L'État possède un patrimoine public immatériel abondant et varié, composé d’un ensemble d’actifs immatériels tels que les brevets, les marques, les savoir-faire, les fréquences, les actifs carbone ou les informations publiques… Il prend de plus en plus conscience de la valeur de ce patrimoine et entend en faciliter sa mise à disposition et son exploitation par des tiers, notamment des entreprises, pour le bénéfice de l’ensemble de l’économie.
L’APIE
L’Agence du patrimoine immatériel de l’État (APIE)1 est née de la volonté de l’État d’identifier et de valoriser les biens de ce patrimoine public2. Elle a entrepris d’en moderniser la gestion et d’en favoriser l’exploitation avec un double objectif : contribuer à la croissance de l’économie en France, par la création de nouveaux services et produits à forte valeur ajoutée, et aider à la modernisation des services publics, en termes de qualité et d’efficacité, au bénéfice de tous.
Les informations publiques constituent une part importante de ces actifs. Il s’agit entre autres des bases de données, rapports, études, statistiques, données cartographiques, photographies, qui couvrent des domaines d’une grande diversité, qu’ils soient juridique, culturel, économique, géographique ou encore social. Ces informations intéressent d’autres personnes que les administrations elles-mêmes, et notamment les entreprises et les chercheurs.
Une des missions premières de l’APIE consiste alors à diffuser, au sein des administrations, une culture de mise en valeur des informations publiques dans l’intérêt de tous. L’APIE vise ainsi à amplifier la mise en œuvre du droit à réutilisation des informations publiques introduit en France récemment3.
Ce nouveau droit est à distinguer du droit d’accès aux documents administratifs. Alors que le droit d’accès répond avant tout à des objectifs de transparence et de lisibilité de l’action publique dans un but d’intérêt général, la réutilisation comporte aussi un intérêt économique pour les entreprises. À côté des nombreuses initiatives et des moyens importants consentis par les administrations pour diffuser leurs informations et satisfaire toujours mieux l’information des citoyens, la réutilisation constitue un vecteur d’innovation et de création de valeur. Elle recouvre donc des enjeux notables en termes de développement économique. L’APIE mène de nombreuses actions concrètes pour aider les opérateurs économiques à mieux accéder aux informations publiques réutilisables ainsi que pour sensibiliser et accompagner les administrations dans leurs projets et dans la mise à disposition de leurs informations.
L’APIE a tout d’abord élaboré des outils pour faciliter l’action des administrations :
- elle a ainsi apporté un éclairage sur le droit à réutilisation des informations publiques grâce à la réalisation d’une foire aux questions devançant les éventuelles interrogations des différentes administrations concernées ;
- elle a aussi conçu deux modèles de licences-types qui constituent des cadres de références destinés à homogénéiser, faciliter et sécuriser les relations entre l’administration et les réutilisateurs ;
- elle mène en outre des réflexions visant à définir les principes de fixation des redevances de réutilisation. En effet, si l’accès est principalement gratuit, la réutilisation, notamment commerciale, peut faire l’objet d’une redevance susceptible de prendre en compte l’avantage économique4 retiré par le bénéficiaire et d’intégrer un juste retour sur les investissements consentis par l’administration, notamment au regard de ses droits de propriété intellectuelle. Un exemple concret réussi dans ce domaine, est la possibilité pour les automobilistes de trouver la station d’essence la moins chère près de chez eux, sur internet.
Les modèles de licences
Deux modèles de licences-types pour tenir compte de la diversité des situations et optimiser la valorisation des ressources publiques ont été élaborés. Ils correspondent aux cas où les informations publiques font ou non l’objet de mises à jour régulières. Le premier concerne la « livraison unique d’informations » et le second, la « livraison successive d’informations régulièrement mises à jour ». Ce dernier modèle tient compte de la variété des situations et notamment des diverses possibilités techniques de mise à disposition des mises à jour. La licence est composée de conditions générales et de conditions particulières qui ont vocation à être adaptées à chaque corpus d’informations. Ces modèles de licences-types sont disponibles sur le site de l’APIE (www.apiefrance.fr).
Il ne s’agit pas que d’argent
En parallèle, l’APIE a engagé plusieurs actions afin d’améliorer, pour les opérateurs, la recherche des informations disponibles et la connaissance de leurs conditions de réutilisation.
Elle a apporté son soutien aux administrations pour l’élaboration, imposée par la loi5, des répertoires d’informations publiques. Une typologie des principaux documents administratifs susceptibles de contenir des informations publiques a ainsi été diffusée.
Elle a amplifié la démarche en proposant de créer un portail unique d’accès aux informations publiques réutilisables, mesure qui a été intégrée dans « France numérique 2012, plan de développement de l’économie numérique »6.
Ce portail, dont l’ouverture est prévue en 2011, est conçu comme un point d’entrée unique pour les réutilisateurs permettant de faciliter la recherche d’informations par une navigation intuitive avec une approche thématique.
Le patrimoine immatériel de l’État, c’est aussi la mise à disposition, en location au prix du marché, de sites publics habituellement fermés. Les cinéastes sont très friands de pouvoir dorénavant accéder à des décors jamais utilisés à l’écran, tels que des tribunaux, des hôpitaux, des préfectures et même des sites militaires, comme ici lors du tournage du long métrage « Les chevaliers du ciel » de Gérard Pirès (ici derrière la caméra), qui a pu réaliser de nombreuses scènes sur la base aérienne d’Orange.
Chargée de la conception de ce portail, l’APIE a constitué un groupe de travail interministériel afin d’en définir les fonctionnalités. Son objectif est de concevoir le portail autour d’un moteur de recherche performant et simple d’utilisation.
Pour la conduite de ces actions horizontales, l’APIE travaille en étroite coopération avec les ministères et des autorités administratives comme la CADA7, mais aussi avec des représentants des réutilisateurs. Elle enrichit ses travaux grâce à l’accompagnement des administrations sur des projets précis de valorisation de corpus d’informations.
Il est important de souligner que la valorisation, « s’agissant de biens appropriés par une personne publique, n’est pas seulement la maximisation du profit qu’elle peut en retirer […] ; elle a aussi pour objectif la satisfaction ou la recherche d’une meilleure satisfaction d’un intérêt général […]. La valorisation des biens publics s’entend d’une valorisation au service de l’utilité publique »8.
Et cette acception est celle de l’APIE :
« Il ne s’agit pas que d’argent. […] Mieux exploiter le capital immatériel de l’État, avant de se préoccuper des recettes qu’il est susceptible de générer, c’est faire en sorte qu’il contribue à la modernisation du service public et, par là-même, à ce que la puissance publique assure mieux encore ses missions, au service de la collectivité »9.
La valorisation des informations publiques, à travers la mise en œuvre du droit à réutilisation, permet alors aux administrations de favoriser la croissance économique tout en recherchant la satisfaction de l’intérêt général.
L’Agence du patrimoine immatériel de l’État est un service à compétence nationale, rattaché conjointement au directeur général du Trésor et de la politique économique et au directeur général des Finances publiques. Cette agence a une fonction interministérielle de coordination et d’assistance.
Elle est chargée :
- de proposer au ministre chargé de l’Économie les orientations relatives à la stratégie de gestion des actifs immatériels de l’État en vue d’assurer une meilleure valorisation de ce patrimoine ;
- de coordonner la mise en œuvre de ces orientations dans les ministères en assistant les directions dans l’élaboration et la conduite de leur stratégie de gestion des actifs immatériels : à ce titre, l’Agence favorise l’adoption de cadres de gestion, fournit des prestations de conseil et d’expertise et peut être associée à la conduite de projets dans le cadre de partenariats ;
- de piloter le recensement des actifs immatériels des administrations et établissements publics de l’État et de mettre en place un système d’information spécifique ;
- de participer, en liaison avec les autres directions concernées, à l’élaboration et au suivi des règles de comptabilité publique relatives aux actifs immatériels ;
- de proposer au ministre chargé de l’Économie toute réforme législative, réglementaire ou administrative nécessaire.