Des catalogues aux données : l’Abes et la BnF face à une transition toujours en marche

DOI : 10.35562/arabesques.2308

p. 16

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Texte

Depuis 20 ans, les deux institutions relèvent les défis posés par le Web de données, le big data et la transition bibliographique, avec comme enjeu d’inscrire les bibliothèques comme des actrices de premier plan de ces évolutions majeures.

Au cours des vingt dernières années, l'évolution des catalogues a été marquée par des transformations profondes, encore inachevées. D’une part, l'irruption du Web les a positionnés en concurrence avec les moteurs de recherche dont la rapidité de réponse, le classement des résultats par pertinence et l’ergonomie simple et intuitive sont devenus des exigences naturelles. D’autre part, les ressources numériques ont soulevé des questions nouvelles : granularité fine (article, chapitre), absence de périodicité fixe, apport de données externes provenant notamment des éditeurs1.

Face à de tels changements, les bibliothèques se sont posé dès 1998 la question de l'évolution de leurs données, avec la création au sein de l'IFLA du modèle FRBR2 qui attribue une importance nouvelle aux données d’autorité, plaçant désormais au cœur de la description bibliographique les entités que sont les auteurs, les œuvres ou les sujets.

La révolution de la « data »

Au même moment, le Web voyait émerger un nouvel environnement technologique de la « data », caractérisé par une ouverture juridique (open data) visant à favoriser la réutilisation des données, par une évolution du Web intégrant la spécificité des données structurées et liées (linked data ou Web de données), par l'émergence de technologies permettant de manipuler en temps réel des masses très importantes de données (big data) et par de nouvelles interfaces alliant élégance graphique et force narrative (data visualisation).

Acteurs essentiels de l’information bibliographique, l’Abes et la BnF se sont confrontées l’une et l’autre, parfois ensemble, à ces évolutions, tentant d’y répondre par des expérimentations diverses. Au début des années 2000, l’Abes mettait en service un « portail de recherche fédérée » pour interroger simultanément plusieurs bases bibliographiques, tandis que la BnF misait sur le protocole OAI-PMH3 pour transformer Gallica en bibliothèque numérique collaborative. Au tournant des années 2010, les deux établissements s’essayaient au Web de données, l’un en lançant le service IdRef pour les autorités du Sudoc, l’autre en déployant data.bnf.fr qui proposait un accès FRBRisé aux données du catalogue de la BnF.

Cellules fantômes ou cellules sans noyau

Cellules fantômes ou cellules sans
            noyau

© Odra Noel

Transition bibliographique : l’enjeu de la visibilité sur le Web

C’est en 2014 que l’Abes et la BnF, conjointement avec l’Afnor, définissent le concept de « transition bibliographique »4, une transformation en profondeur des normes et des pratiques de catalogage, mais aussi des systèmes capables de produire et d'exploiter ces nouvelles données : c'est le début d'une période de mutation qui s'effectuera progressivement sur plusieurs années.

Le bénéfice attendu de la transition bibliographique est de permettre aux données des bibliothèques d'interagir avec celles d'autres communautés et de gagner en visibilité sur web. De manière plus prospective se pose la question de l'utilisation de briques technologiques nouvelles : traitements automatisés, machine learning, alignements de données, etc. Des projets comme le Hub de métadonnées de l’Abes, Qualinca ou, à la BnF, l’extranet éditeurs et robot-données visent à récupérer, transformer et traiter en masse des données d'origines variées en vue d'une multiplicité d'usages. Des expérimentations comparées sont menées sur la FRBrisation et notamment le regroupement des notices par œuvres. Enfin, la question de la production est posée à travers les projets Sudoc21 et Noemi (refonte de la production du catalogue de la BnF).

Le Fichier National d’Entités (FNE), dont les développements débutent en 2020, peut être vu comme l’aboutissement de ces évolutions. Consacrant la coopération de l’Abes et de la BnF autour des autorités, données devenues clef dans l’univers des catalogues, il combine mutualisation de l’effort de production, ingénierie de la donnée et évolution des modèles. Tandis que l’aboutissement de la transition bibliographique se dessine pour les deux agences à l’horizon de cinq ans, c’est l’accompagnement de leurs réseaux respectifs, pour une véritable mutation nationale, qui constituera l’enjeu de la décennie 2020-2030.

1 Cf. Vers de nouveaux catalogues, Paris : Cercle de la librairie, 2016.

2 FRBR : Functional Requirements for Bibliographic Records

3 OAI-PMH : Open Archives Initiative - Protocol for Metadata Harvesting

4 http://www.transition-bibliographique.fr/

Notes

1 Cf. Vers de nouveaux catalogues, Paris : Cercle de la librairie, 2016.

2 FRBR : Functional Requirements for Bibliographic Records

3 OAI-PMH : Open Archives Initiative - Protocol for Metadata Harvesting

4 http://www.transition-bibliographique.fr/

Illustrations

Cellules fantômes ou cellules sans             noyau

Cellules fantômes ou cellules sans noyau

© Odra Noel

Citer cet article

Référence papier

Emmanuelle Bermès, « Des catalogues aux données : l’Abes et la BnF face à une transition toujours en marche  », Arabesques, 100 | 2021, 16.

Référence électronique

Emmanuelle Bermès, « Des catalogues aux données : l’Abes et la BnF face à une transition toujours en marche  », Arabesques [En ligne], 100 | 2021, mis en ligne le 14 janvier 2021, consulté le 19 mars 2024. URL : https://publications-prairial.fr/arabesques/index.php?id=2308

Auteur

Emmanuelle Bermès

Adjointe scientifique et technique auprès du directeur des services et des réseaux à la Bibliothèque nationale de France

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