La FMSH. Entre aujourd’hui et demain : la bibliothèque de la Fondation Maison des sciences de l’homme

DOI : 10.35562/arabesques.3249

p. 20-21

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Mots-clés

bibliothèque

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En se plaçant d’un point de vue en quelque sorte génétique, on aurait envie de dire que la bibliothèque de la FMSH a un statut particulier qui s’inscrit dans la conception de l’agencement des espaces de l’immeuble du 54 boulevard Raspail où elle est implantée. En effet, suivant la volonté de son géniteur, l’immeuble de verre qui abrite la Fondation a été conçu autour de « l’ouvrage ». Plus précisément, sa morphologie agence, plateau par plateau, des cellules de production de pensée – des bureaux et des salles de réunion pour chercheurs – au pourtour d’un espace central de traitement et de mise à disposition d’ouvrages et de revues – la bibliothèque – verticalement relié par des monte-charges avec des magasins-réserves installés en sous-sols où sont stockés la plupart des documents. Ainsi conçu, cet ensemble était destiné à combiner à travers une association fonctionnelle entre verticalité et horizontalité, les exigences gestionnaires d’une mutualisation des fonds documentaires avec la volonté des chercheurs de disposer, au plus près, des fonds spécialisés correspondant à leurs activités. L’ouvrage – livre ou revue – était considéré comme le principal outil de travail du chercheur en SHS, l’attractivité de la bibliothèque étant déterminée par la richesse et l’accessibilité de son fonds. Dès lors, la question principale qui se posait à une « Maison » exclusivement vouée à la recherche, qui se voulait pluridisciplinaire et ouverte sur la globalité du monde, était celle de ses moyens – moyens financiers pour acquérir les ouvrages, moyens humains pour les traiter et les mettre à disposition – au regard de ses ambitions.

Face à cette contrainte budgétaire et tout en essayant de la desserrer en augmentant ses dotations et en cherchant à réduire le coût de ses acquisitions, la Fondation a classiquement recherché une certaine spécialisation de son fonds documentaire de façon à disposer d’une « richesse » – à défaut d’une excellence – dans des domaines plus spécifiques, et une organisation « efficace » de la gestion de ce fonds. Ainsi s’explique la trajectoire de la bibliothèque qui s’inscrit dans une perspective continuelle de « rationalisation » de son activité à travers ses politiques d’acquisition d’ouvrages et d’abonnement à des revues, mais aussi à travers sa politique d’informatisation et d’incorporation dans des réseaux, la dernière étape en la matière étant son entrée dans le SUDOC en juin 2006.

Toutefois, aujourd’hui, il n’y a pas besoin d’être un grand clerc, pour se rendre compte que cette bibliothèque, comme toutes les autres bibliothèques et en particulier les bibliothèques universitaires de recherche autant que d’enseignement, se trouve confrontée à une nouvelle situation qui va introduire une inflexion plus ou moins violente dans sa trajectoire. De façon assez prosaïque, cette inflexion sera liée à la nécessité, face à l’augmentation des coûts d’acquisition des ouvrages et surtout des revues internationales au regard de l’évolution de ses ressources budgétaires, de procéder à une amplification des processus de « rationalisation » des acquisitions suivant une véritable logique de campus interétablissements implantés dans une même zone géographique.

Mais, surtout, cette inflexion découlera de la numérisation généralisée des processus de production des connaissances et du développement à venir du multimédia. Pour ces prochaines années, le principal problème qui est ainsi posé collectivement aux bibliothèques est celui de la place que gardera le support papier dans la chaîne de production et de consignation des connaissances, au côté des supports numériques, le problème, pour chaque bibliothèque singulière, étant de définir une stratégie qui lui soit propre. En effet, alors que la notion de bibliothèque virtuelle était avancée depuis longtemps pour désigner une accessibilité aux supports de la connaissance à travers l’internet et les sites web, alors qu’étaient expérimentés avec plus ou moins de succès des « e-books » et que commençaient à apparaître des revues scientifiques électroniques téléchargeables au-delà des publications « off line » sur cédérom, la situation a brusquement évolué avec l’initiative annoncée par Google. Il est significatif que la réplique ne s’est pas faite sous la forme d’une incrédulité vis-à-vis de la faisabilité du projet, mais sous la forme de l’émergence de contre-projets, expression d’un refus d’une domination, soit par un concurrent, comme pour Microsoft, soit par une entreprise privée étrangère, comme pour le président de la BNF qui milite pour une contre-offensive publique européenne. Les hostilités au projet sont plus liées à des questions de droit de propriété, de droit d’auteur, de « business model », de pouvoir et d’indépendance… ou de choix de moteur de recherche, qu’à des questions d’intérêt et de capacité à réaliser le projet. La question n’est donc plus de savoir si ce projet se fera, mais dans quelles conditions il se fera. En effet, pour la France seule qui n’est pas particulièrement en avance dans ce domaine, on connaît les éditions en ligne de revues.org, on connaît le projet en cours de démarrage du portail commun de publications scientifiques basé sur la plateforme HAL1 et développé par le CCSD2, on connaît des moteurs de recherche comme Électre ou Quaero ; enfin, on connaît le développement de Gallica sur le site de la BNF.

Compte tenu des orientations de la Fondation Maison des sciences de l’homme qui visent à favoriser le développement « d’un espace numérique de travail pour les chercheurs », qui toucheront aussi bien ses activités de recherche et développement que d’édition et de diffusion, et qui intéresseront le multimédia, la bibliothèque devrait pouvoir constituer un lieu d’expérimentation tant à travers ses équipements, qu’à travers l’aménagement de ses espaces physiques ou qu’à travers l’organisation des services susceptibles d’être offerts aux chercheurs. Il lui faudra donc déterminer à terme, l’importance des fonds dont elle voudra – ou devra – disposer en propre et qui seront consultables en local. Elle devra définir la place qu’elle fera aux possibilités d’accéder à des publications en ligne dans ses salles de lecture et d’éditer sur place les pages qui seront demandées. Mais elle devra aussi préciser la place qu’elle sera susceptible de faire, au coté des publications traditionnelles, à des supports multimédias. Elle devra, enfin, penser les services d’accompagnement qu’elle souhaitera offrir aux chercheurs, ces services pouvant se limiter à ses visiteurs en local, ou aller, par exemple, jusqu’à une assistance en ligne pour des chercheurs inscrits à la bibliothèque et ne s’y trouvant pas.

On voit donc que s’ouvre, à ce type de bibliothèque, une grande variété de perspectives qui, en fonction des options qui seront prises, pourront déboucher dans des délais relativement courts – par exemple aux échéances de 2010 – sur des modifications profondes de configuration, de nature d’activité et, d’une certaine façon, de profil de métiers. Il en résulte que le personnel de la bibliothèque, en coopération avec les chercheurs, développeurs d’outils et utilisateurs, sera amené à conduire des réflexions en ce sens. On ne peut que souhaiter qu’elles soient menées en collaboration avec d’autres…

La salle de lecture de la bibliothèque après évacuation – des êtres vivants – en respect du droit à l’image…

La salle de lecture de la bibliothèque après évacuation – des êtres vivants – en respect du droit à l’image…

Photo de Christine Aubrée © FMSH, 2006

De Braudel à Babylone

Créée au début des années soixante, installée depuis 1970 au 54 boulevard Raspail, dans le 6e arrondissement de Paris, la bibliothèque de la Fondation Maison des sciences de l’homme (FMSH) se veut, comme le souhaitait son initiateur, Fernand Braudel, attentive aux besoins et aux évolutions de la communauté scientifique, un lieu d’accueil et de ressources particulièrement adapté au travail des chercheurs en sciences humaines et sociales. La bibliothèque possède environ cent quarante mille titres de monographies, dont la moitié en langues étrangères : anglais, allemand, principalement, et aussi italien, espagnol, portugais… Sont privilégiés les ouvrages en langue originale, et les approches théoriques des principales disciplines des sciences humaines et sociales : histoire, sociologie, philosophie, anthropologie et ethnologie, économie, linguistique, psychologie et psychanalyse, sciences politiques… Des fonds spécifiques ont été développés et enrichis au cours des années : fonds d’études nord-américaines, fonds d’histoire ouvrière et sur l’autogestion, fonds sur les rapports sociaux de sexe (études sur le genre), linguistique théorique, philosophie analytique, et un fonds allemand, riche en histoire et philosophie – l’enrichissement de ces derniers est une des priorités de la bibliothèque. Le fonds d’ouvrages de références compte près de cinq mille titres : catalogues de grandes bibliothèques françaises et étrangères, bibliographies analytiques rétrospectives et courantes, encyclopédies et dictionnaires spécialisés, répertoires biographiques. Un nombre croissant de ces outils est accessible sur cédérom ou via l’internet. La bibliothèque met également à la disposition de ses lecteurs plus de six mille thèses, soutenues – en quasi-totalité – à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) depuis 1987, de nombreux rapports de recherche, des tirés à part, ainsi que des collections de publications universitaires provenant d’institutions avec lesquelles la FMSH entretient des partenariats scientifiques. Le fonds de périodiques, déjà signalé dans le Système universitaire de documentation, comprend environ dix mille titres, dont mille huit cents couramment reçus. Les trois quarts sont en langues étrangères, anglais et allemand principalement. Les années anciennes de certaines revues ont été acquises en réimpression. Cinq cents titres sont d’ores et déjà, partiellement ou totalement, consultables en ligne. Le développement de l’accès électronique aux périodiques constitue une des priorités de la bibliothèque. Les acquisitions – en moyenne trois mille cinq cents titres par an – sont faites en concertation avec des chercheurs spécialistes des différents domaines des SHS, afin de suivre au plus près l’actualité et les nouvelles orientations de la recherche et d’assurer la cohérence et le niveau des fonds. Les achats sont appuyés par de nombreux dons et legs, parmi lesquels des bibliothèques de travail de chercheurs : Raymond Aron, Pierre Bourdieu, Jean-Louis Flandrin, Lucien Febvre, Lucette Valensi… Le catalogue de la bibliothèque de la FMSH est informatisé depuis 1998, avec un service intégré de gestion de bibliothèque (SIGB Horizon de la société SirsiDynix) dont tous les modules complètement développés sont installés et utilisés. Un partenariat a été mis en place avec deux bibliothèques de l’EHESS, celle du Centre de recherche politique Raymond-Aron et celle du Laboratoire de démographie historique dont les catalogues sont consultables en ligne, comme celui de la bibliothèque de la FMSH, sous un portail commun, Babylone. La bibliothèque est accessible, gratuitement, à un public de niveau postdoctoral français et étranger, aux enseignants du supérieur et aux chercheurs institutionnels de toutes disciplines. Elle reçoit les étudiants inscrits en doctorat sous la direction d’un enseignant de l’EHESS. Elle accueille également des lecteurs occasionnels – majoritairement des étudiants d’universités, à la recherche de documents spécifiques qu’ils ne peuvent trouver dans les bibliothèques auxquelles ils ont normalement accès. Un grand tiers du lectorat de la bibliothèque est constitué de chercheurs et d’enseignants étrangers invités par la FMSH dans le cadre de ses programmes de recherche, ou par l’EHESS, et de bénéficiaires de bourses – Diderot, Mellon, Braudel… La consultation des documents (dont la plupart sont conservés en magasins) se fait ordinairement sur place : la salle de lecture offre plus d’une centaine de places assises. Le prêt des ouvrages est consenti aux membres des équipes de recherche domiciliées à la FMSH ou à l’EHESS, ainsi qu’aux chercheurs invités par la Fondation. La bibliothèque compte à ce jour plus de trois mille lecteurs inscrits.

Les activités de la bibliothèque de la FMSH sont réparties en 5 secteurs.

Acquisitions - Florence Rouiller

Base - Yveline Moreau

Catalogage - Annie Gérandi & Jeanne Longevialle

Périodiques - Danièle Valette

Service public - Martine Ollion

Notes

1 HAL - Hyper article en ligne

2 CCSD - Centre pour la communication scientifique directe

Illustrations

  • La salle de lecture de la bibliothèque après évacuation – des êtres vivants – en respect du droit à l’image…

    La salle de lecture de la bibliothèque après évacuation – des êtres vivants – en respect du droit à l’image…

    Photo de Christine Aubrée © FMSH, 2006

References

Bibliographical reference

Alain d’Iribarne, « La FMSH. Entre aujourd’hui et demain : la bibliothèque de la Fondation Maison des sciences de l’homme », Arabesques, 42 | 2006, 20-21.

Electronic reference

Alain d’Iribarne, « La FMSH. Entre aujourd’hui et demain : la bibliothèque de la Fondation Maison des sciences de l’homme », Arabesques [Online], 42 | 2006, Online since 10 mars 2023, connection on 15 août 2025. URL : https://publications-prairial.fr/arabesques/index.php?id=3249

Author

Alain d’Iribarne

Directeur de la bibliothèque de la Fondation Maison des sciences de l’homme

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