« Il est indispensable de quantifier l’impact du numérique »

Interview d’Anne-Cécile Orgerie, directrice d’ ECoInfo CNRS

DOI : 10.35562/arabesques.3427

p. 15

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Depuis 2006, le groupement de service EcoInfo du CNRS1 élabore des solutions pour évaluer et réduire les impacts du numérique des acteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Anne-Cécile Orgerie

Anne-Cécile Orgerie

Arabesques : pouvez-vous présenter l’initiative EcoInfo CNRS ?

Anne-Cécile Orgerie : EcoInfo est un groupement de service du CNRS créé en 2006 qui vise à agir pour réduire les impacts environnementaux et sociétaux des technologies de l’information, de la communication et du numérique. Son périmètre concerne tous les équipements (téléphones, ordinateurs, tablettes, serveurs), ainsi que les infrastructures telles que les centres de calcul, les réseaux d’accès à Internet, et les échanges numériques, algorithmes, intelligence artificielle, langages de programmation. L’une des originalités de cette initiative est qu’elle s’intéresse à tout le cycle de vie de ces objets numériques, de la fabrication au transport en passant par l’usage et la fin de vie.

Arabesques : qui compose EcoInfo CNRS ?

A-C.O. : EcoInfo est composé d’ingénieurs, de chercheurs, d’enseignants-chercheurs, avec des spécialités complémentaires en informatique, gestion, sociologie, écoconception, gestion de déchets, philosophie, géologie. Nous avons donc une approche vraiment pluridisciplinaire. Il existe une mailing list, accessible aux personnes relevant de l’ESR, qui compte actuellement 240 membres. C’est un espace d’échange sur des sujets très variés, des demandes pratiques, mais aussi des débats sur les questions environnementales.

Arabesques : quelles sont vos actions ?

A-C.O. : nous avons plusieurs types d’action. Nous menons des actions de terrain sous la forme d’audits de data center pour l’enseignement supérieur et la recherche afin de proposer des solutions pour réduire leur consommation et leur empreinte ; nous effectuons aussi des revues critiques de projets, notamment pour l’Ademe, des enquêtes de terrain pour savoir au sein des universités ce qui est mis en place pour la fin de vie des équipements numériques. Par nos enquêtes, nous produisons des données, des indicateurs, des outils. Nous avons par exemple un outil qui s’appelle ecodiag2, disponible gratuitement en ligne en open source, qui permet de connaitre l’impact CO2 de la fabrication de certains équipements informatiques. Nous éditons également des guides de bonnes pratiques, notamment sur la gestion des déchets électroniques, sur l’écoconception de services numériques et plus généralement sur le numérique responsable. Enfin, nous faisons des formations et nous avons mis à disposition un référentiel de compétences pour les plans de formation des écoles d’ingénieurs et des universités. Nous avons aussi participé à l’élaboration d’un MOOC sur les impacts environnementaux du numérique.

Arabesques : en plus de 15 ans, avez-vous vu évoluer dans l’ESR la prise de conscience de ces problématiques et l’adoption de bonnes pratiques ?

A-C.O. : oui, tout à fait. L’un des indicateurs de cela est que nous sommes de plus en plus sollicités, à la fois par les universités et par les laboratoires. Nous sommes aussi impliqués dans les marchés publics, dont Matinfo qui est le marché pour l’achat du matériel informatique couvrant une très grande partie de l’ESR. Au fur à mesure de l’élaboration des différents marchés, on ajoute des questions permettant d’évaluer les répondants aux appels d’offres sur les questions d’impacts environnementaux. On voit, par exemple, un allongement de la durée de garantie des équipements, ou encore des écolabels de plus en plus forts. Le numérique est souvent perçu comme une solution aux enjeux environnementaux sans que son propre impact soit perçu alors qu’il est conséquent, tant sur l’utilisation des ressources que sur la consommation énergétique. Il est donc vraiment important de quantifier ces impacts et de s’assurer que, dans les secteurs où il apporte une solution, le numérique n’est pas un facteur d’aggravation des impacts environnementaux.

Arabesques : comment concilier ces impératifs contradictoires : recourir au numérique, mais limiter son impact ?

A-C.O. : c’est tout l’enjeu des actions pour quantifier les gains réalisés grâce au numérique, mais aussi ses impacts pour voir si la balance est positive. Nous n’en sommes qu’au début de la quantification des impacts environnementaux, qui sont multiples, et c’est l’objet des recherches actuellement. Les solutions dépendront des secteurs. Vu les courbes d’accroissement de son utilisation et la mobilisation de ressources et d’énergie que cela implique, il faut s’interroger sur le recours au numérique.

Interview réalisée par Véronique Heurtematte, coordinatrice éditoriale d’Arabesques

Notes

1 https://ecoinfo.cnrs.fr

2 https://ecoinfo.cnrs.fr/ecodiag-calcul

Illustrations

References

Bibliographical reference

Anne-Cécile Orgerie, « « Il est indispensable de quantifier l’impact du numérique » », Arabesques, 109 | 2023, 15.

Electronic reference

Anne-Cécile Orgerie, « « Il est indispensable de quantifier l’impact du numérique » », Arabesques [Online], 109 | 2023, Online since 15 mai 2023, connection on 19 juillet 2025. URL : https://publications-prairial.fr/arabesques/index.php?id=3427

Author

Anne-Cécile Orgerie

Directrice d’ECoInfo CNRS

anne-cecile.orgerie@irisa.fr

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