Le dispositif CollEx-Persée entend faciliter l’accès des chercheurs aux collections d’excellence détenues par les grandes bibliothèques scientifiques et encore trop peu exploitées. Cette ambition, matérialisée dans un GIS (groupement d’intérêt scientifique) en 2017, a été reconnue par l’Enseignement supérieur, la Recherche et l’Innovation dans le cadre du récent renouvellement de son statut d’infrastructure de recherche, pour la période 2021-2025. Ce label représente une reconnaissance de l’importance nationale et stratégique de CollEx-Persée et l’incite à collaborer étroitement avec les autres infrastructures de recherche. Tout n’est cependant pas acquis et, conscient de l’enjeu de s’inscrire durablement dans le paysage de l’information scientifique et technique (IST), CollEx-Persée a entrepris son bilan. Cette autoévaluation1 doit permettre de poser, collectivement, les bases solides d’un nouveau projet.

Des objectifs toujours d’actualité

L’infrastructure vise à faire des collections d’excellence, des matériaux scientifiques intégrés dans des projets de recherche, en les rendant bien plus visibles qu’elles ne le sont aujourd’hui, par leur labellisation, leur cartographie, leur signalement enrichi de haut niveau, leur valorisation et leur accès facilité. Il s’agit de ressources hybrides, dans la mesure où CollEx-Persée encourage la production et la collecte d’objets numérisés et nativement numériques qui viennent compléter, enrichir ou documenter toute collection sur support.

À partir de ces gisements, il s’agit de développer de nouveaux services en partenariat étroit avec la recherche, inscrits dans les principes de la science ouverte et bien environnés. Cette réflexion revient à positionner les professionnels comme des acteurs de la recherche à part entière et à valoriser leur expertise et leurs compétences dans l’exploitation et la gestion des données et des documents.

En conséquence, les questions liées à l’ensemble de la chaîne de traitement, depuis la diffusion ouverte jusqu’aux questions de préservation pérenne, font partie du champ d’action de CollEx-Persée, qui les instruit à partir de programmes fédérateurs, au service de l’ensemble de la communauté.

CHIFFRES CLÉS

• 5 Millions d’euros par an
• 21 établissements, 4 opérateurs, la Bibliothèque nationale de France
• 170 labels d’excellence
• Un réseau à 87 % en sciences humaines et sociale
• 5 groupes de travail
• 23 référents CollEx
• 59 projets collaboratifs numérisation et services (dont 35 achevés)
• 7 résidences de chercheurs (2021-2022)
• 2 projets à dimension nationale (2021-2022)
• 8 corpus en licence nationale acquis, 12 en négociation
• 1 126 000 nouvelles vues numérisées (septembre 2021)
• 31 projets déposés dans le dernier appel à projets

Une mise en oeuvre coconstruite avec les chercheurs

Le défi a été de mobiliser un réseau réparti sur tout le territoire national, comprenant les grandes bibliothèques de recherche, les opérateurs en IST, la Bibliothèque nationale de France et les institu­tions dotées de collections d’excellence. Le souhait était de pouvoir offrir à tous ces acteurs un lieu de rencontres, de valorisation et de partage.

Pour se structurer, l’originalité est d’avoir construit une gouvernance mêlant les profils et compétences à travers trois organes : le conseil des membres, le conseil scientifique et le comité opérationnel. Les différents programmes2 sont instruits par des groupes de travail dotés d’une feuille de route ajustée régulièrement avec les instances. Une nouvelle fonction a été créée en 2019, celle des référents CollEx au sein des établissements, pour relayer les actions du GIS. Le panel d’experts s’est, par ailleurs, étoffé au gré des sollicitations dans le cadre des divers travaux menés par le dispositif : la communauté compte ainsi une cinquantaine de professionnels mobilisables sur différentes thématiques. Enfin, dans le cadre de ses actions, CollEx-Persée est en relation avec de nombreux partenaires, s’enrichissant de ces échanges : l’ADBU, Couperin, Istex, l’Enssib, l’Urfist, Huma-Num, le Siaf, le Cines, le Rnmsh, HAL, etc. L’ensemble est piloté par la Bibliothèque nationale et universitaire, qui assure la gestion de la dotation annuelle du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation de 5 millions d’euros.

Une des réussites majeures de CollEx-Persée est la forte implication des chercheurs dans les orientations prises durant les quatre ans écoulés. Ils ont été très présents pour accompagner les actions du GIS, par exemple dans la sélection des licences nationales à négocier, ou pour faire émerger et soutenir des projets à vocation nationale comme ResPaDon3 et Ouvrir CartoMundi4. Ils ont été essentiels dans la sélection de nouveaux projets de numérisation et de services à la recherche, via les appels à projets du dispositif, mécanisme qui a eu un effet transformant dans les pratiques. Trois appels à projets (le troisième est en cours) et un appel à résidence de chercheurs ont ainsi permis de mobiliser les acteurs de la recherche et de l’IST sur des actions communes, de valoriser des fonds d’excellence et de produire des résultats utiles à une vaste communauté. C’est une part importante dans le bilan financier du GIS puisque, en 5 ans, près de 5,9 millions d’euros auront été engagés pour cet axe.

Manuscrit jaïna Nandicurni de Jinadasa, XIVe siècle.

© Collection Bnu

Interroger la dynamique en cours

Il avait été convenu, à mi-parcours du GIS, d’établir un bilan pour construire un nouveau projet. Parmi les objectifs atteints, on constate une réelle montée en compétences des professionnels de l’information en ingénierie de projets, ainsi que l’image positive du réseau auprès des chercheurs pour lesquels il vient pallier un manque dans la conduite de leurs recherches5, ou encore la mise en place de programmes nationaux transverses aux communautés et la capacité du dispositif à avoir un rôle structurant, de par la coordination qu’il assure entre tous les acteurs de l’information scientifique.

Les points d’attention relevés sont, quant à eux, de plusieurs ordres. Pour assurer une meilleure lisibilité du dispositif, il est préconisé de reformuler la stratégie globale du GIS et de mieux afficher l’engagement de la gouvernance. Le modèle financier est à rénover, car trop segmenté et, pour moitié, encore fléché sur les anciens Cadist (Centres d’acquisition et de diffusion de l’information scientifique et technique). Outre la pérennisation de l’enveloppe initiale, indispensable si l’on souhaite des infrastructures scientifiques de haut niveau que le seul mode projet ne peut permettre, il conviendra de trouver des sources de financement complémentaires pour de futurs programmes nécessitant un investissement massif.

Un double enjeu demeure encore : mieux connaître les usages des nouveaux services développés et favoriser la mise en réseau et la réplicabilité de ces mêmes services au plus près des besoins des chercheurs. Enfin, la nécessité de s’ouvrir vers l’extérieur en recherchant des collaborations au sein de différents réseaux européens a été soulignée. Le récent congrès qui s’est tenu à la BNU avec les collègues allemands des Fachinformationdienste a, à cet égard, rappelé que le travail scientifique se caractérisant par l’internationalisation, il serait judicieux que des projets transfrontaliers soient développés6.

Suite à ces travaux d’autoévaluation, un rapport de synthèse a été soumis au conseil des membres du 15 octobre 2021, qui a validé les pistes de travail proposées en vue d’un nouveau projet.

Manuscrits allemands. Dessins d’animaux, exécutés par le poète Ludwig Uhland, enfant.

© Ludwig Uhland - Collection Bnu – Numistral

Une année 2022 qui s'annonce intense

La transition du dispositif est donc en cours et l’année à venir sera fondamentale pour sa mise en œuvre. Les orientations choisies tournent principalement autour de la notion de programmes à forte mutualisation, dotés d’une gouvernance propre, impliquant les opérateurs, permettant des économies d’échelle et un développement d’envergure des outils utilisés, des contenus produits et des réseaux constitués pour les porter. La définition de ces programmes aura, par ailleurs, des conséquences sur l’organisation générale et le modèle économique.

Il faut aboutir à un nouveau projet pour 2023, tout en prenant le temps de construire collectivement et d’accompagner ce changement avec le réseau. Le contexte est cependant propice car les établissements sont déjà en train d’investir de nouveaux champs d’actions basés sur la coopération renforcée entre bibliothécaires et chercheurs, enjeu du XXI^e siècle. CollEx-Persée peut donc être vu comme un accélérateur, un facilitateur ou un soutien dans cette évolution stratégique de la place des bibliothèques dans les universités.