Cédric Mercier est l’auteur du mémoire de fin d’étude de conservateur des bibliothèques « Les archives de la recherche : enjeux et perspectives pour les bibliothèques universitaires ».
Cédric Mercier
Arabesques : quels constats avez-vous fait lors de votre travail sur les archives de la recherche dans les bibliothèques universitaires ?
CÉDRIC MERCIER : pour ce mémoire, j’ai réalisé entre janvier 2019 et mars 2020 un état des lieux des fonds d’archives de la recherche conservés dans les bibliothèques universitaires en consultant Calames et d’autres catalogues collectifs. Le principal constat est que même si, sans trop de surprise, quelques grandes institutions occupent une place prépondérante, la plupart des bibliothèques universitaires ont des fonds d’archives car le premier mouvement des chercheurs qui cessent leur activité est de se tourner vers la bibliothèque de l’université où ils ont fait toute leur carrière pour déposer leurs archives. Il s’agit donc d’une problématique commune à beaucoup de BU.
Avez-vous pu établir une définition de ce qu’est une archive scientifique ?
C.M. : Le terme même d’archives scientifiques pose question. Pour ma part, j’ai choisi le terme « archives de la recherche » car c’est celui qui revenait le plus souvent au cours de mes recherches. Une définition par la typologie des documents est peu satisfaisante car on arrive vite à une liste à la Prévert, posant que les archives scientifiques ce sont des prises de notes, des carnets, des entretiens, des brouillons de publication, des correspondances. C’est tout cela mais aujourd’hui, compte tenu de l’évolution des pratiques de recherche, c’est aussi des réponses à des appels à projets, un brouillon de poster scientifique, des documents imprimés et numériques. La définition que je donnerais des archives de la recherche c’est qu’il s’agit de tout document qui témoigne d’une activité de recherche. C’est une vision de bibliothécaire, les archivistes, eux, ont tendance à considérer que c’est tout document produit dans le cadre des activités de recherche.
Quelles sont les principales problématiques auxquelles se confrontent les bibliothèques dans les gestions de fonds d’archives de la recherche ?
C.M. : La première problématique est celle des compétences car traiter des fonds d’archives n’est pas le cœur de métier des bibliothécaires. Faut-il former des bibliothécaires ou recruter des archivistes ? Se pose aussi la question de la place de cette mission dans l’organigramme. Faut-il la rattacher aux services à la recherche ? À ceux du traitement documentaire ? En faire une mission spécifique rattachée directement à la direction ? Il y a également des problématiques pratiques de place dédiée à ces archives et de modalités de consultation. Les espaces de conservation sont-ils adaptés à ces fonds ? Faut-il créer un lieu et des modalités de consultation spécifiques au sein de la BU ? Les réponses sont bien sûr différentes selon les établissements.
Et quels sont les enjeux autour de la gestion de ces archives ?
C.M. : Outre que la présence d’archives de la recherche est l’un des derniers motifs pour faire venir les chercheurs dans les espaces physiques de la bibliothèque, je pense que le principal enjeu est celui du lien avec les enseignants chercheurs. Gérer leurs archives permet d’avoir avec eux un rapport particulier, presque intime qu’on ne retrouvera pas avec d’autres services. C’est aussi le fruit d’une relation qui s’est construite dans la durée, ce qui est compliqué à mettre en œuvre car, comment avoir une relation personnelle avec chacun des centaines de chercheurs d’une université quand on a une équipe de seulement quelques personnes pour s’en occuper ? À travers ce geste de conservation d’archives, on retrouve aussi l’idée de la bibliothèque comme cœur de vie de l’université, son lien avec l’histoire et de l’identité de l’institution.
Comment intégrer ces archives dans l’ensemble de l’offre documentaire de la BU ?
C.M. : C’est une vraie question de politique documentaire qui est très engageante car on peut toujours désherber des livres achetés mais les archives sont intégrées pour toujours. Accepter un don d’archives doit se faire en cohérence avec le reste des collections. Or souvent, cette activité n’est pas très formalisée et résulte plutôt des opportunités qui se présentent. Même si de plus en plus de SCD s’en emparent, elle reste marginale par rapport à d’autres missions comme la science ouverte qui concentre davantage de moyens. Ce qui est ressorti de mes échanges avec les professionnels en charge de ces fonds, c’est le décalage entre l’ampleur de la tâche et la faiblesse des moyens, notamment humains, dédiés à la question.
Quel est l’impact du numérique sur la question des archives de la recherche ?
C.M. : J’ai l’impression que le basculement vers le numérique a permis de redécouvrir les archives imprimées. Il y a une forme de continuité entre les documents papier et les documents numériques et c’est important de ne pas faire une séparation trop nette entre ce qui relèverait du patrimonial, les documents imprimés un peu anciens, et ce qui relèverait de la bonne gestion documentaire car numérique et actuel. Archives imprimées ou numériques, les questionnements sont identiques même si les outils, les volumes traités, les réponses retenues sont différents.
Consulter le mémoire : https://www.enssib.fr/ %20bibliotheque-numerique/notices/69638-les-archives-de-la-recherche-enjeux-et-perspectives-pour-les-bibliotheques-universitaires
Propos recueillis par Véronique Heurtematte
