Cet article prolonge les discussions de la table de ronde « Les enjeux du statut juridique des pépinières et des revues hébergées » au cours des 3es journées du réseau Repères (9-10 mai 2022, MISHA, Strasbourg).
Ces dernières années, la propagation du format numérique et les plans pour la science ouverte ont contribué à faire émerger plusieurs plateformes de diffusion. Celles-ci sont désormais bien ancrées dans le paysage de l’édition, néanmoins leurs contours ne sont pas encore fixés d’un point de vue juridique. Le présent texte ne prétend pas apporter une réponse, même provisoire, à cette question, mais se propose d’évoquer quelques aspects juridiques des plateformes de diffusion qui composent le réseau Repères, tant du point de vue de leur statut que de leurs rapports au cadre légal plus large de l’édition scientifique publique.
Les 16 plateformes de diffusion de Repères sont, à l’origine, des initiatives visant à répondre à un besoin, local et immédiat, de diffusion. Elles ne se limitent pour autant pas à cette fonction et ne peuvent être définies de manière aussi réductrice. Nées dans des équipes ou des services de nature différente, ces plateformes héritent des spécificités des structures qui les ont créées : Maisons des Sciences de l’Homme, bibliothèques universitaires, services communs, ou encore équipes de recherche1. Celles qui ont pris forme dans une MSH ont été placées sous des tutelles multiples, en général le CNRS et une université, tandis que d’autres ne relevaient que d’un seul établissement. Cette situation initiale a parfois évolué, notamment au gré de changements politiques régionaux comme la mise en place de Comue – puis leur abandon –, d’établissements expérimentaux, ou d’autres formes de rapprochement entre établissements. Si ces évolutions institutionnelles n’ont pas nécessairement apporté de nouveaux contenus éditoriaux, elles ont toujours eu des impacts sur l’environnement de travail.
Outre cette question institutionnelle, les choix logiciels opérés par chaque projet révèlent un périmètre d’action et d’influence qui dépasse le domaine de la diffusion. Utiliser un logiciel plutôt qu’un autre, Lodel ou OJS, comme faire d’une chaîne d’édition structurée, Métopes ou autres, un prérequis d’accession à une plateforme, sont des choix dont les conséquences rejaillissent sur les revues accompagnées et hébergées. En agissant sur les conditions de production des revues, les plateformes de diffusion ont quitté leur rôle de diffuseur et d’hébergeur, sans pour autant devenir des éditeurs2. Cet état de fait ne s’explique d’ailleurs pas uniquement par les choix logiciels mais coïncide, au moins pour une partie des SHS, avec des besoins d’accompagnement de la part des revues éditées en dehors de presses universitaires. La volonté de paraître au format numérique n’est pas la seule raison qui a poussé les équipes éditoriales vers ces plateformes. D’autres causes ont été déterminantes, au premier rang desquelles se trouvent des demandes d’aide et de conseils au référencement, aux bonnes pratiques, à la maîtrise d’un flux éditorial structuré, ou encore au respect d’un cadre légal.
La rencontre entre les besoins des revues et le potentiel d’aide des plateformes de diffusion explique le succès et la popularité actuelle du modèle. Dès lors, ces plateformes ne peuvent désormais plus faire l’économie, d’une part, de mieux définir leurs engagements et leurs obligations, et d’autre part, de formaliser leurs relations avec les revues. Il s’agit là d’une problématique commune avec les autres acteurs de l’édition et qui a conduit le groupe de travail « Droit d’auteur » du réseau Médici à rédiger, par exemple, un modèle de contrat revue-éditeur. Dans le cas des plateformes, outre la répartition des rôles dans le processus de diffusion et l’obtention de garanties concernant la faisabilité des projets dans le temps, se retrouvent des enjeux naturellement conditionnés par les principes de la science ouverte et le contexte numérique : politique d’ouverture et de licence de réutilisation3, pérennité des contenus y compris en assurant une migration vers d’autres plateformes. À cela s’ajoute la nécessité de prévoir des cas de figure tels que les obligations d’une plateforme vis-à-vis de contenus patrimoniaux dont la parution a cessé ou les conséquences d’une rupture d’un partenariat revue-plateforme de diffusion.
Pour répondre à ces enjeux, le réseau Repères s’est doté d’un groupe de travail « Cadre légal » qui, à l’instar de celui de Médici, tentera de répondre aux besoins spécifiques des plateformes. Cela ne pourra se faire sans poursuivre la réflexion sur les « plateformes de diffusion » en tant qu’objet, et leur articulation avec l’ensemble de l’écosystème de l’édition, dont les pôles éditoriaux.