Le RNBM, Réseau national des bibliothèques de mathématiques

DOI : 10.35562/arabesques.3486

p. 10-13

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Il y a aujourd’hui environ 80 000 mathématiciens de par le monde. En France, la communauté mathématique compte environ 4 000 chercheurs et enseignants-chercheurs, répartis dans une centaine de laboratoires (laboratoires universitaires, unités mixtes du CNRS, INRIA, CEA, EDF, INSEE et laboratoires industriels). La place des mathématiques françaises est l’une des toutes premières au monde par son importance numérique et par sa qualité. Témoignent de cette dernière les nombreux prix internationaux attribués aux mathématiciens français depuis plus de cinquante ans. C’est ainsi que, depuis sa création en 1936, près du quart des médailles Fields, la plus haute récompense pour les travaux de mathématiciens de moins de quarante ans, a été décernée à des Français. Deux sociétés savantes représentent la communauté mathématique française : la SMF et la SMAI – Société mathématique de France et Société de mathématiques appliquées et industrielles –, dont les secrétariats sont abrités par l’Institut Henri‑Poincaré, à Paris, qui joue le rôle de « maison des mathématiciens » – UMS 839 CNRS & Paris-VI.

La documentation mathématique

L’accès à la documentation revêt une importance toute particulière pour les mathématiciens. En effet, contrairement aux autres sciences où les publications ne sont souvent que les « comptes rendus », par nature incomplets, de manipulations ou d’observations complexes sur une réalité expérimentale qui en constitue l’objet, les publications mathématiques constituent l’intégralité des résultats de la recherche mathématique. Pour un mathématicien, les publications jouent ainsi le rôle du fossile pour le paléontologue ou de l’échantillon de minéral pour le géologue. C’est ainsi que, depuis le XVIIIe siècle, les découvertes mathématiques confirmées se confondent avec les théorèmes publiés avec les détails de leur démonstration. À cette spécificité des publications mathématiques s’ajoute leur pérennité : les mathématiciens utilisent couramment des articles datant de plusieurs décennies, voire davantage, et la « durée de vie » d’un article de mathématiques s’apparente davantage à celle d’un article d’histoire ou de philologie qu’à celle d’un article de biologie. Ces particularités expliquent l’importance accordée par les mathématiciens à leurs bibliothèques de recherche. Celles-ci, mises en place dans la plupart des universités dès la fin du XIXe siècle, constituent le premier instrument de travail des mathématiciens et, en conséquence, sont le plus souvent localisées au sein des départements de mathématiques. Pendant longtemps, ces bibliothèques ont été développées et gérées par les mathématiciens eux-mêmes (et non des moindres) et ce n’est qu’après la seconde guerre mondiale que ceux-ci ont fait appel à des bibliothécaires professionnels. Les mathématiciens continuent cependant à y accorder toute leur attention en y affectant une part importante de leurs crédits de recherche et en s’impliquant fortement dans leur fonctionnement, notamment dans le choix de la documentation. Au niveau national, l’attention portée par les mathématiciens à leurs bibliothèques et à leur documentation s’est traduite par la création, par le CNRS,de la Cellule MathDoc (voir p. 8) et par la mise en place du RNBM, Réseau national des bibliothèques de mathématiques.

Les bibliothèques de mathématiques en France

Il y a aujourd’hui en France une cinquantaine de bibliothèques de mathématiques, de tailles extrêmement diverses. Leurs financements sont diversifiés : crédits universitaires de recherche, PPF, CNRS, subventions régionales. La participation des services communs de la documentation (SCD) est en général indirecte et se traduit par une prise en charge de certains abonnements à des journaux ou à des bases de données. Environ 70 bibliothécaires travaillent dans ces bibliothèques : les deux tiers y sont employés par le CNRS et la plupart des autres par l’université. Une bonne partie de ces bibliothèques – une trentaine d’entre elles – est constituée de bibliothèques de départements ou d’instituts « associées » (mathématiques et parfois aussi informatique) : elles relèvent d’une université et d’un laboratoire associés au CNRS et sont « associées » au SCD de l’université, mais sont autonomes financièrement vis-à-vis du SCD. Les autres possèdent des statuts très divers ; il peut s’agir de bibliothèques intégrées dans un SCD, de bibliothèques situées dans des établissements tels que les écoles normales supérieures ou l’École polytechnique (autonomes financièrement vis-à-vis de leur bibliothèque centrale) ou encore de bibliothèques ne relevant pas d’un établissement public – par exemple, celle du Centre international de rencontres mathématiques, à Luminy, qui relève de la SMF, ou celle de l’Institut des hautes études scientifiques, à Bures‑sur‑Yvette.

Quelques chiffres concernant l’ensemble des bibliothèques mathématiques françaises.
Périodiques : 3 911 abonnements en cours ; près de 9 000 titres morts et vivants (environ 400 revues de mathématiques sont publiées actuellement dans le monde, dont un bon nombre, incluant les meilleures, par des éditeurs académiques).
Ouvrages : plus de 600 000 ouvrages.
Locaux : environ 14 000 m2. Cinq bibliothèques dépassent les 1 000 m2.

Un quart des bibliothèques permettent un accès permanent aux chercheurs affiliés.

Le RNBM

Le RNBM a été créé il y a bientôt trente ans par un groupe de mathématiciens et de bibliothécaires, soutenu par la SMF et par la SMAI, pour échanger expériences et informations et pour élaborer une politique documentaire mathématique nationale. Fonctionnant initialement comme un réseau amical, le RNBM a été conduit progressivement à jouer un rôle important dans l’accès à la documentation électronique de la communauté mathématique française (accords de consortium), ainsi que dans la réflexion collective et la formation des bibliothécaires et des mathématiciens sur les problèmes de documentation. Le RNBM est codirigé par un mathématicien et une bibliothécaire.

Depuis janvier 2004, le RNBM est rattaché au CNRS : il est devenu un groupement de service (GDS 2755) du CNRS, auquel ont adhéré formellement les bibliothèques de mathématiques, en accord avec leurs autorités de tutelle – CNRS, universités…

Des réalisations du RNBM

L’organisation d’écoles thématiques et de stages de formation au CIRM – voir p. 6
L’adoption d’un logiciel documentaire commun dès le début des années 80, ainsi que d’un format de catalogage proche des normes MARC. Le projet de fusion des catalogues, repris dans les années 90, a été réalisé par la cellule MathDoc et la bibliothèque Jacques‑Hadamard ; le Catalogue fusionné des ouvrages (CFO) est librement accessible sur le site de cette dernière – voir p. 7
Les collaborations avec la Cellule MathDoc, dont l’une des missions consiste à « assister les bibliothèques de mathématiques et les mathématiciens pour ce qui concerne la documentation électronique ». Parmi les réalisations communes, on peut citer les catalogues fusionnés des périodiques et des ouvrages, la réalisation du LGD (logiciel de gestion documentaire), ainsi que la mise à disposition par les bibliothèques de leurs collections de périodiques français, lorsque la Cellule se lance dans la numérisation de ceux-ci.
La négociation et la mise en place d’un accès au service de journaux électroniques LINK de l’éditeur Springer Verlag pour l’ensemble des bibliothèques du RNBM. Cette opération a été financée par le CNRS et la Recherche pour une durée de quatre ans – avril 2001‑avril 2005. Au cours de la négociation, les choix scientifiques concernant les titres des revues comprises dans l’accord ont pu être effectués par les utilisateurs mathématiciens. Conclu au niveau national, l’accord avec Springer a permis à de nombreux petits départements et laboratoires de mathématiques de bénéficier d’un accès à LINK sans surcoût pour la communauté mathématique française. La renégociation de cet accord (au-delà d’avril 2005) dans des termes semblables est en cours. Elle inclut une sélection scientifique sévère de titres mathématiques de l’éditeur Kluwer, qui a récemment fusionné avec Springer.
La négociation d’un accès électronique, à un coût réduit, aux bases de données MathSciNet de l’American Mathematical Society et à Zentralblatt für Mathematik

RNBM et Système universitaire de documentation

À la demande de leurs tutelles, les bibliothèques de mathématiques souhaitant augmenter la visibilité de leurs collections, des contacts ont été pris avec l’Agence bibliographique de l’enseignement supérieur, début 2004, et la directrice de l’ABES, Sabine Barral, est intervenue lors de la dernière école thématique du Réseau national des bibliothèques de mathématiques en octobre 2004.

Les ouvrages des grandes bibliothèques de mathématiques sont déjà signalés dans le Système universitaire de documentation, le Sudoc : au moment de l’intégration des catalogues des services communs de la documentation, le catalogue de la bibliothèque de mathématiques a été joint dans un certain nombre de cas – Jussieu Math Recherche, Orsay, Strasbourg pour ne citer que les plus importantes. L’un des problèmes qui se pose actuellement est la mise à jour de ces données. À titre d’expérimentation pour le RNBM, la bibliothèque de l’Institut Henri-Poincaré a choisi de rejoindre le système informatisé de gestion de bibliothèque, le SIGB, de la bibliothèque interuniversitaire de Jussieu ; un tiers de son catalogue seulement (plus de 30 000 notices au total) a pu être intégré dans le Sudoc, les notices restantes devant l’être manuellement (problèmes d’identification de notices, de doublons éventuels, etc.) ; cette tâche, grande consommatrice de temps, n’est possible que parce que cette bibliothèque ne fait pas de prêt d’ouvrages. Ceci serait impossible dans la plupart des autres bibliothèques du RNBM, qui disposent souvent d’un personnel réduit, devant prioritairement se consacrer au prêt.

Les autres bibliothèques vont, dans un proche avenir, se rapprocher de leurs SCD respectifs, afin de trouver un mode opératoire consensuel, lorsqu’il n’est pas déjà mis en place. Une autre piste pourrait être la « rétroconversion » globale du CFO : un test de recouvrement devrait être effectué et permettra de savoir quel pourcentage du CFO se trouve déjà dans le Sudoc.

En ce qui concerne les périodiques, ceux‑ci figurent dans le Sudoc et sont mis à jour par la bibliothèque par l’intermédiaire du centre régional du Sudoc-PS.

La question qui se pose et qui importe beaucoup aux mathématiciens : une interrogation thématique du Sudoc sera-t- elle possible à terme ?

Ainsi, si les bibliothèques de mathématiques ont le sentiment très fort de leur appartenance à la communauté scientifique nationale qui les encadre et les soutient – dans le cadre du CNRS et du MENESR –, elles n’en souhaitent pas moins participer, sans perte d’identité de leurs membres, à l’harmonisation et à la mutualisation de la documentation universitaire.

Mathrice : un GDS

Mathrice, créé à l’initiative de la direction scientifique du département SPM du CNRS, est formé par les informaticiens de tous les laboratoires de mathématiques du CNRS ce qui représente plus de 100 personnes. Depuis début 2000, Mathrice se propose d’être un réseau interne de communications et d’échanges pour cette communauté.

Deux fois deux jours par an. Comme le RNBM, il est devenu, en 2004, une unité du CNRS, un groupement de services – GDS. Les activités principales de Mathrice sont centrées autour d’une coopération continue, via une liste de diffusion utilisée au quotidien, et des rencontres physiques, deux fois deux jours par an, permettant l’exposé interactif des expériences et innovations menées par des membres du groupe.

Hébergement. Le retour, très positif, de ces échanges a conduit Mathrice à évoluer, depuis trois ans, vers la mise à disposition de la communauté mathématique française de services transversaux, comme un annuaire et des jetons pour des logiciels scientifiques. La dernière action est la mise en production d’une plate forme (en expérimentation sur l’année 2004) d’hébergement de services plus avancés : bureau virtuel, service de courrier électronique générique, accès aux revues électroniques, hébergement de serveurs web, etc.

Joël Marchand
Institut de mathématiques de Jussieu - Paris-VI et Paris-VII

Polyèdres (laiton et fil), modèle mathématique du début du XXe siècle

Polyèdres (laiton et fil), modèle mathématique du début du XXe siècle

Bibliothèque de l’Institut Henri-Poincaré

Photo : D. Dartron et S. Starita

Illustrations

  • Polyèdres (laiton et fil), modèle mathématique du début du XXe siècle

    Polyèdres (laiton et fil), modèle mathématique du début du XXe siècle

    Bibliothèque de l’Institut Henri-Poincaré

    Photo : D. Dartron et S. Starita

References

Bibliographical reference

Jean-Benoît Bost and Liliane Zweig, « Le RNBM, Réseau national des bibliothèques de mathématiques », Arabesques, 37 | 2005, 10-13.

Electronic reference

Jean-Benoît Bost and Liliane Zweig, « Le RNBM, Réseau national des bibliothèques de mathématiques », Arabesques [Online], 37 | 2005, Online since 07 juin 2023, connection on 15 août 2025. URL : https://publications-prairial.fr/arabesques/index.php?id=3486

Authors

Jean-Benoît Bost

Département de mathématique de l’université Paris-XI

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Liliane Zweig

Bibliothèque de l’Institut Henri-Poincaré

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