coût indirect : les difficultés techniques rencontrées, par là même, pour mettre en œuvre des rapprochements entre les bibliothèques.

Le SUDOC a été une étape importante dans l’homogénéisation des pratiques et le rapprochement des établissements. L’émergence des PRES en est une autre : la question de l’informatique documentaire commune est souvent au cœur des réflexions dans ces structures.

Le changement d’époque quant aux systèmes informatiques eux-mêmes nous donne, dans ce contexte, une opportunité unique de rapprochement et de mutualisation.

Ce qu’en dit le projet d’établissement

5.7 Proposer aux établissements un système de gestion mutualisé

Plusieurs bibliothèques envisagent de changer leurs systèmes locaux alors que des solutions de nouvelle génération arrivent sur le marché.
Il paraît économiquement et fonctionnellement cohérent que les établissements se regroupent pour ce type d’acquisition plutôt que de définir séparément leur cahier des charges et de négocier individuellement avec les fournisseurs. Les besoins sont en effet largement similaires d’un établissement à l’autre.
L’ABES engagera une collaboration avec ces bibliothèques pour proposer une solution mutualisée. Un groupe d’établissements autour du PRES de Toulouse a déjà été constitué au premier semestre 2011. C’est dans ce cadre que le travail sera mené, en commençant par la rédaction du cahier des charges et la définition du cœur des besoins.
Plusieurs scénarios sont envisageables : simple commande groupée, systèmes distribués, hébergement en central, dans les nuages. Entre le niveau local et national, plusieurs variantes sont possibles qui seront étudiées et sur lesquelles les établissements se positionneront.
L’articulation du SUDOC avec les systèmes locaux sera prise en compte : l’expérience révèle plusieurs tâches en doublon entre le SUDOC et les systèmes locaux, pour la mise en cohérence et à niveau des bases locales notamment. Ce projet pourra servir également à faire évoluer le SUDOC.
Le projet de système de gestion mutualisé est considéré comme une priorité par le Conseil d’administration et le Conseil scientifique, à mettre en œuvre rapidement car plusieurs établissements souhaitent changer de système dès maintenant. Le système proposé devra bien entendu être en mesure de gérer les ressources électroniques.

1 http://fil.abes.fr/2011/09/08/un-projet-de-systeme-de-gestion-de-bibliotheque-mutualise/

Notes

1 http://fil.abes.fr/2011/09/08/un-projet-de-systeme-de-gestion-de-bibliotheque-mutualise/

Illustrations

Source : morgueFile

Citer cet article

Référence papier

Nicolas Morin, « Vers des systèmes de gestion de bibliothèque mutualisés… », Arabesques, 65 | 2012, 18-19.

Référence électronique

Nicolas Morin, « Vers des systèmes de gestion de bibliothèque mutualisés… », Arabesques [En ligne], 65 | 2012, mis en ligne le 20 décembre 2019, consulté le 29 mars 2024. URL : https://publications-prairial.fr/arabesques/index.php?id=1364

Auteur

Nicolas Morin

Nicolas Morin est responsable du système Informatique Documentaire au sein du réseau des bibliothèques de l’université de Toulouse PRES Université de Toulouse - Bibliothèques http://bibliotheques.univ-toulouse.fr/

nicolas.morin@univ-toulouse.fr

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