Arabesques : Quelle est la politique du consortium Couperin en matière d’accessibilité numérique ?
ANDRÉ DAZY : Le consortium s’intéresse depuis longtemps aux questions d’accessibilité. La politique générale de Couperin1 se donne comme objectif de favoriser l’accès aux ressources électroniques pour les personnes en situation de handicap. Nous disposons également depuis 2009 d’un document intitulé « Les 10 commandements de l’éditeur d’ebooks, pour une offre idéale »2 qui préconise de fournir une synthèse vocale et l’accessibilité aux malvoyants pour le plus grand nombre possible de textes, ainsi qu’une version audio des textes littéraires. Alors que l’échéance de mise en œuvre de la directive européenne se rapproche, nous sommes particulièrement attentifs à ce que ces questions soient prises en compte dans les négociations. L’accessibilité numérique est évoquée dans notre lettre de cadrage qui est publiée tous les ans et qui se décline dans une lettre publique envoyée aux éditeurs3 et une lettre interne destinée aux négociateurs de Couperin. Dans la lettre aux éditeurs, nous indiquons que l’accès aux ressources électroniques des personnes en situation de handicap constitue un élément important sur lequel le consortium Couperin souhaite mettre l’accent et que les fournisseurs et éditeurs de ressources numériques sont invités à faire connaître leur degré de conformité avec le référentiel général de l’innovation et de l’accessibilité.
Dans la lettre aux négociateurs, on précise que les fournisseurs devront répondre au plus tard en 2025 à un certain nombre de normes relatives à l’accessibilité des ressources et que ce point doit être discuté dès maintenant. Cela veut dire que lors de toute négociation, on demande aux négociateurs d’évoquer une clause d’accessibilité. Un groupe de travail Couperin va d’ailleurs être lancé sur ce sujet prochainement.
Est-ce que les exigences en matière d’accessibilité numérique pourraient conduire Couperin à refuser une négociation ?
A.D. : Il est rare qu’on refuse de signer un accord pour une seule clause car les établissements attendent ces ressources. On ne peut que fortement conseiller aux fournisseurs de rendre leurs ressources accessibles. Les grands éditeurs sont parfois plus faciles à convaincre car ils ont un public international, ils savent qu’ils sont obligés de se plier à ces normes. Le MESRI soutient financièrement certains éditeurs, donc c’est pour nous un petit moyen de pression car Couperin est partie prenante des négociations du MESRI pour l’attribution de ces aides via le Fonds national pour la science ouverte, et pourrait demander dans les conditions à remplir par les éditeurs le respect des normes d’accessibilité. Nous pouvons inciter mais pas poser des exigences. La directive européenne de 2019, applicable au plus tard en 2025, relative aux exigences en matière d’accessibilité applicables aux produits et services, changera cependant la donne car les éditeurs auront l’obligation légale de se mettre en conformité avec cette directive.
Est-ce que la mise en place de la directive pourrait néanmoins conduire à terme à une baisse du nombre de ressources négociées ?
A.D. : Je ne pense pas qu’il y aura réduction des négociations en cas de non-respect de la norme d’accessibilité. On peut penser que la directive aura le même effet que celle concernant le RGPD, Règlement général de la protection des données, qui s’est très bien mise en place. L’Europe est devenue le leader mondial de la protection des usagers et semble être en passe de prendre le rôle de leader également sur la thématique de l’accessibilité.
Notez-vous un intérêt accru de la part des bibliothèques universitaires pour ces questions ?
A.D. : Les bibliothèques universitaires ont bien en tête ce sujet puisqu’elles ont une mission de service public. Nous avons un projet de manuel numérique en histoire en lien avec l’éditeur Nouveau Monde et l’université Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, cofinancé par Couperin et le MESRI, et pour lequel, en tant que commanditaire, nous avons demandé spécifiquement que les normes d’accessibilité soient respectées.
Élaborée à l’échelle européenne, cette directive est-elle évoquée dans les consortia internationaux auxquels participe Couperin ?
A.D. : Couperin échange avec ses homologues étrangers principalement dans le cadre d’Icolc, International coalition of Library Consortia4 et de Sell, Southern European Library Link5. Notre principal sujet actuellement est la science ouverte mais cela pourrait être, effectivement, des lieux d’échanges sur les questions d’accessibilité numérique.
Interview réalisée par Véronique Heurtematte, coordinatrice éditoriale d’Arabesques