La mise en place d’un service d’édition adaptée a été pour le SCD de l’université Toulouse – Jean Jaurès l’occasion d’élaborer une politique d’accessibilité globale et d’intégrer cette dimension dans tous ses projets.
En 2017, la chargée de mission Handicap de l’université Toulouse-Jean Jaurès (UT2J) engage une réflexion dans le but de rejoindre le dispositif PLATON. Ce projet s’inscrit alors parfaitement dans le schéma directeur du handicap de l’université. S’y impliquent la chargée de mission Handicap, le SCD et la division de la vie étudiante (DIVE). En octobre 2017, l’UT2J obtient l’agrément et l’inscription PLATON, et le service d’édition adaptée peut démarrer.
Alors que le SCD n’a pas, à l’époque, une politique très développée en matière de handicap, la mise en place de ce service marque le début d’une réflexion sur son offre de service, jusqu’à l’intégration d’un volet handicap dans son projet d’établissement 2021-2026.
Améliorer la couverture de l’édition universitaire dans PLATON
Le parcours usager a été pensé au plus simple, pour intégrer le circuit déjà en place pour les étudiants et personnels en situation de handicap. Le choix est fait de n’ouvrir le service qu’à la communauté de l’université, la bibliothèque municipale de Toulouse étant également habilitée PLATON.
Le service est ainsi proposé aux étudiants et personnels lors de la visite médicale leur permettant d’obtenir des aménagements d’études ou de poste. La communication est essentiellement assurée par les services de médecine, tandis que la DIVE se charge des aspects administratifs en faisant signer aux bénéficiaires un accord de confidentialité par lequel ils s’engagent à ne pas diffuser les documents communiqués dans le cadre de ce service.
La suite du circuit se passe exclusivement au sein du SCD : les demandes des usagers arrivent via un formulaire en ligne dans la boîte mail de deux agents, puis trois à partir de 2020. Les demandes reçues sont traitées, les documents demandés dans PLATON ou le cas échéant obtenus par un autre biais, les adaptations nécessaires sont effectuées (changement de format, adaptations audio), et les documents envoyés aux demandeurs.
Depuis 2021, le SCD a pris l’initiative d’effectuer des demandes dans PLATON sur des titres très empruntés dans ses bibliothèques ou qui figurent sur des bibliographies de cours. Cela participe ainsi à améliorer la couverture de l’édition universitaire dans PLATON, au bénéfice de tous les usagers à qui ces titres pourront être fournis sans délai puisque déjà déposés par leurs éditeurs.
Cinq ans après l’ouverture du service, le bilan est positif :
- 60 utilisateurs pour 139 bénéficiaires potentiels
- 915 demandes reçues
- 1 093 documents demandés sur PLATON
- 758 fichiers livrés sur PLATON (69 % des demandes)
- 628 adaptations réalisées (donc 17 % de fichiers inexploitables reçus sur PLATON)
- 194 documents numérisés
- 325 adaptations déposées sur PLATON
Lecture de texte en braille - Crédit photo Nataliya Vaitkevich – Pexels
Deux freins majeurs au service de fourniture de livres adaptés
Dans l’inconnu du lancement d’un nouveau service, nous avons été confrontés à deux difficultés majeures. Tout d’abord, l’équipe n’avait pas suffisamment anticipé le nombre de documents qu’il serait impossible d’obtenir sur PLATON, soit en raison du cadre légal limitant les demandes à des documents de moins de 10 ans, soit en raison de refus des éditeurs ou de fichiers inexploitables. En 2019, le service a trouvé un accord avec le Service Inter-établissement de Coopération Documentaire (SICD) de Toulouse, pour que celui-ci réalise à la demande des numérisations sur les titres impossibles à obtenir par d’autres canaux. Cela a nécessité la mobilisation d’un budget annuel récurrent, mais fut une étape indispensable pour parvenir à un taux de satisfaction des demandes acceptable.
Le second frein est d’ordre technique. Aucun des trois agents n’est un expert en adaptation, et l’équipe a avancé par essais, erreurs et débrouillardise pour s’autoformer et découvrir des outils et des solutions techniques satisfaisantes. Sur certains sujets, aucune solution n’a été trouvée : nous ne savons toujours pas comment exploiter des fichiers envoyés par les éditeurs au format XML, format pourtant demandé aux éditeurs dans le cadre législatif de l’exception handicap.
Ce nouveau service a permis de faire prendre conscience de l’ampleur du périmètre de l’accessibilité. Loin de se limiter aux problématiques d’accès aux bâtiments, il est nécessaire de proposer des solutions accessibles à tous les niveaux de notre offre de service. Cela implique notamment de sensibiliser l’équipe du SCD sur le sujet.
Sensibiliser et former les équipes : clé de voûte de la réussite
Dans la continuité de la mise en place du service d’édition adaptée, le SCD a décidé de se doter en 2019 d’un réseau de référents accessibilité : neuf personnes, réparties dans les bibliothèques du SCD et coordonnées par la directrice des publics, ont vu cette mission ajoutée à leur fiche de poste. Ils bénéficient d’une formation spécifique et plus approfondie, participent à des réunions permettant de lancer et suivre des projets autour du handicap et ils peuvent proposer dans leur structure un accompagnement individuel adapté. Ce réseau, qui figure désormais dans notre organigramme fonctionnel, a notamment travaillé sur la rédaction du projet d’établissement 2021-2026, et a rapidement identifié la nécessité de sensibiliser l’ensemble des personnels participant à l’accueil du public, moniteurs-étudiants inclus, à l’accueil des publics en situation de handicap et aux services proposés par l’université et les bibliothèques. Cette sensibilisation a pris la forme de matinées d’intervention de la chargée de mission Handicap de l’université, de la responsable du pôle Handicap de la DIVE et de la responsable du pôle Environnement professionnel, en charge des personnels en situation de handicap sur l’université. Ces matinées, réitérées chaque année universitaire depuis 2020, permettent de présenter les différents handicaps et comment en tenir compte dans notre politique d’accueil. Cette offre initiale a été depuis complétée par l’ajout d’ateliers autour des services proposés en bibliothèque et de l’accessibilité numérique pour les contributeurs Web et les formateurs en bibliothèques. L’objectif final est de généraliser cette culture de l’accessibilité, de faire entrer ces préoccupations dans le quotidien de chaque personnel afin qu’il ne s’agisse plus d’une arrière-pensée à la fin d’un projet mais bien d’une dimension intégrée nativement à chaque initiative portée par le SCD.
Ce projet implique cependant de former régulièrement un public nombreux, puisque notre SCD compte 130 agents à qui il est essentiel de proposer régulièrement un « recyclage », ainsi qu’une centaine de moniteurs-étudiants à former chaque année. Un travail important de rédaction de guides, de procédures et de bonnes pratiques vient appuyer cet effort de formation des agents et pallier les difficultés à former de telles cohortes.
L’enjeu central de l’accessibilité numérique
Troisième axe fort du projet d’établissement du SCD, l’accessibilité numérique est devenue une priorité du service grâce au travail effectué sur l’édition adaptée et à la prise de conscience de l’inadaptation de nos outils numériques pour le public ayant, par exemple, besoin de recourir à un outil de synthèse vocale. Loin de ne concerner que le service en charge de la communication Web, ces questions balaient largement notre champ d’activités : comment produire des documents de communication accessibles ? Comment proposer une visite virtuelle accessible ? Comment structurer notre site Web et notre Intranet pour en garantir l’accès ? Comment rendre nos supports de formation accessibles ? Comment former aux compétences informationnelles une personne malvoyante ou aveugle ?
Ces questions animent plusieurs chantiers en cours au sein du SCD, mais se heurtent parfois au manque d’intérêt des services supports de l’université et au manque de ressources, y compris techniques, sur lesquelles nous appuyer pour accompagner notre réflexion. En effet, travailler sur l’accessibilité de notre site Internet, de notre catalogue ou de nos ressources numériques nécessite l’implication de nombreux services et partenaires ainsi que la réalisation d’audits pour identifier les difficultés. Cela demande donc du temps, de l’argent et une volonté politique forte. Celle-ci est portée par l’université dans son schéma directeur mais il faudra du temps pour que l’ensemble de ces sujets soient traités, alors même qu’il s’agit aujourd’hui d’une obligation légale pour nos services publics.