The American Library in Paris. Une initiative issue de la Grande Guerre

DOI : 10.35562/arabesques.348

p. 20-21

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Créée au lendemain de la première guerre mondiale, cela fait désormais plus de cent ans que l’American Library accueille et diffuse en France l’élite intellectuelle et littéraire américaine.

En 1917, alors que l’Amérique se mobilisait pour la Grande Guerre, et que les premiers soldats américains débarquaient en Europe, les bibliothécaires américains se mobilisaient aussi. Pour distraire et pour éduquer les “doughboys” qui partaient combattre aux côtés des alliés français et anglais, l’American Library Association (ALA) envoyait des milliers de livres – romans, livres d’histoire, manuels techniques – par l’intermédiaire de bibliothèques mobiles à travers la France.

À la fin de la guerre, ces bibliothèques étaient devenues si populaires que la direction de l’ALA a proposé de les rassembler pour en faire une collection permanente à Paris. Le père du jeune poète américain Alan Seeger, engagé dans la Légion étrangère et mort au champ de bataille en 1916, finance généreusement le projet, marquant la naissance de The American Library in Paris. Quant au concept de bibliothèques mobiles, il sera à l’origine de la création, après la seconde guerre mondiale, des premières bibliothèques centrales de prêt, aujourd’hui départementales.

Image Tout au long ou presque des cent ans qui ont suivi, The American Library a servi de foyer aux intellectuels américains et autres expatriés anglophones attirés par la vie littéraire dans “la ville des lumières”. Ainsi, dans les années 20, les écrivains part de ce qu’on qualifiait de “génération perdue” entre autres parce qu’ils n’avaient pas pu participer à la première guerre mondiale, se retrouvaient à la bibliothèque américaine, notamment Gertrude Stein (qui créa le terme) et Ernest Hemingway, tous les deux très actifs dans la vie de l’institution. The American Library in Paris est restée ouverte même pendant la seconde guerre mondiale, en soutien aux populations bibliophiles de la capitale. De multiples vedettes de la littérature américaine – de Richard Wright à Edith Wharton – ont soutenu l’institution pendant des décennies.

Une impressionnante collection et de nombreuses activités

Aujourd’hui, The American Library in Paris est aussi animée qu’à son apogée, voire encore plus. Elle s’enorgueillit d’une des plus grandes collections de livres en anglais sur le continent européen, avec quelques 100 000 titres présentés. Institution privée, la bibliothèque voit croître d’année en année le nombre de ses membres – plus de 4 000 aujourd’hui. Elle a été entièrement rénovée en 2016. Au-delà de son impressionnante collection, The American Library propose toute une gamme d’activités. Une ou deux fois par semaine, la bibliothèque accueille des intervenants, souvent de grande renommée, sur une grande variété de sujets. Ont été accueillies des personnalités littéraires telles Colson Whitehead ou David Sedaris, mais aussi des acteurs, des journalistes, des politiciens,... Ces soirées sont gratuites et ouvertes au grand public. Une fois par an, la bibliothèque organise un grand gala, avec un invité d’honneur du monde des livres. En 2018, c’est l’écrivain Salman Rushdie qui donnera le discours principal au gala.

L’accueil des jeunes et l’implication dans la vie littéraire parisienne

L’accueil du public jeunesse joue aussi un rôle très important dans la bibliothèque. En effet, pour les tout petits comme pour les universitaires, The American Library est un lieu de détente et d’étude, et une section enfants offre des titres accessibles pour tous les niveaux. De nombreuses activités sont organisées pour les tout-petits et les élèves d’école primaire, notamment une heure du conte entièrement en anglais. Parmi les événements ponctuels pour les jeunes, on peut citer la grande fête d’Halloween, tradition américaine s’il en est, où on voit une centaine d’enfants et d’adultes aussi faire du “trick or treat1 dans le 7e arrondissement. Les adolescents bénéficient eux d’un espace qui leur est spécifiquement dédié. De plus, The American Library a des liens très étroits avec nombre d’institutions éducatives à Paris. Comme dans beaucoup de bibliothèques françaises, pendant la période des examens, les salles de lecture sont pleines d’étudiants, qui profitent du fait que la bibliothèque est ouverte le weekend et le soir. The American Library est aussi très active dans la vie littéraire parisienne. Ainsi, la bibliothèque a lancé en 2013 The American Library Book Award, soutenu par la Fondation Florence Gould, du nom d’une femme de lettres américaine (décédée à Cannes en 1983), mariée à un milliardaire. Ce prix récompense chaque année le meilleur ouvrage paru en anglais, soit ayant un rapport avec la France, soit traitant des relations entre l’Amérique et la France. L’annonce du lauréat a lieu en automne et est l’occasion d’une cérémonie exceptionnelle. Dans le même souci de valorisation littéraire et culturelle, The American Library est aussi un « atelier vivant » de l’écriture : des bourses littéraires sont attribuées chaque année pour permettre à de jeunes écrivains de venir travailler à la bibliothèque pour des séjours de longue durée. D’autres auteurs sont invités pour des séjours plus courts. Née de la Grande Guerre, confrontation mondiale majeure, The American Library in Paris ouvre aujourd’hui encore pour une meilleure entente entre français et anglophones

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© Danielle Voirin

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Une rénovation pour un centenaire

A l’occasion de son centenaire, la bibliothèque a entrepris une profonde rénovation de ses locaux, qui a duré trois mois pour aboutir à une réouverture fin août 2016. De profondes modifications ont affecté tant l’accès que l’aménagement des espaces intérieurs. L’entrée principale a été déplacée sur le côté du bâtiment pour ménager une belle rangée de hautes fenêtres sur la rue, éclairant une série de petits salons intimes le long de cette façade. Pour l’intérieur, la salle de lecture principale a été totalement repensée et une mezzanine a été créée en surplomb, de même qu’un nouvel escalier pour y accéder. Le sous-sol comprend désormais une seconde salle de lecture ainsi qu’un cabinet d’étude. Enfin, des carrels et des espaces de travail ont été aménagés sur les trois niveaux, également reliés par un ascenseur.

Trois ans de préparation ont été nécessaires, avec le soutien financier d’Ed et Mary Lee Turner, de la Florence Gould Foundation et d’une douzaine de généreux donateurs. L’architecte en chef, Lia Kiladis, était assistée de deux architectes consultants, Dorothée Kopp et Christine Beinemier.

Notes

1 « Trick or treat », pour ceux et celles qui l’ignorent encore, est une expression utilisée par les enfants qui vont de maison en maison collecter bonbons et autres friandises, et qui « menacent » les adultes en leur disant (une traduction parmi d’autres possibles) : « des bonbons ou je vous joue un tour » - « trick or treat ». Retour au texte

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Citer cet article

Référence papier

Audrey Chapuis, « The American Library in Paris. Une initiative issue de la Grande Guerre », Arabesques, 90 | 2018, 20-21.

Référence électronique

Audrey Chapuis, « The American Library in Paris. Une initiative issue de la Grande Guerre », Arabesques [En ligne], 90 | 2018, mis en ligne le 08 novembre 2019, consulté le 16 août 2025. URL : https://publications-prairial.fr/arabesques/index.php?id=348

Auteur

Audrey Chapuis

Deputy Director American Library in Paris

chapuis@americanlibraryinparis.org

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