En 2001, le SCD de l’université de Nantes se lançait dans une réinformatisation en trois volets : remplacement du premier logiciel par un SIGB (Horizon), entrée dans le Sudoc en tant que bibliothèque « hors source »1, et mise en place d’un « portail documentaire » combinant des recherches dans les collections imprimées, numériques et pédagogiques. Installé en 2005, celui-ci est baptisé « Nantilus ».

2009-2017 : vaches maigres et pragmatisme

Le choix du portail documentaire s’est vite avéré un (coûteux) échec : la moindre requête demande plusieurs secondes et il faut plusieurs redémarrages par jour. Abandonné par son fournisseur, il est maintenu à flot par le service informatique interne de la BU. Il pèche aussi par sa conception : les contenus informatifs doublonnent en partie avec ceux des pages du SCD sur le site Web de l’université, et quant aux ressources signalées, les collections imprimées se mêlent à des sites Web plus ou moins suivis, à des ressources pédagogiques dans le seul domaine de la santé, et à la totalité des titres du DOAJ2 qui noie ceux des abonnements propres au SCD. L’urgence est donc de le remplacer. Malgré les difficultés financières de l’université à partir de 2012, l’installation du logiciel libre VuFind3 comme interface de recherche est possible grâce aux compétences informatiques en développement dont la BU dispose.

Le principe est cette fois de découpler les fonctionnalités de recherche dans le catalogue et la mise en ligne d’informations. Les pages Web sont complétée ; elles offrent l’avantage de pouvoir être reprises par d’autres composantes et, sur le plan institutionnel, de positionner la BU comme partie prenante d’une université devenue autonome. Dans ce nouveau Nantilus, la politique de signalement est restreinte à un ensemble de ressources maîtrisé, en limitant les publications gratuites, difficiles à suivre. Pour la documentation numérique, une base de données est construite sur mesure pour donner aux lecteurs toutes les informations utiles concernant les titres de bouquets, revues, ebooks et bases de données, sans fonctionnalités de gestion, confiées aux tableurs.

En 2014-2015, pour améliorer les possibilités de recherche, le SCD teste des outils de découverte avec index centralisé, mais elle n’est alors pas en mesure de mettre en place la médiation nécessaire pour une utilisation optimale, et le coût n’est pas compatible avec des finances encore fragiles. Par ailleurs, un accès à distance relativement performant est permis depuis longtemps par l’accès « nomade » de l’université. L’inconvénient étant de devoir donner aux lecteurs la consigne de se connecter à cet accès en préalable des recherches dans le catalogue, la bibliothèque finit en 2018 par mettre en place un reverse proxy.

 

Crédit Adobe Stock / Sergey Skleznev

2017-2021 : une réflexion globale facilitée par les réorganisations institutionnelles

Un processus de réorganisation interne du SCD aboutit en 2017 à une organisation matricielle structurée non plus autour de sept BU et deux services transversaux, mais de trois départements chargés de définir des politiques transversales qui doivent irriguer les BU. La mise en place de services de formation des usagers, d’accueil, et des travaux universitaires permet au service d’informatique documentaire d’avoir un interlocuteur unique sur ces sujets, tandis que la coordination du catalogue obtient peu à peu moyens et reconnaissance. En parallèle, la collaboration se développe avec la DSIN4, notamment via des projets transversaux et des groupes d’experts, en particulier une communauté de porteurs de projets numériques, basée sur le partage d’expérience et de méthodologie de projet.

Les conditions sont donc réunies pour lancer un projet de refonte des outils de signalement documentaire, avec comme priorité de mettre à jour Nantilus, dont l’évolution est entravée par certains choix techniques faits en 2013 ; le remplacement d’Horizon est à nouveau repoussé. En 2019, la plateforme est donc renouvelée sans en changer les principes ni le périmètre mais avec une méthode qui intègre les tests utilisateurs. Ces derniers ayant montré une difficulté à appréhender la notion d’article, un résolveur de liens est ensuite installé pour faciliter l’accès aux articles depuis des bases de données. Le signalement des ressources en ligne demande dès lors un double suivi : dans la base interne de signalement des titres et dans la base de connaissances du résolveur de liens.

En septembre 2020, l’arrivée d’un nouveau directeur au SCD permet de lancer enfin le projet de changer le cœur du système, Horizon. Dans le même temps se profile la naissance de l’établissement public expérimental Nantes Université, adossé au projet I-Site NExT5.

L’enjeu du changement n’est dès lors plus seulement d’alléger la dette technique envers un logiciel client-serveur mais surtout d’asseoir le projet de service finalisé en juin 2023 et élaboré en cohérence avec les orientations stratégiques de Nantes Université votées fin 2022. Autre besoin signalé par le jury international ayant labellisé l’I-Site NexT : disposer d’un outil à l’échelle de l’EPE pour harmoniser les pratiques et les usages, et développer une culture professionnelle partagée.

Le pari « Folio »

Folio est une plateforme Open Source, soutenue par une communauté solidement structurée et développée à partir de 2015 sur les principes des SGB « de nouvelle génération », qui inclut les flux et fonctionnalités de gestion de la documentation numérique au même titre que ceux relatifs à la documentation sur support physique, mais n’intègre pas d’interface de recherche dans les collections pour les lecteurs. Techniquement, elle s’appuie sur une architecture de micro-services avec de très nombreuses API.

En 2021, le comité de pilotage du projet choisit Folio sur trois critères :

• La gestion de la documentation numérique est affirmée comme une question stratégique, étant donné sa part dans le budget documentaire.
• Le nouveau système doit permettre un changement d’échelle et la gestion de la documentation des différentes institutions présentes dans Nantes Université.
• Folio présente l’atout d’être une solution libre, cohérente avec la politique de l’université en faveur de l’ouverture de la connaissance.

Par ailleurs, même si l’outil de gestion interne passe au premier plan après plusieurs années de priorité donnée à l’interface pour les lecteurs, l’évolution de celle-ci n’est pas abandonnée puisque Folio fonctionne avec différentes interfaces de découverte, dont VuFind. Ce choix est donc un atout pour capitaliser sur le travail déjà effectué et minimise l’impact du changement sur les habitudes des utilisateurs finaux.

Les attentes du SCD de Nantes envers l’aventure Folio

Dans un premier temps, on doit se résoudre à des pertes afin de construire un socle pour des gains futurs. Dès le passage en production prévu fin 2024, le SCD espère une amélioration de la gestion de la documentation numérique pour laquelle Folio a été pensé6.

Folio devrait également permettre de passer cette gestion à l’échelle de Nantes Université de manière cohérente. Au fur et à mesure de la modernisation des autres outils du système d’information, Folio pourra également être un facteur de fluidification des processus, grâce à ses nombreuses API.

Nous espérons également fortement une fluidification des échanges avec le Sudoc, source des « vraies » données, et une diminution de la double saisie d’informations. Hélas, dans un premier temps, l’import de notices à la volée ne sera pas possible en Unimarc car, faute d’utilisateurs avant nous, ce format n’est plus supporté par Folio. Mais pourquoi ne pas imaginer, à très long terme, une amélioration des conversions et de la modélisation Bibframe ? Du côté des lecteurs, un énorme travail nous attend pour reconstruire VuFind, mais cette mise à jour ouvrira la voie à plusieurs pistes d’évolution pour tirer le meilleur parti des données, notamment pour mettre en valeur la production de l’université (par exemple, les Ressources éducatives libres de la future Fabrique REL de Nantes Université).

Dernier espoir et non des moindres : rejoindre une communauté d’utilisateurs structurée et active, qui montre beaucoup d’intérêt pour l’arrivée de petits Français. Seul, le SCD de Nantes n’a pas la possibilité d’être un réel contributeur mais nous rêvons d’être rejoints par d’autres BU françaises et de réunir nos forces pour participer à l’évolution du logiciel avec la communauté internationale. Et même, pourquoi ne pas envisager une installation mutualisée ? L’installation de la plateforme Folio est complexe mais elle permet d’héberger de multiples « locataires ». En réalité, utiliser Folio ne fait vraiment sens qu’en le partageant !