Un projet pour l’ABES : questions au directeur de l’ABES

DOI : 10.35562/arabesques.2393

p. 6-11

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Editor's notes

Avec la collaboration de : Maria Castillo [contributeur]Christine Fleury [contributeur] Caroline Rogier [contributeur]

Text

Raymond Bérard, directeur de l’ABES, répond à de multiples questions, allant de l’esprit du projet à la réorganisation de l’établissement, de ses partenaires, nombreux, aux services attendus… et rendus, de l’information scientifique et technique à l’environnement politique et universitaire…

L’esprit du projet

Si vous deviez décrire le projet d’établissement en quatre mots, quels seraient-ils ?

Résumer en quatre mots un travail qui s’est étalé sur plus d’un an et a impliqué tant de personnes relève de la mission impossible. Je peux par contre énoncer les principes qui nous ont guidés dans l’élaboration de ce projet :

• la volonté de trouver le bon positionnement pour l’ABES dans l’environnement complexe où évolue l’agence ;

• l’implication de tous les acteurs avec lesquels travaille l’ABES : sa tutelle – la SDBIS – les membres du réseau, ses partenaires et, bien sûr, les personnels ; un projet d’établissement est tout autant un engagement envers le réseau qu’un horizon vers lequel nous nous mobilisons en interne ;

• le pragmatisme ;

• la capacité à se projeter dans les quatre à cinq ans à venir : un défi redoutable dans le secteur de l’IST et dans un contexte institutionnel en pleine transformation.

Genèse du projet

De la feuille de route au vote lors du CA du 6 juin 2008, quelles ont été les grandes étapes ?

À mon arrivée à l’ABES en janvier 2006, m’attendait une feuille de route préparée par la SDBD, qui assignait des objectifs nombreux à l’Agence. Certains des projets étaient déjà engagés (notamment Star) ; pour d’autres (Calames, Numes), tout était à faire. Sans oublier l’amélioration du dialogue et du fonctionnement internes, auxquels je devais me consacrer en priorité ni bien sûr la poursuite du développement du Sudoc.

On a pu reprocher à cette feuille de route ses projets trop nombreux, décidés pour certains sans véritable étude préalable, mais c’était la première fois, depuis la fin du déploiement du Sudoc en 2002, que le Ministère définissait formellement des perspectives pour l’Agence. Une fois l’essentiel des actions de la feuille de route mises en œuvre, nous avons fait le constat avec la SDBIS qu’il fallait aller plus loin : engager une réflexion sur les missions de l’ABES et sa place dans le paysage documentaire ; avoir une vision structurée et à moyen terme de son action, au lieu du fonctionnement par à‑coups ; élaborer un plan donnant à l’Agence une visibilité pluriannuelle sur les projets. Disposer d’une vision sur quatre ans est une sécurité pour nous comme pour nos interlocuteurs. Cette démarche supposait de dresser au préalable un bilan de l’agence et de ses réalisations, et d’analyser son environnement.

Nous avions engagé le travail sur le bilan à l’occasion de l’audit confié à la société Tosca à l’automne 2006 qui comprenait une enquête auprès des membres du réseau et des principaux partenaires de l’ABES sur leur perception des services et outils proposés par l’ABES. Cette enquête nous a été précieuse pour déterminer les inflexions à apporter à notre politique de service.

Puis est venu le moment de la réflexion interne, objectif du séminaire de deux jours qui a réuni toutes les équipes de l’ABES à Aimargues en mars 2007 ; un séminaire structuré en quatre ateliers :

• l’avenir du catalogue ;

• information, formation, communication, documentation ;

• fonctions support ;

• la place et le rôle de l’ABES dans ses réseaux.

• Les conclusions de ce séminaire constituent véritablement la colonne vertébrale du projet pour l’ABES. Ne restait plus qu’à rédiger le projet à partir de cette riche matière. En août 2007, une première mouture était prête. Ce n’était que la première de nombreuses versions puisque ce travail a d’abord fait l’objet de plusieurs échanges avec la SDBIS avant d’être soumis à commentaires à l’AURA. Chacune de ces consultations a conforté, réorienté, mais toujours enrichi le projet. C’est la version issue de ces échanges qui a été soumise au conseil d’administration de novembre 2007 à l’occasion d’un débat d’orientation. Les administrateurs ont demandé plusieurs modifications prises en compte pour le vote final, intervenu en mai 2008.

Février 2007-juin 2008 ! On peut estimer que la gestation de ce projet fut longue mais elle coïncidait avec de multiples chantiers pour l’ABES : sa réorganisation, l’audit sur le rapprochement CINES-ABES notamment. Elle est due aussi à la méthode participative que nous avons choisie. Un regret toutefois : que nous n’ayons impliqué les établissements que tardivement. Nous aurions dû les associer à la démarche en amont, à l’occasion d’un séminaire comme l’a fait RERO pour son plan stratégique.

Les partenaires de l’ABES

L’ABES entretient des relations avec de nombreux partenaires – établissements du réseau, AURA, ADBU, COUPERIN, tutelle (SDBIS). Dans le contexte particulier de redéfinition du paysage de l’IST en France, sur quel socle s’appuient vos décisions ?

L’action de l’ABES se situe à l’articulation entre deux niveaux :

• le niveau national d’une part car elle est un opérateur de l’État dont elle tire l’essentiel de ses ressources ; à ce titre, elle met en œuvre la politique nationale décidée par la SDBIS dans le secteur relevant de sa mission ;

• le niveau local d’autre part avec les produits et services qu’elle propose aux établissements dans le cadre de cette politique.

Nos relations avec la SDBIS sont constantes. Elles sont formalisées par des réunions de suivi trimestrielles avec le sous-directeur et le bureau C3-2 (réseaux d’IST), chargé du suivi de l’ABES, et sont élargies régulièrement aux bureaux C3-1 (coordination documentaire) et C3-3 (diffusion des savoirs et formation professionnelle) qui traitent de dossiers, notamment l’acquisition de documents électroniques et la numérisation, concernant directement l’ABES.

Le conseil d’administration est l’enceinte où se prennent toutes les décisions engageant l’avenir de l’ABES. Outre les représentants des personnels, il réunit des représentants de la DGES, de la DGRI, de la BNF et du Ministère de la culture et cinq personnalités nommées par le Ministre dont deux présidents d’université. Afin d’encore davantage impliquer les établissements dans la définition des orientations de l’ABES et de sa politique de service, nous allons créer un conseil scientifique dans lequel ils seront plus nombreux. Ce sera une enceinte plus large, ouverte aux réseaux étrangers, chargée de préparer les décisions du conseil d’administration. Pour le dialogue avec les établissements, l’interlocuteur privilégié de l’ABES est l’AURA : nous l’avons consultée sur le projet d’établissement ainsi que sur tous les grands dossiers. Le directeur de l’ABES suit attentivement ses travaux puisqu’il est membre de droit de son conseil d’administration. Ce dialogue s’exerce aussi dans les groupes de travail mis en place par l’AURA : sur la tarification du PEB, la propriété des notices et bientôt sur l’évolution des catalogues vers un système de référencement global de toutes les ressources documentaires des universités.

L’ADBU, association de référence et creuset du débat professionnel sur l’évolution de la fonction documentaire à l’université, est également fréquemment consultée de même que Couperin avec qui nous travaillons quotidiennement sur les groupements de commandes et sur l’accès aux archives des éditeurs.

Plus classiquement, l’ABES ouvre ses groupes de travail à ces associations : ce fut le cas pour la redéfinition du portail et la refonte de Webstats. L’Agence a besoin d’associations fortes, porteuses de la vision de leurs communautés. Nos relations avec la BNF s’organisaient jusqu'à peu dans le cadre des réunions SU-SI-CCFr, associant ABES, BNF, SDBIS et Ministère de la Culture. La BNF a souhaité revoir le format et la fréquence de ces réunions qui ne lui semblent plus adaptées au contexte actuel. Nos contacts avec les services concernés de la BNF sont constants sur des dossiers tels les catalogues de manuscrits (rétroconversion du CGM et intégration de Calames au CCFr) et les échanges de données.

Le CINES est un partenaire quotidien de l’ABES pour le bon fonctionnement du SUDOC et des autres applications de l’ABES. Quant à l’INIST avec qui nous échangeons régulièrement sur des projets tels l’accès aux archives des éditeurs, c’est un partenaire incontournable pour le prêt entre bibliothèques. Au-delà de ces dossiers, j’ai des contacts réguliers et fréquents avec l’INIST sur les questions d’IST. Nous avons d’ailleurs eu l’occasion d’être auditionnés conjointement, lors de l’audit IGF-IGAENR, qui a proposé un rapprochement entre les différentes structures françaises d’IST.

Le défi lancé à l’ABES est d’arriver à trouver le bon positionnement par rapport aux établissements : ne pas se substituer à eux mais comprendre leurs enjeux et leur stratégie dans un contexte d’autonomie accrue. Notre action n’a de sens que dans la fourniture mutualisée de services au niveau national : catalogues et outils associés, normalisation, expertise, veille, achats groupés… Un champ qui s’étendra peut-être demain ?

Comment conforter l’ABES dans son rôle de tête de réseau dans ce contexte délicat ?

L’expression « tête de réseau » n’est sans doute pas la plus pertinente : elle induit en effet une hiérarchisation qui n’est pas dans la conception que je me fais d’un réseau où tous les membres sont situés sur un pied d’égalité et travaillent sur des objectifs partagés. Un réseau, c’est le partage des tâches, des responsabilités, de la réflexion. Il faut un coordinateur : c’est le rôle de l’ABES qui structure, organise et fournit les outils nécessaires à son fonctionnement. On a pu reprocher à l’ABES de prendre des décisions sans suffisamment tenir compte des établissements. Cela a pu arriver mais j’ai le sentiment que l’on attend aussi parfois trop de l’ABES et qu’un rééquilibrage est nécessaire. C’est le cas du dédoublonnage auquel l’ABES a renoncé en proposant des logins de dédoublonneurs aux établissements. Nous souhaitons aussi que ceux-ci s’investissent davantage dans les travaux d’experts (sur la normalisation, les autorités, etc.) : l’ABES ne peut être présente efficacement sur tous les fronts alors que les établissements possèdent des experts dont les compétences complètent celles de l’Agence.

Cet esprit de réseau explique que l’ABES ne se positionne pas comme un prestataire de services comme les autres : nous sommes ouverts à toutes les collaborations, à condition toutefois d’être impliqués dès la phase de conception du projet.

Toutes les bibliothèques universitaires font désormais partie du réseau Sudoc. Qu’est-il envisagé pour la suite des déploiements ?

Le temps des grands déploiements du Sudoc est aujourd’hui terminé : nous n’intégrons plus qu’une demi‑douzaine de bibliothèques chaque année, qui sont le plus souvent de petite taille, avec des équipes restreintes requérant davantage d’encadrement et de formation. Nous nous sommes posés la question de la stratégie à adopter pour les développements futurs du Sudoc. L’AURA a réalisé une enquête auprès de ses membres sur son périmètre de déploiement qui fait apparaître un certain nombre de priorités, au premier rang desquelles les bibliothèques de grandes écoles, rejoignant en cela une demande expresse de la Conférences des grandes écoles (CGE). Le conseil d’administration s’appuiera sur les conclusions de cette étude pour définir un schéma prospectif de déploiement.

Parallèlement aux déploiements pilotés par l’ABES, les déploiements via les établissements vont sans doute connaître une nouvelle dynamique. Ils existent depuis les débuts du Sudoc mais les dynamiques locales issues de la loi LRU vont sans doute les accélérer. Ce sont des déploiements par capillarité obéissant à des logiques de territoire. L’ABES est prête à aider les SCD si ce mouvement prend de l’ampleur.

Se pose aussi la question récurrente de l’extension du Sudoc à la francophonie. La participation au Sudoc exige un équipement informatique, des moyens humains et des compétences dont disposent peu de bibliothèques du Sud. Une alternative consisterait pour l’ABES à proposer son expertise de l’ingénierie en informatique documentaire. C’est le sens de sa participation au projet Tempus de modernisation des bibliothèques universitaires algériennes.

Outre le réseau Sudoc, les réseaux Star et Calames sont encore jeunes et en plein développement. Star n’a pas vocation à dépasser le réseau des établissements habilités à développer des doctorats mais la question du périmètre de Calames se pose dès à présent. Calames a déjà intégré des bibliothèques ne relevant pas de la tutelle de l’enseignement supérieur et je ne doute pas que sa qualité et son succès nous amèneront encore d’autres candidatures.

Je mentionnerai enfin le réseau Sudoc-PS dont le périmètre dépasse l’enseignement supérieur puisqu’il recense aussi les collections des bibliothèques territoriales et privées et des centres d’archives. Le Sudoc‑PS est un outil irremplaçable qui connaît une nouvelle dynamique grâce aux plans de conservation partagée. Son réseau est toutefois fragile, ses moyens limités, les activités des centres régionaux inégales. Certaines universités ont du mal à comprendre le temps passé à recenser des collections non universitaires. Le résultat, c’est que le Sudoc-PS est loin d’être complet et à jour. Un groupe de travail a commencé à réfléchir à son avenir. Ses recommandations sont attendues pour la fin 2008.

Que signifie pour vous « mieux insérer l’ABES dans son environnement politique, universitaire et de recherche » ?

Cette volonté d’insertion se situe à deux niveaux : d’abord, mieux faire connaître l’action de l’ABES aux présidents d’université. Si nous sommes en effet parfaitement connus des bibliothécaires, les présidents nous connaissent peu. Or, le renforcement de leurs pouvoirs exige que nous soyons plus visibles pour être plus présents.

L’ABES est positionnée sur des créneaux qui ne sont plus exclusivement du ressort des bibliothécaires : c’est le cas notamment de notre fonction de porteur de groupements de commandes, de Star, du projet de portail des thèses françaises.

L’ABES doit mieux expliquer aux décideurs universitaires son rôle dans la mutualisation de la documentation.

Nous souhaitons, par ailleurs, travailler avec les chercheurs pour mettre au point de nouveaux outils ou améliorer les outils existants. Nous allons ainsi collaborer avec un laboratoire sur le web sémantique. Une autre collaboration est engagée avec des équipes d‘historiens sur une expérience d’enrichissement des notices de Calames.

Quels partenariats envisagez-vous pour l’ABES, établissement de service public, avec des organismes du secteur privé ?

Établissement de service public, l’ABES ne rejette pas par principe les partenariats avec des sociétés privées. Elle l’a montré en signant un accord, en 2007, avec Google Scholar pour l’indexation du Sudoc. Nous avons conclu cet accord sans naïveté : nous étions pleinement conscients que les objectifs de Google n’étaient pas tous d’ordre philanthropique, mais l’ABES estimait pouvoir en tirer des bénéfices. Le principe dans un partenariat public-privé, comme le rappelait récemment Lynne Brindley, directrice générale de la British Library, qui a une solide expérience en matière de PPP, c’est le refus de toute exclusivité. Nous avons donc signé un accord non exclusif qui ouvre la voie à d’autres.

Signerons-nous d’autres partenariats ? Je ne l’exclus pas si l’occasion s’en présente. Les projets les plus nombreux concernent actuellement la numérisation des collections, qui ne nous concerne pas directement.

Les services au réseau

Parmi les services garants d’un fonctionnement optimal des réseaux, quels sont ceux qui, selon vous, sont les plus fondamentaux ?

Je réponds sans hésitation : tous ceux qui permettent aux établissements de gagner du temps en exploitant les métadonnées rassemblées par l’ABES dans ses différentes plateformes et alimentées par des centaines de bibliothèques françaises et au-delà, via les bases externes, par des milliers de bibliothèques étrangères.

Nos membres se localisent sur des notices existantes ou les dérivent ; réutilisent des référentiels comme les autorités du Sudoc dans Star ou Calames et bientôt Web Dewey ; exploitent des services bruts pour construire leurs propres outils, services et traitements individualisés ; demain ils construiront leur politique documentaire à partir d’outils d’analyse de leurs collections.

C’est grâce à la veille, à l’innovation et à l’expérimentation que l’ABES est en mesure de faire progresser ses outils et services et d’en proposer de nouveaux au réseau.

Mais c’est bien entendu sur le triptyque « assistance, formation, documentation » que repose le fonctionnement du réseau et la crédibilité de l’ABES.

Archives et manuscrits

L’un des indicateurs de performance votés au dernier CA concerne le niveau de qualité de l’assistance. Comment envisagez-vous d’améliorer ce service déjà performant ? Plus généralement, qu’apportera la démarche qualité dans l’amélioration des services au réseau ?

L’enquête Tosca a montré que nos utilisateurs étaient très satisfaits de la qualité de l’assistance de l’ABES. En introduisant une démarche qualité sur l’assistance, matérialisée par un indicateur de performance, notre intention est de maintenir ce niveau de qualité. Or comment s’en assurer sans instrument de mesure ? Notre démarche vise donc à définir des indicateurs et à prendre des engagements précis vis-à-vis du réseau et du CA, auxquels nous rendrons régulièrement des comptes, ce qui témoigne de l’importance que nous apportons à l’assistance. J’ajoute qu’un autre indicateur de performance porte sur le taux de disponibilité des applications.

Nous allons revoir dans les prochains mois l’organisation de notre dispositif d’assistance qui est peu lisible avec ses nombreux canaux générateurs de perte d’énergie : guichets web, alias trop nombreux, contacts individuels, etc. C’est beaucoup trop. Nous allons travailler dans ce sens avec un groupe projet de l’ENSSIB pour simplifier l’assistance en créant un guichet unique qui facilitera la mise à jour de la base de connaissances. Nous sommes parfaitement conscients de l’enjeu de cette nouvelle organisation qui ne devra pas entraîner une régression de la qualité.

Pour améliorer la visibilité du catalogue, le projet prévoit le versement des données du Sudoc dans Worldcat. Pouvez-vous nous en dire plus (étapes, coût de l’opération, calendrier) ?

Vous touchez là un sujet sensible qui a nourri de nombreux débats entre ceux qui craignent pour l’avenir des catalogues nationaux et les partisans d’une visibilité internationale de nos collections. En fait le débat ne se pose pas en ces termes et je tiens à dissiper tout malentendu : il ne s’agit pas pour les établissements de cataloguer directement dans OCLC mais de rendre les collections des bibliothèques du Sudoc qui le souhaiteront visibles sur Worldcat. Pour cela, l’ABES enverra une copie de la base du Sudoc à OCLC qui l’intégrera à Worldcat après dédoublonnage avec, à terme, synchronisation instantanée entre le Sudoc et Worldcat.

Rien ne changera dans les pratiques du réseau : ni le format (Unimarc), ni les règles, ni l’assistance, ni ses interlocuteurs à l’ABES. Je suis un fervent défenseur des catalogues nationaux pour des raisons culturelles, linguistiques, fonctionnelles : un réseau ne saurait se diluer dans une nébuleuse internationale. Il doit toutefois se saisir des opportunités de son rayonnement et être en mesure d’utiliser de bons outils développés par d’autres.

Le calendrier prévisionnel de cette opération approuvée le 6 juin par le CA de l’ABES est le suivant :

• septembre 2008
finalisation des négociations financières

• septembre-octobre
recensement des bibliothèques volontaires pour rendre leurs collections visibles sur Worldcat

• novembre-décembre
tests de chargement du Sudoc sur Worldcat

• décembre 2008
finalisation du marché avec OCLC

• 1er semestre 2009
chargement du Sudoc sur Worldcat

• juillet 2009
les collections des bibliothèques volontaires sont visibles sur Worldcat.

Les négociations financières n’étant pas terminées, je ne peux pas encore vous donner des éléments précis. Le chargement du Sudoc sera gratuit, mais la visibilité des collections sera payante, sous la forme d’un abonnement annuel à la charge des établissements. OCLC a proposé à l’ABES un tarif consortium très inférieur aux prix catalogue. Le coût sera vraisemblablement compris entre 10 et 15 % de ce que payent globalement aujourd’hui les établissements au titre des licences, selon le nombre de bibliothèques qui demanderont à être visibles sur Worldcat. Le modèle tarifaire sera établi en concertation avec l’AURA et tiendra compte de la taille des établissements. Bien entendu, plus ils seront nombreux, plus le tarif sera intéressant.

L’ABES doit au préalable recueillir l’accord de ses fournisseurs de données primaires ; au premier rang desquels la BNF, qui vient de signer un accord avec OCLC pour l’étude du chargement de son catalogue et l’ISSN qui est en discussion avec OCLC : de l’issue de ces discussions dépendra le chargement du Sudoc-PS sur Worldcat.

Quelle plus-value escomptez-vous pour le réseau Sudoc et les établissements qui le composent ?

L’objectif principal est de donner une visibilité internationale aux bibliothèques françaises d’enseignement supérieur et de recherche sur le catalogue Worldcat, qui est devenu le catalogue international de référence regroupant aujourd’hui 60 000 bibliothèques dans 117 pays.

Elles bénéficieront également d’une meilleure présence sur le web car Worldcat est indexé par les principaux moteurs de recherche (Google, Yahoo, Amazon, etc.), ce qui est précieux pour des utilisateurs qui s’attendent aujourd’hui à trouver l’information dans leur propre environnement de travail.

Un autre objectif est de permettre aux bibliothèques françaises d’utiliser des outils comme « Collection Analysis ».

Elles pourront ainsi évaluer leurs collections et les situer par rapport aux autres bibliothèques, françaises ou étrangères. La pertinence de tels outils s’accroît évidemment à mesure que la masse de données sur lesquels ils s'appuient augmente. Le Sudoc pourra encore bénéficier des web services d’OCLC, notamment xISBN et Worldcat API.

Vous avez récemment été élu membre du conseil d’OCLC pour la région Europe, Afrique et Moyen‑Orient. Pensez-vous que cela facilitera les rapports du réseau Sudoc avec OCLC et les réseaux internationaux ?

OCLC est parfois perçu comme une société monopolistique cherchant à imposer une stratégie qui mettrait en cause l’existence des réseaux nationaux. Les bibliothécaires ne sont pourtant pas désarmés : en effet, OCLC n’est pas une société aux mains de fonds de pension anonymes mais une coopérative de bibliothèques où celles-ci ont les moyens de faire entendre leur voix.

Le « Members Council » est une de ces instances qui élit six membres du conseil d’administration sur quinze. Si je me suis porté candidat au « Members Council », c’est pour influer de l’intérieur sur les orientations d’OCLC, avec les autres représentants européens.

OCLC est consciente que sa stratégie de développement hors des États‑Unis doit s’accompagner d’une réforme de ses structures de gouvernance, où les réseaux nord‑américains restent dominants. Pour opérer un rééquilibrage et mieux faire remonter les besoins des bibliothèques et réseaux extérieurs aux États‑Unis, OCLC est en train de mettre en place des « Members Council » propres à chaque région du monde. Ces conseils éliront ensuite les membres du « Members Council » global qui élira à son tour des représentants au conseil d’administration. Nous rencontrons par ailleurs régulièrement les autres réseaux clients des progiciels OCLC Europe (ex-PICA) : GBV, BSZ, Hebis, NLA (National Library of Australia), etc. qui agissent conjointement pour faire valoir le point de vue des clients européens d’OCLC.

Nous avons notamment fait part de nos inquiétudes sur la pérennité des outils PICA lors du rachat de PICA par OCLC.

Nous pensons avoir été entendus.

Certains établissements s’inquiètent de la position monopolistique d’OCLC. Que diriez-vous pour les rassurer ?

Je suis frappé de la différence de point de vue sur OCLC entre l’Europe et les États‑Unis : j’ai pu m’en entretenir longuement avec des collègues nord‑américains, cet été au Québec, qui ne comprennent pas nos appréhensions ; ceux que j’ai rencontrés ne perçoivent pas du tout OCLC comme une menace pour leur indépendance mais comme une organisation qui allège le travail des bibliothécaires. Ils soulignent aussi l’innovation de ses services de recherche. Ce n’est pas le chargement du Sudoc sur Worldcat qui doit inquiéter : on ne compte plus le nombre de bibliothèques et de réseaux qui ont ou vont charger leurs catalogues : BNF, BL, réseaux allemands GBV, BSZ, DNB ; LinkUK, Bibliographie nationale tchèque, Bibliothèque universitaire d’Helsinki, NUKAT (catalogue collectif polonais), Bibliothèque nationale danoise pour l’éducation, etc. Worldcat constitue pour tous ces organismes, comme pour l’ABES et les bibliothèques Sudoc, un élément supplémentaire de leur visibilité, ce qui ne les empêche pas de continuer leur développement.

L’accord prévu avec OCLC est un accord non exclusif. Les bibliothèques continueront à disposer des mêmes droits qu’actuellement sur leurs notices, dans le respect du droit sur la propriété intellectuelle des fournisseurs de données primaires – BNF, ISSN, OCLC, DNB, Helka, etc. Inversement, les notices Sudoc seront réutilisables par le réseau de catalogage OCLC et par OCLC dans ses différents partenariats.

Il existe toutefois un danger pour l’ABES : il n’est pas lié à Worldcat mais aux progiciels du Sudoc. En rachetant PICA, OCLC est devenu propriétaire de ses progiciels. Quel est leur avenir ? Nous avons des assurances pour le moyen terme, mais le risque c’est qu’un jour OCLC abandonne les progiciels ex-PICA. L’ABES doit donc anticiper un remplacement de ces progiciels pour ne pas se retrouver face à une solution qu’elle n’aurait pas choisie. Ce risque aurait existé de toute façon, versement du Sudoc sur Worldcat ou pas.

Les projets en cours et à venir

Le projet d’établissement envisage la mise en place d’un Portail des thèses : pouvez-vous nous en dire plus ? Quelles sont les attentes en ce domaine, de la part des établissements, des partenaires, des financeurs ?

Lors de la réflexion menée avec le groupe de travail sur les nouvelles orientations du portail, les thèses sont apparues comme la première piste à explorer.

Plusieurs raisons militent en ce sens :

• l’ABES possède une longue expérience de ce type de document avec Téléthèses puis le Sudoc qui constitue le répertoire officiel des thèses françaises, et plus récemment Star ;

• l’ABES proposera fin 2008 un service de diffusion des thèses depuis le transfert de cette mission du CINES à l’ABES ;

• plusieurs établissements nous sollicitent pour mettre en ligne leurs thèses numérisées rétrospectivement.

Nous avons donc proposé la création d’un portail des thèses françaises, à l’image de ceux qui existent dans la plupart des pays d’Europe et proposent un seul point d’accès aux thèses certifiées. Nous avons eu l’idée d’y ajouter les sujets de thèses aujourd’hui dispersés entre le Fichier central des thèses (FCT) et Thésa (son homologue pour les grandes écoles).

J’ai été auditionné par le comité IST qui a été très intéressé par ce projet, non seulement pour les universitaires et chercheurs mais aussi, et surtout, pour les industriels. Plusieurs membres du comité ont souligné la difficulté à trouver ces informations aujourd’hui éclatées entre plusieurs structures et – pour les sujets de thèses – parfois incomplètes. Ils ont aussi souligné l’importance d’un tel projet pour l’insertion professionnelle des futurs docteurs.

Une des actions envisagées est la valorisation des ressources pédagogiques ; concrètement, comment cela va-t-il se traduire ?

Il s’agit d’une demande spécifique de la SDBIS qui s’intègre dans un projet piloté conjointement par la SDTICE et la SDBIS. L’objectif est de créer un dispositif cohérent d'accompagnement des établissements pour la production, le référencement, la diffusion des ressources pédagogiques et leur accès dans un souci d'interopérabilité avec les plateformes documentaires existantes. Le Ministère souhaite soutenir la mutualisation des pratiques, des outils et de leurs usages, organiser une meilleure coopération des acteurs dans le respect de l'autonomie des établissements et assurer une meilleure visibilité, à tous les niveaux, de l'offre de ressources pédagogiques des établissements.

Dans ce cadre l’ABES fournira des référentiels nationaux d’indexation (fichiers d’autorité, Dewey), coordonnera la description documentaire, assurera le suivi des normes, le référencement national des ressources pédagogiques et leur archivage pérenne sélectif.

L’ABES réalisera en 2009 une étude de faisabilité. Il est peu vraisemblable que le Sudoc puisse être utilisé pour le référencement des ressources pédagogiques. Ce sera sans doute un autre outil qui s’intégrera dans le dispositif de référencement global des ressources des universités. Ce projet devra s’articuler avec ceux du Cerimes qui envisage la création d’un Catalogue de ressources multimédia en ligne pour l’enseignement supérieur. Une réflexion conjointe ABES, Cerimes et UNT est indispensable en raison de la proximité des problématiques sur lesquelles travaillent ces structures : catalogues, normes, utilisation de référentiels d’indexation…

La réorganisation

96 actions à mettre en œuvre en quatre ans à effectifs constants ! Selon vous, comment la réorganisation interne de l’ABES va-t-elle servir la mise en œuvre du projet d’établissement ?

96 actions en quatre ans, cela paraît effectivement beaucoup. Toutefois ces actions sont de nature et d’ampleur très différentes : beaucoup sont purement organisationnelles et ne nécessitent pas de moyens supplémentaires. D’autres, tels le portail des thèses ou le signalement de ressources pédagogiques, sont effectivement de gros projets qui requerront des moyens spécifiques, financiers et humains. Ceux-ci seront évalués lors des études préalables qui seront menées en 2009.

En matière de moyens humains, nous ne privilégions pas les créations de postes mais le recours temporaire à des compétences externes, selon les besoins propres à tel ou tel projet.

Nous nous appuyons aussi sur une nouvelle approche de nos applications afin de réaliser des économies de moyens : la convergence au lieu du développement séparé. Cette approche nous permettra de réutiliser les acquis d’une application à l’autre au lieu de tout reconstruire en parallèle. C’est la politique de la progression pas à pas, sans révolution ni rupture, en recourant à des solutions standard pour faire progresser toutes nos grandes applications avec nos moyens actuels. Cela suppose de revoir nos méthodes en mettant en place des chantiers transversaux, en menant des études pour explorer des pistes, à la fois fonctionnelles et informatiques, de construire des composants informatiques réutilisables par nos différentes applications. La nouvelle organisation de l’ABES, avec la création d’un département études et projets (DEP) a été conçue pour faciliter cette convergence des applications, de même que le rassemblement de tous les informaticiens au sein du département des systèmes d’information (DSI) et celui des bibliothécaires au sein du département des services au réseau (DSR) rendront plus cohérents les choix informatiques d’une part, les réponses fonctionnelles d’autre part.

Nous renonçons enfin à certaines activités à faible valeur ajoutée pour redéployer nos moyens vers des activités nouvelles. C’est ainsi que l’ABES a décidé de se concentrer sur les seules modifications de masse en abandonnant les traitements à l’unité, tels le dédoublonnage.

Pour finir sur une question ouverte sur l’extérieur : vous êtes très tourné vers l’international, des liens ont été ébauchés avec des réseaux internationaux de bibliothèques (RERO en Suisse et SWB en Allemagne qui sont intervenus aux Journées ABES 2007 et 2008) ? Comment ces liens pourraient-ils concrètement se développer (PEB, portail des thèses, catalogue) ?

Le secteur de l’IST est à l’image de celui de la recherche : il ne s’arrête pas aux frontières nationales. C’est le sens de l’ouverture affirmée de l’ABES vers l’international : par des contacts suivis avec les réseaux étrangers (RERO, BSZ, GBV, NLA, JISC, etc.), par la participation active à des associations internationales ; l’ABES est membre de l’IFLA, de LIBER, de l’AIFBD (Association internationale francophone des bibliothécaires et documentalistes), de ETD (Electronic Theses and Dissertations). Le directeur et les collaborateurs de l’ABES participent aux travaux de ces associations, ont été élus dans des sections ou comités, font des communications et participent à leurs congrès. C’est un des principaux moyens d’exercer une veille sur les évolutions dans notre secteur, de faire connaître les réalisations de l’ABES et de « réseauter » comme disent les québécois. Nous avons d’ores et déjà des projets conjoints ; via Liber, nous avons établi des contacts avec DART Europe, portail européen des thèses, pour l’intégration des thèses françaises, avec le CERL (Consortium of European Research Libraries) pour celle de Calames au portail CERL des manuscrits et livres anciens. Nous participons également à un projet européen Tempus en Algérie. Ce positionnement international s’est concrétisé par la création d’une mission « projets européens » à l’ABES. L’ouverture à l’international n’est pas un luxe : c’est une nécessité.

References

Bibliographical reference

Raymond Bérard, « Un projet pour l’ABES : questions au directeur de l’ABES », Arabesques, 52 | 2008, 6-11.

Electronic reference

Raymond Bérard, « Un projet pour l’ABES : questions au directeur de l’ABES », Arabesques [Online], 52 | 2008, Online since 17 février 2021, connection on 19 juillet 2025. URL : https://publications-prairial.fr/arabesques/index.php?id=2393

Author

Raymond Bérard

Directeur de l’ABES

castillo@abes.fr

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CC BY-ND 2.0