Le monde des bibliothèques universitaires s’est peu intéressé à Livres 2010, la série de colloques et tables rondes initiée par le ministère de la Culture sur l’avenir du livre. C’est bien dommage car cette réflexion concerne tous les bibliothécaires. C’était notamment le cas de la table ronde du 9 janvier sur l’évolution des bibliothèques, qui a confronté les points de vue de plusieurs horizons : bibliothécaires bien sûr, mais aussi universitaires, sociologues, responsables de formation, français et étrangers.
À l’heure où l’avenir des bibliothèques est mis en doute, il est utile de rappeler qu’avec le cinéma, la bibliothèque est la pratique culturelle la plus répandue chez les Français ; mais inquiétant que 30 % des étudiants ne s’inscrivent pas en BU.
Le rôle de la BU a évolué. Si les salles de travail sont très utilisées, c’est moins vrai pour les collections. La salle de lecture et ses avatars (salles de travail en groupe) font de la bibliothèque un des lieux majeurs de convivialité sur les campus. Avec une relative indifférence des étudiants pour les collections.
C’est cette notion de convivialité qui rapproche bibliothèques de lecture publique et d’université : la fonction documentaire de la bibliothèque publique diminue alors que sa fonction culturelle et sociale, fortement articulée autour du lieu de convivialité qu’elle constitue, augmente et semble promise à un bel avenir. La virtualisation des services s’accompagne d’une demande toujours plus forte de lieux conviviaux, bien réels ceux-ci. Les bibliothèques deviennent, selon la jolie formule de Réjean Savard, professeur à l’université de Montréal, des « coopératives du savoir » : développement des collections et de services à distance (podcast de rencontres, téléchargement de musique et vidéo, services de questions-réponses, etc.). Faut- il, comme Patrick Bazin, aller jusqu’à affirmer que la notion de collection, fondement du dogme de la plupart des bibliothécaires, est bloquante ?
C’est la documentation électronique qui sépare les deux types de bibliothèques : organisation de l’accès aux ressources électroniques pour toute l’université, création de portails : le fossé technologique se creuse. Des incertitudes demeurent toutefois sur l’avenir de cette mission pour les bibliothécaires d’université : les éditeurs seraient sans doute ravis de se passer de leur intermédiaire. De plus certaines ressources concernent de petites communautés de chercheurs parfois désireuses de s’émanciper de la bibliothèque.
Ces réflexions amènent forcément à se poser la question du métier de bibliothécaire. Vaste sujet jamais épuisé : il y a quelques années un débat sur le métier de conservateur hésitait entre manager, ingénieur, chercheur. La balance penche sans aucune ambiguïté du côté du management pour les conservateurs travaillant en collectivité territoriale. En université, le débat reste ouvert même si les présidents d’université sont plus nombreux à attendre de leurs conservateurs de solides compétences en management de même qu’une bonne maîtrise des enjeux de la recherche. Des compétences aujourd’hui articulées autour de quatre axes principaux : le cœur de métier (traitement de l’information), le droit, l’économie et la formation des étudiants.
Évoquer les compétences mène directement à la formation, pour déplorer que le lien entre employeurs et formation ne soit pas suffisant, car la formation prépare à un métier et à une fonction sociale et politique. La crise de la formation des bibliothécaires au Québec a été dénoncée lors de la table ronde : l’université y forme en deux ans des professionnels de l’information, à la fois bibliothécaires, archivistes et « knowledge managers », d’où une dilution des compétences. La formation se concentre trop exclusivement sur les technologies aux dépens du management et des compétences de base des bibliothécaires. Un constat à méditer ?
Ce tour d’horizon aurait été incomplet sans l’évocation du rôle de l’État qui, dans un contexte marqué par le renforcement de l’autonomie des universités, est appelé à tracer les orientations stratégiques, à donner des éléments de comparabilité (synthèse des expériences du terrain, interprétation de ces données, commande d’enquêtes sur les bibliothèques, production de référentiels et d’outils de pilotage), à faciliter le travail en réseau et enfin à évaluer.
Évolution des métiers, formations, compétences : ce sont là quelques-unes des préoccupations des associations qui font l’objet de ce dossier d’Arabesques. Nous avons interrogé les associations de bibliothécaires et professionnels de l’information issus de tous les environnements : communes, départements, universités, lycées… Car au-delà du (des ?) métier(s), les évolutions technologiques nous rapprochent en effaçant les frontières traditionnelles.