Parlez-nous de vos fonctions actuelles
Au sein du département Appui à la recherche et science ouverte, j’assure le suivi financier de la documentation numérique recherche. Par ailleurs, je veille à la bonne mise en œuvre des accords globaux de lecture et publication, y compris en informant les publiants. Je supervise également le service de prêt entre bibliothèques, autre façon de mieux connaître les besoins documentaires des chercheurs.
Quelles sont vos relations avec l’Abes ?
En tant que gestionnaire soucieux du signalement de nos bouquets mais aussi en tant que négociateur Couperin, j’échange avec les équipes de l’Abes pour améliorer la qualité des fichiers KBART fournis par les éditeurs de façon à nourrir la base BACON. Sur le plan financier, les interactions sont nombreuses également : l’Abes est porteuse de groupements de commande pour de nombreux abonnements numériques. Le troisième type de relations, plus occasionnel, est d’ordre juridique, je l’évoque ci-après.
Quels défis majeurs l’Abes aura-t-elle, selon vous, à relever dans les prochaines années ?
J’en vois au moins quatre. Le premier est la poursuite de la synchronisation du Sudoc avec différents SGB, y compris pour l’exemplarisation automatique dans le Sudoc des bouquets de revues électroniques. Le deuxième est la mise à jour des référentiels de structures de recherche. Dans un article récent paru dans la revue Arabesques, Carole Melzac fait le point sur ROR, référentiel des structures de recherche, concurrent direct de RingGold ID, intégré au workflow de l’outil de soumission d’articles Editorial Manager. Actuellement, ni RingGold ni ROR ne sont à jour sauf exceptions. Beaucoup de laboratoires en sont absents. Les établissements de l’ESR sont en attente d’une accélération du traitement de ce dossier, au moins pour ROR. L’enjeu est double : en termes de visibilité mais aussi en termes financiers. Les éditeurs qui mettent en œuvre des accords « Publish & Read » intègrent presque toujours l’un des deux référentiels dans leur workflow : sans référentiel à jour, il y a un risque non nul que bon nombre de chercheurs ne bénéficient pas d’exonération des frais d’APC, tant que leur laboratoire n’est pas dûment référencé.
L’expertise juridique de l’Abes sur le TDM constitue un autre défi. Bien que l’exception de Text and Data Mining contenue dans la directive Copyright d’avril 2019 ait été transposée en droit français en novembre 2021, un certain nombre d’éditeurs n’ont de cesse de contester les contours du texte. Cela crée un climat d’insécurité juridique, les éditeurs allant jusqu’à menacer les établissements de couper les accès. L’expertise juridique de l’Abes pourrait jouer un rôle déterminant dans la mise en œuvre d’une stratégie commune de réponse des établissements à ces pressions.
Le dernier défi concerne la dépollution de la science. On connaît maintenant assez bien le problème des faux articles scientifiques rédigés par de simples logiciels tels que SciGen, voire des IA. L’Abes pourrait contribuer à débusquer un type bien spécifique de fraude scientifique. Guillaume Cabanac et al ont montré récemment comment on peut manipuler le nombre de citations d’un article en utilisant des références « cachées », qui sont enregistrées comme métadonnées pour des articles scientifiques dans lesquels elles n’apparaissent pas, au moment de l’enregistrement du DOI. L’Abes pourrait apporter son concours à CrossRef pour la constitution d’un outil de détection automatisée de ces fausses citations. Je lance l’idée mais je ne sais pas si elle a des chances de se réaliser.
Qu’appréciez-vous le plus dans votre métier ?
La dimension liquide par nature de la documentation numérique, qui permet d’irriguer tous les publics au sein du campus.
Qu’est-ce qui vous énerve le plus ?
L’ésotérisme fait l’objet d’une promotion aussi insidieuse qu’efficace sur les campus, y compris scientifiques, notamment par le biais des activités proposées aux personnels par les services culturels et action sociale : marches méditatives, huiles essentielles, aromathérapie, naturopathie…
Quelle image donneriez-vous pour définir l’Abes ?
Un vaisseau amiral naviguant dans un océan de données.
Votre expression favorite ?
Demain est un autre jour.
