« Les Humanités numériques développent des interrogations nouvelles »

DOI : 10.35562/arabesques.2867

p. 19

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interview

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Créée en 2020, la revue Humanités numériques1 veut illustrer de manière concrète cette discipline en offrant aux praticiens un cadre d’expression pour relayer leurs expérimentations.

Arabesques : quand a été créée la revue Humanités numériques et avec quelles finalités ?

AURÉLIEN BERRA : Humanités numériques, première revue francophone dédiée à ce sujet, a été créée à l’été 2020, avec le soutien notamment du CNRS et d’OpenEdition. Elle est une émanation d’Humanistica, association francophone des humanités numériques, elle-même fondée en 2014. L’objectif était de contribuer à structurer plus fortement l’association – qui organise désormais son propre colloque – et d’illustrer très concrètement, par l’exemple, ce que sont les humanités numériques. En effet, cette étiquette apparaît de plus en plus fréquemment dans toutes sortes de contextes mais sans qu’on sache toujours très bien ce que cela recouvre et qui cela concerne. Le but principal est de donner un cadre d’expression aux personnes se considérant comme des praticiens des humanités numériques quels que soient leur appartenance et leur statut au sein des équipes de recherche, leur discipline de compétence, avec une forte dimension transdisciplinaire. Un historien peut se sentir concerné par une problématique développée dans un projet mené en linguistique ou en archéologie. Nous avons deux publications par an alternant les numéros thématiques, par exemple les humanités numériques spatialisées, et les numéros libres.

Observez-vous des tendances à travers les articles que vous publiez ?

A. B. : on voit une dominance de l’histoire et des études textuelles, ce qui est logique car ce sont des champs qui comptent beaucoup de chercheurs et d’étudiants et dans lesquels on observe un renouvellement des méthodes de recherche. Pour les lecteurs, qui pour la plupart ne sont pas des spécialistes de la discipline abordée dans un article, il est intéressant de découvrir l’approche développée pour résoudre une problématique.

Quels sont aujourd’hui les principaux enjeux autour des humanités numériques ?

A. B. : je crois que le principal enjeu est, dans la poursuite de l’institutionnalisation et de la professionnalisation, de conserver un épicentre d’inventivité et des lieux de dialogue interdisciplinaire. Les humanités numériques peuvent donner lieu à des réalisations très cadrées, des éditions numériques en ligne pérennes, par exemple, mais aussi à des innovations avec des prototypes qui sont des propositions intellectuelles. Elles réinventent de l’intérieur les métiers, développent des interrogations nouvelles et de nouveaux moyens d’étudier des corpus, mais souvent dans un écosystème contraint par les problèmes de financement, la logique d’efficacité budgétaire et la précarité des personnels de l’enseignement supérieur. Or, pour mener un travail exploratoire, critique et collaboratif, il faut une certaine pérennité de financement et de personnel. C’est crucial, car un ingénieur qui a déjà suivi plusieurs projets en humanités numériques apporte une expérience et une compétence que ne pourra pas acquérir en quelques mois une personne qui arrive et qui découvre les problématiques.

Quel rôle peuvent jouer les bibliothèques dans cette discipline ?

A. B : dans les pays anglophones, notamment, les bibliothèques sont souvent le noyau des recherches en humanités numériques, car elles disposent des compétences et appétences techniques ainsi que de la stabilité, notamment financière, nécessaires à ce type de projets. C’est moins le cas en France pour l’instant : il faudrait s’en donner les moyens ! Les bibliothèques peuvent être aussi des lieux de rencontre et de diffusion : les humanités numériques reposent sur un maniement de l’information, ce qui est justement le champ de compétences des professionnels des sciences de l’information et de la documentation. Elles contribuent également en offrant des formations et des espaces de pratique. De fait, contrairement à une idée reçue, les étudiants et jeunes chercheurs ne sont pas tous à l’aise avec les humanités numériques.

Quelles sont les perspectives d’évolution de la revue ?

A. B. : au-delà de l’élargissement progressif des thématiques, nous sommes curieux de voir comment évolueront certains axes déjà représentés. Par exemple, l’histoire des humanités numériques francophones, les présentations réflexives de projets ou encore les articles de présentation de données (data papers). En outre, il est important pour nous d’intégrer des liens vers d’autres articles, des blogs ou des plateformes de données. La revue ne se pense pas comme isolée mais ouverte, à travers le Web, à toutes sortes de modes de présentation de la recherche en train de se faire.

Interview réalisée par Véronique Heurtematte, coordinatrice éditoriale d’Arabesques

Notes

1 https://journals.openedition.org/revuehn Retour au texte

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Référence papier

Aurélien Berra, « « Les Humanités numériques développent des interrogations nouvelles » », Arabesques, 105 | 2022, 19.

Référence électronique

Aurélien Berra, « « Les Humanités numériques développent des interrogations nouvelles » », Arabesques [En ligne], 105 | 2022, mis en ligne le 12 avril 2022, consulté le 20 juillet 2025. URL : https://publications-prairial.fr/arabesques/index.php?id=2867

Auteur

Aurélien Berra

Rédacteur en chef de la revue Humanités numériques

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