Pour une bibliométrie aussi ouverte que la science devrait l’être

DOI : 10.35562/arabesques.2713

p. 3

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éditorial

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Les plus expérimentés d’entre les profession­nels de l’information se souviendront que la bibliométrie a son histoire et ses grandes figures. Le sujet faisait notre bonheur de documen­talistes (si si) lorsque nous lisions dans les Current Contents les éditoriaux d’Eugène Garfield, créateur de l’Impact factor et fondateur de l’ISI. Plus tard, nous attendions avec impatience les articles de Peter Jacsó dans Online Information Review, qui comparait déjà les bases de données avec gourmandise, puis les moteurs de recherche, et nous révélait les secrets de la recherche citationnelle. Au tournant des années 2000, les collègues espagnols du Cybermetrics Lab étendaient l’analyse scientométrique aux sites Web des universités pour déployer leur classement Webometric qui distinguait les meilleures universités de recherche. Au même moment, le CWTS de Leiden analysait les performances des outils bibliométriques – et continue de le faire aujourd’hui – et n’est pas pour rien dans l’apparition de Scopus en 2004, ou dans l’évolution du WoS… Dans le même temps, les classements de Shanghaï et du Times of Higher Education utilisaient les bases citationnelles pour construire leur palmarès mondial des universités. En 2010, le terme Altmetrics fait son apparition pour dire que l’on en a assez de l’IF et du H-index et que d’autres mesures de la science et de ses impacts sont possibles grâce aux possibilités offertes par le Web. Quelques années s’écoulent sans innovations notables mais pendant lesquelles Google Scholar et l’Academic Search engine de Microsoft taillent des croupières aux bases payantes Scopus et WoS. Les grandes bases de données bibliographiques payantes ou gratuites (PubMed, IEEExplore, ACM) intègrent de plus en plus les références dans la bibliographie des publications qu’elles signalent, CrossRef et le DOI fournissent à bas prix des métadonnées liées entre elles, et les technologies informatiques évoluent rapidement. C’est ce qui rend possible l’apparition coup sur coup autour de 2015 de Dimensions.ai, Lens org, Semantic Scholar, et d’autres outils exploitant l’analyse des cita­tions, devenus populaires depuis.

L’enjeu d’aujourd’hui est celui d’une scientomé­trie basée sur des données accessibles, des méthodes d’analyse reproductibles, et des résultats ouverts à la critique et la discussion.En d’autre terme, une sciento­métrie qui respecte les prin­cipes de la science ouverte.

Comme le montrent les excellents articles de ce numéro d’Arabesques, les opérateurs publics, tels l’Abes ou le CCSD, grâce au travail de milliers de professionnels des services documentaires et de chercheurs de l’ESR, tiennent toute leur place dans la production de données et métadonnées ouvertes et fiables, qui s’agrègent aux grandes sources d’infor­mation ouvertes à tous. On se réjouira par ailleurs que les débats à ce sujet soient ouverts au sein des communautés scientifiques, s’appuyant notamment sur la Déclaration de San Francisco (DORA)1, initiative mondiale qui affirme la nécessité de transformer les méthodes d’évaluation des résultats de la recherche scientifique et laisse envisager des innovations majeures en ce sens.

Tout irait donc pour le mieux dans le meilleur des mondes ? Pas tout à fait... Une prise de position récente et une pétition internationale2 nous rappellent que la biblio-scientométrie ne se fait pas seulement au grand jour, ni sur la base d’analyse des citations. Le tracking des scientifiques mené avec des outils de mesure des usages du Web est une nouvelle pra­tique, non régulée encore, qui est en quelque sorte la nouvelle frontière de l’évaluation scientifique. L’histoire n’est décidément pas finie.

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1 https://sfdora.org/read/read-the-declaration-french

2 https://www.infodocket.com/2021/05/18/briefing-paper-data-tracking-in-research-aggregation-and-use-or-sale-of-usage-data-by-academic-publishers

Notes

1 https://sfdora.org/read/read-the-declaration-french

2 https://www.infodocket.com/2021/05/18/briefing-paper-data-tracking-in-research-aggregation-and-use-or-sale-of-usage-data-by-academic-publishers

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Référence papier

David Aymonin, « Pour une bibliométrie aussi ouverte que la science devrait l’être », Arabesques, 103 | 2021, 3.

Référence électronique

David Aymonin, « Pour une bibliométrie aussi ouverte que la science devrait l’être », Arabesques [En ligne], 103 | 2021, mis en ligne le 18 octobre 2021, consulté le 19 avril 2024. URL : https://publications-prairial.fr/arabesques/index.php?id=2713

Auteur

David Aymonin

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