L’acculturation aux pratiques d’évaluation nécessite de redonner sens et efficacité à cette activité stratégique.
Tous les 10 ans, l’évaluation est sous le feu des projecteurs1. C’est déjà bien, mais c’est insuffisant, car l’évaluation devrait être un automatisme. Si c’est désormais le cas pour les indicateurs d’activité2, c’est moins avéré pour les indicateurs de performance3, et encore moins pour les indicateurs d’impact4. Comment donner du sens à l’évaluation en bibliothèque ? Comment amener chacun à adopter une « évaluation attitude » ? Comment présenter les résultats aux tutelles, aux usagers ?
Les recommandations en matière d’évaluation pourraient être résumées en sept commandements :
- Toujours à évaluer vous penserez.
- De tout mesurer vous vous abstiendrez.
- Des objectifs vous partirez.
- Toujours l'intérêt de la mesure vous comprendrez.
- L'avis des usagers vous recueillerez, ses habitudes vous observerez.
- Toujours vers l'amélioration vous tendrez.
- D’oublier de communiquer vous vous garderez.
Le premier commandement devrait être un réflexe dès la mise en place d’un nouveau service. Actuellement, les services aux chercheurs se développent, et il est important de trouver des indicateurs permettant de mesurer les actions menées et leur impact. Cet indicateur pourrait être le nombre de publications de chercheurs mises en ligne par l’intermédiaire des bibliothécaires. Il nécessite d’être mis en place, mais comment mener une véritable politique de service sans évaluation à la clé ?
Le deuxième commandement peut sembler faussement contradictoire avec le premier. Pendant trop longtemps, les bibliothèques ont tendu vers une évaluation exhaustive. C’est non seulement impossible (même avec les outils de business intelligence de plus en plus performants) mais également contre-productif. Pourquoi ? Ceci conduit naturellement au troisième commandement, qui devrait être un réflexe avant toute mesure. Comment choisir dans la masse d’indicateurs à disposition si ce n’est en partant des objectifs opérationnels du service ? Cela permet de prendre de la hauteur, et de ne conserver que les indicateurs aptes à évaluer leur atteinte. Ainsi, pour mesurer les espaces et la fréquentation des bibliothèques, il existe de nombreuses données brutes (nombre d’heures d’ouverture, de m², d’entrées) et de nombreux indicateurs (taux de pénétration, nombre de m²/étudiant, etc.) : lesquels choisir ? À titre d’exemple, l’objectif « mettre à disposition des espaces de travail » conduit à ne conserver que les données les plus pertinentes, combinant offre d’espaces et public cible : nombre de m²/étudiant, disponibilité théorique d’une place assise.
Le quatrième commandement relève du bon sens, mais il n’est pas à négliger. En effet, comment bien mesurer une donnée si son utilité est sujette à caution, si sa mesure comporte trop de biais ? Sont (hélas ?) exclues du questionnement les données demandées par les tutelles (ESGBU, RAP, etc.).
Le cinquième commandement insiste sur l’intérêt de recueillir des données autres que d’activité. Son application permet de disposer de données sollicitées et de données observées, enrichissant ainsi les points de vue avec des notions de satisfaction et d’impact. Ainsi on peut, pour mesurer l’impact de l’activité, demander aux étudiants s’ils pensent que la documentation de la BU les aide, ou non, dans leur réussite.
Le sixième commandement découle des précédents. L’évaluation est un élément essentiel dans le cycle de l’amélioration. À l’image des BU de l’université Lyon 1, premières certifiées qualité ISO 9001 en France, le processus d’amélioration continue et de démarche qualité est l’aboutissement d’un travail débuté en 2005 avec un guide des bonnes pratiques d’accueil, un référentiel qualité accueil5, et poursuivi sans interruption depuis.
Quant au septième commandement, il est souvent oublié. Pourtant, dans un monde concurrentiel, communiquer auprès des usagers et auprès des tutelles est essentiel : communiquer sur la performance du service, sur les résultats d’une enquête auprès des usagers, etc. Il en va de l’image de la bibliothèque, de sa place – peut-être de sa survie…