Text

« Il eut l’audace de me demander deux louis ». Cet extrait de Manon Lescaut m’intrigue : où réside l’audace ? Dans la valeur du louis ? Je tapote le mot pour activer un lien me permettant de découvrir que deux louis valent alors un cheval, que des spécimens sont conservés à la Bibliothèque nationale de France et que je peux les explorer sous toutes leurs coutures dans une modélisation 3D. Nous sommes en 2054 et cet ensemble d’informations n’est pas issu d’un lien hypertexte mais a été généré à la carte selon l’époque et l’espace de la scène narrée par l’Abbé Prévost, selon le lieu où je me trouve ou encore selon l’année de lecture de ce roman.

Pour que cette expérience soit rendue possible, il a fallu compter sur les bibliothécaires pour mener à bien la transition bibliographique, pour s’assurer de l’entrée effective du catalogue dans le web sémantique et pour garantir un enrichissement constant et croissant de la richesse des données descriptives. Imaginer le catalogue de demain, c’est imaginer l’avancement de la modélisation de notre pensée. Des incunables aux ebooks, des partitions à la musique en streaming, des pièces de monnaie aux NFT, nos catalogues ont circonscrit dans la plus grande finesse ce qui caractérise un objet en bibliothèque, de la même manière que nous, bibliothécaires, faisons l’expérience de cet objet dans notre activité.

Retour en 2024. Un de nos enjeux était déjà de réussir à prendre la mesure de ce que nous pratiquons au quotidien et à comprendre l’étendue des compétences, valeurs, savoir-faire, connaissances et logiques que nous mobilisons dans la mise en accès de nos collections depuis des centaines d’années. La plupart des intelligences artificielles (IA) seront tout aussi fondues dans le paysage que l’était l’informatique trente ans plus tôt, elles seront les héritières des modèles développés et distribués par les GAFAM bien qu’elles aient aussi été investies par une constellation d’acteurs. Les enjeux de transparence et d’éthique seront prégnants tandis que les bibliothèques, à travers leurs missions, ont déjà un rôle à jouer. Si dans trente ans les catalogues se seront transformés d’une manière que notre imaginaire peine à percevoir, il est une chose certaine, c’est que des bibliothécaires seront toujours aux commandes pour permettre à l’IA de participer à constituer, organiser, décrire, enrichir et communiquer des collections dans un univers mouvant qu’aucune programmation ne saurait présager.

References

Bibliographical reference

Mathilde Garnier, « …Quels catalogues en 2054 ? », Arabesques, 113 | 2024, 23.

Electronic reference

Mathilde Garnier, « …Quels catalogues en 2054 ? », Arabesques [Online], 113 | 2024, Online since 05 avril 2024, connection on 19 juillet 2025. URL : https://publications-prairial.fr/arabesques/index.php?id=4100

Author

Mathilde Garnier

Doctorante en sciences de l’information à l’université Bordeaux Montaigne

mathilde.garnier@u-bordeaux.fr

Author resources in other databases

  • IDREF
  • VIAF

Copyright

CC BY-ND 2.0