Mesurer la performance : quantité contre qualité ?

DOI : 10.35562/arabesques.2150

p. 3

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La mesure de la performance est aujourd’hui ancrée dans nos pratiques managériales. Pas de projet d’établissement, pas de budget, sans document de performance décliné à plusieurs niveaux : ministère, établissement, service. Les directeurs sont tous confrontés à la tâche redoutable de définir des indicateurs (et leurs valeurs cibles) qui devront témoigner de la performance de leur établissement et dont ils devront rendre compte devant leur conseil d’administration et leur tutelle.

L’exercice est difficile : comment dépasser les seuls indicateurs quantitatifs, infiniment plus aisés à définir et mesurer que les indicateurs qualitatifs, pourtant plus adaptés à des établissements de services comme les bibliothèques ? Rien de plus simple (et de plus réducteur) que de compter le nombre de documents ou de consultations de l’OPAC ; mais comment mesurer la qualité de l’accueil ?

C’est le mérite de deux chercheurs britanniques, David McMenemy et Christine Rooney, de dénoncer les travers d’une évaluation purement quantitative1, en présentant une méthode de mesure de la qualité (Public library quality improvement matrix for Scotland) introduite, en 2007, dans les bibliothèques publiques écossaises2. Leur analyse s’applique, certes, au secteur de la lecture publique au Royaume-Uni, pays qui a introduit à grande échelle la mesure de la performance pour juger de l’efficacité des politiques publiques, mais leur analyse n’en demeure pas moins intéressante, car mettant en cause un discours managérial réducteur.

Le Royaume-Uni a introduit d’impressionnantes batteries d’indicateurs pour tous ses services publics – bibliothèques comprises – qui alimentent des classements repris dans la presse nationale. Avec, par- fois, des manchettes fracassantes sur la fin des bibliothèques, inspirées par la baisse des prêts à domicile. Ce que soulignent David McMenemy et Christine Rooney, c’est qu’on ne peut pas réduire l’activité d’une bibliothèque à de seuls chiffres : nombre de documents, de prêts, de lecteurs, d’entrées, etc. Chaque prêt de livre est une histoire, chaque emprunteur un individu unique, dont il faut comprendre les attentes. Nos auteurs de citer les paradoxes de Boyle et sa mise en cause de la tyrannie des chiffres :

  • on peut compter les gens, pas les individus ;
  • si on ne compte pas les bonnes choses, on recule ;
  • plus les services sont sophistiqués, moins on peut les mesurer.

La méthode d’évaluation écossaise propose une grille d’évaluation de la qualité au moyen de sept indicateurs :

  1. accès à l’information,
  2. participation du personnel et de la communauté,
  3. satisfaction des besoins des lecteurs,
  4. la bibliothèque centre d’apprentissage,
  5. valeurs éthiques,
  6. organisation et utilisation des ressources et de l’espace,
  7. capacité d’innovation des dirigeants.

Le but est de mesurer l’impact social de la bibliothèque sur la communauté qu’elle dessert, sa contribution à la cohésion sociale, au développement personnel, à la construction de l’identité d’un quartier ou d’une communauté.

Cette démarche n’est pas une remise en cause de la démarche de performance mais de la place trop importante accordée aux seuls critères quantitatifs, qui influent sur la relation aux services dont les bibliothécaires sont les opérateurs. On assiste à une prise de conscience dans les bibliothèques publiques britanniques que, loin de renforcer les bibliothèques, une trop grande confiance dans les techniques scientifiques de management tend plutôt à limiter la nature et l’étendue des services et démotive les personnels. Pour ces auteurs, le temps est venu d’une approche plus holistique des services, qui n’opposerait plus quantité et qualité.

1 Communication, au congrès de l’IFLA à Québec, à paraître dans IFLA Journal

2 Building on success: a public library quality improvement matrix for Scotland http://www.slainte.org.uk/files/pdf/slic/PLQIM/plqim.pdf

Notes

1 Communication, au congrès de l’IFLA à Québec, à paraître dans IFLA Journal

2 Building on success: a public library quality improvement matrix for Scotland http://www.slainte.org.uk/files/pdf/slic/PLQIM/plqim.pdf

Citer cet article

Référence papier

Raymond Bérard, « Mesurer la performance : quantité contre qualité ? », Arabesques, 53 | 2009, 3.

Référence électronique

Raymond Bérard, « Mesurer la performance : quantité contre qualité ? », Arabesques [En ligne], 53 | 2009, mis en ligne le 10 septembre 2020, consulté le 20 avril 2024. URL : https://publications-prairial.fr/arabesques/index.php?id=2150

Auteur

Raymond Bérard

Directeur de l’ABES

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