Afin d’illustrer le rapprochement normatif des pratiques de description bibliographique entre bibliothèques et archives, nous avons souhaité recueillir les témoignages de trois professionnels du ministère de la Culture.
Manonmani Restif, cheffe de projet du portail FranceArchives. Louis Vignaud, expert chargé de la politique nationale sur les métadonnées et référentiels archivistiques, Service interministériel des archives de France
Selon vous, les modèles entités/relations constituent-ils un avenir commun pour les archives et les bibliothèques en vue d'une meilleure expérience utilisateurs ?
Répondre aux requêtes des usagers est un objectif commun pour les bibliothécaires comme pour les archivistes. Les premiers ont adopté, dès 2008, la DTD XML EAD 2002 pour signaler sur le web les archives et manuscrits conservés dans les bibliothèques, tandis que les seconds ont tenté d’utiliser les normes AFNOR d’indexation, comme préconisé par des notes de la Direction des Archives de France de 1994 et 2007. Toutefois les pratiques restent globalement assez éloignées, forçant à recourir au Dublin Core, format dénominateur commun pour diffuser des métadonnées via des portails comme Europeana.
La transition de la description des archives vers le modèle entités/relations promue par Records in contexts (RiC) publié fin 2023, invite à une convergence des pratiques avec les bibliothèques qui adoptent progressivement de nouvelles règles de catalogage dérivées du code RDA-FR. En faisant graviter, autour de l’objet informationnel (record) les agents, les lieux, les fonctions ou activités et ses représentations matérielles, décrits de manière structurée, RiC inscrit les archives dans le web de données liées et crée des passerelles avec les réservoirs et vocabulaires des bibliothèques. Cette démarche souligne la nécessité de l’interopérabilité et du partage de référentiels communs ou alignés entre eux, ainsi que la complémentarité des métiers, l’expertise des archivistes en histoire des institutions ayant contribué par exemple à la rédaction du chapitre sur les collectivités du code RDA-FR.
Emmanuel Jaslier. Directeur du département des Métadonnées, Bibliothèque nationale de France
À l'heure des enjeux autour de la découvrabilité des contenus culturels francophones, en quoi la transition bibliographique constitue-elle une opportunité pour une description partagée des ressources documentaires au sein de la Culture ?
Le défi pour rendre les données plus accessibles et interopérables entre secteurs de la connaissance ne repose pas tant sur les normes de description utilisées par chacun que sur la manière dont sont identifiées et caractérisées les entités qui sous-tendent les modèles de description respectifs de ces secteurs.
Cet enjeu concerne en particulier les entités les plus communément mobilisées dans chaque système de signalement : agents (personnes physiques et collectivités), œuvres, lieux, concepts… En cela, le programme Transition bibliographique, et le projet de Fichier national d’entités, sont riches d’enseignements.
Deux outils s’avèrent particulièrement puissants : le modèle IFLA LRM, implémenté en France par le code RDA-FR, qui définit un certain nombre d’entités pour la description documentaire ; et les identifiants pérennes associés à ces entités, qui permettent un meilleur partage avec d’autres systèmes d’information, notamment dans les domaines scientifiques ou commerciaux.
Au-delà des URI (Uniform Resource Identifier), citons l’ARK (Archive Resource Key), sur lequel la BNF assoit la pérennisation de sa fourniture de données, mais aussi l’ISNI, identifiant international pour les noms de personnes et de collectivités, dont l’usage va croissant dans l’interprofession du livre, les industries musicales et les bibliothèques nationales européennes.
Dans cette logique, la Transition bibliographique constitue un levier essentiel pour améliorer la découvrabilité des ressources et favoriser leur interopérabilité au sein d’un réseau global de connaissances, contribuant à un meilleur partage de l’information et à une collaboration accrue entre disciplines, institutions et utilisateurs.