L’Abes doit trouver sa place dans la science ouverte

Interview de Jean-Pierre Finance, ancien président du Conseil d’administration de l’Abes

DOI : 10.35562/arabesques.2331

p. 20

Index

Mots-clés

interview

Texte

Pour Jean-Pierre Finance, membre du Conseil d’administration de l’Abes pendant 10 ans, dont 6 à la présidence, le défi principal à relever pour l’agence est celui de la science ouverte et en particulier des données de la recherche.

Jean-Pierre Finance

Jean-Pierre Finance

Arabesques : quels ont été, selon vous, les chantiers les plus importants de l’Abes au cours des dix dernières années ?

Jean-Pierre Finance : cette période a été très riche. L’évolution du Sudoc vers une fonction de hub de métadonnées qu’on travaille à rendre plus cohérentes les unes avec les autres et à mieux exposer a été un élément extrêmement important. L’autre changement considérable a été la dimension financière prise par l’Abes qui est devenue support pour les contrats d’acquisitions de ressources électroniques à l’échelle nationale. Cette fonction n’était pas dans le cœur de métier initial des équipes de l’Abes mais cet engagement a rendu énormément de services à la communauté scientifique. L’Abes a été l’un des acteurs majeurs de la réussite d’Istex, grosse opération de 65 millions d’euros du Programme Investissements d’Avenir, imaginée dès 2011 par Grégory Colcanap, coordinateur de Couperin, Claire Giry, alors chef de service au MESRI, et moi-même, puis pilotée par la CPU, représentée par l’Université de Lorraine, le CNRS, le consortium Couperin et l’Abes. En permettant non seulement d’accéder à des ressources scientifiques mais également de faire de la fouille de données, Istex a été une sorte de pilote de ce que devait devenir les plateformes d’accès à la documentation. Une autre mission importante de l’Abes a été le pilotage du SGBm. Je trouve dommage que l’on n’ait pas pu aboutir à un outil unique comme nous le pensions au départ mais dans ce dossier, l’Abes a joué le rôle de porteur de mutualisation pour un service dont les établissements ont besoin.

Arabesques : vous avez œuvré dans plusieurs structures pour le développement numérique de la documentation scientifique. Comment s’articule le travail des différents acteurs ?

Jean-Pierre Finance : je trouve qu’il y a en France une trop grande disparité des structures liées au numérique en général et dans le domaine de la documentation en particulier. Nous subissons une maladie très française qui consiste à créer une structure ad hoc dès qu’on a une fonction précise à remplir. Cela a été le cas avec l’Amue, chargée de la mutualisation de logiciels de gestion pour les universités, avec Renater, pour la gestion des réseaux, le Cines, grand centre de calcul. Dans le domaine de l’IST, on peut s’interroger sur la pertinence de la coexistence de l’Abes, de Couperin, de HAL, de l’Inist. Ce n’est pas un hasard si j’ai accepté de prendre des responsabilités dans plusieurs de ces organismes. Il y avait l’espoir de les rapprocher mais les formes juridiques très hétérogènes de ces différentes structures rendent leur rapprochement compliqué. L’exemple britannique du Jisc montre pourtant qu’une structure de services autour du numérique à l’échelle nationale a tout son sens.

Arabesques : quels seront les grands défis à relever pour l’Abes dans les années à venir ?

Jean-Pierre Finance : le grand défi sera celui de la science ouverte et des données de la recherche. Malgré le plan national pour la science ouverte, un certain nombre de publications resteront encore fermées pendant plusieurs années. Comment aider les chercheurs à accéder à cette documentation ? Quant aux données de la recherche, leur gestion, leur accès, leur traitement sont d’une complexité bien supérieure à celle des publications. Il n’y a pas beaucoup de rapport entre les données produites par un grand instrument de physique comme le LHPC du Cern, celles collectées en écologie ou encore celles fournies par une enquête sociologique. Néanmoins, si on veut les utiliser, il faut les caractériser avec des métadonnées de qualité, les coder, les stocker. L’objectif n’est pas seulement d’accéder aux ressources mais de les comparer, de travailler sur plusieurs champs disciplinaires à la fois. C’est un chantier immense et encore balbutiant. Le projet européen European Open Science Cloud vise à mutualiser les bases de données de la recherche de chaque pays. Cela nécessite de réaliser un traitement transversal au niveau européen mais aussi de voir ce que l’on peut élaborer à l’échelle nationale. Difficile de prédire ce que sera l’information scientifique dans 10 ans, mais l’Abes va devoir, au-delà des services absolument nécessaires qu’elle fournit actuellement, réfléchir à la manière de se positionner sur toutes ces questions essentielles.

Interview réalisée par Véronique Heurtematte, coordinatrice éditoriale d’Arabesques

Illustrations

Jean-Pierre Finance

Jean-Pierre Finance

Citer cet article

Référence papier

Jean-Pierre Finance, « L’Abes doit trouver sa place dans la science ouverte », Arabesques, 100 | 2021, 20.

Référence électronique

Jean-Pierre Finance, « L’Abes doit trouver sa place dans la science ouverte », Arabesques [En ligne], 100 | 2021, mis en ligne le 26 janvier 2021, consulté le 19 mars 2024. URL : https://publications-prairial.fr/arabesques/index.php?id=2331

Auteur

Jean-Pierre Finance

Ancien président du Conseil d’administration de l’Abes

Autres ressources du même auteur

Articles du même auteur

Droits d'auteur

CC BY-ND 2.0