Constats : l’éparpillement originel des référentiels

Malgré plusieurs tentatives successives, la construction d’un système d’information recherche se heurte encore à l’absence d’un référentiel commun et d’une stratégie coordonnée. La coexistence d’unités mixtes (universités, organismes, écoles, chacun tour à tour employeur, ordonnateur, pouvoir adjudicateur, représentant légal…) et la fragmentation historique des outils de gestion ont fait prospérer des silos où la donnée demeure redondante ou lacunaire, sur laquelle les partenaires ne parvenaient pas à s’entendre, faute de portage national d’un vocabulaire commun. Sans identifiants pérennes ni qualité maîtrisée, l’interopérabilité reste hors de portée ; la charge administrative qui en découle continue d’entraver le travail des chercheurs, et on reproche vite aux SI de ne pas savoir régler ce qui relève, en fait, d’un sujet d’organisation du service public de la recherche en France, seul pays de l’UE à ne pas s’être doté de Current Research Information Systems (CRIS).

Construction d’un socle de référence

La première réponse consiste à soumettre les données de référence à une gouvernance maîtrisée. Les référentiels doivent fournir des identifiants stables pour les structures, les personnes et autres données communes, ce qui impose de définir des standards et d’outiller les processus de collecte. Qualité et normalisation deviennent ainsi le socle de tout pilotage. Le retour d’expérience sur le déploiement de la solution SINAPS de l’Amue, exploré dans le cadre d’un des ateliers organisés pendant les Journées d’étude1, démontre que si les enjeux commencent à être partagés, l’implication des moyens nécessaires n’est pas à la hauteur. Le sujet est encore trop souvent adressé sous l’angle technique de la base de données et les moyens humains font défaut pour soutenir la démarche dans la durée.

SI décisionnel ouvert et partagé

Une donnée fiabilisée prend toute sa valeur lorsqu’elle est articulée dans un système analytique. Ainsi, SIROCCO – solution open source coproduite par les adhérents Amue et le consortium Cocktail – illustre cette exigence : architecture ouverte, raccordable à tout SI de gestion, agrégation des données financières et RH, production d’indicateurs et de tableaux de bord partageables. Ouvert et collectif, le code vit grâce à sa communauté et garantit la soutenabilité des investissements.

Urbanisation et API : condition de l’agilité

Un modèle cible, adossé à des API publiées, permet d’industrialiser les échanges – affiliations ORCID, ROR, dépôts HAL – et de réduire la prolifération de connecteurs ad hoc. C’est cette approche qui permettra de diminuer la charge administrative des chercheurs tout en renforçant la traçabilité et l’auditabilité des données.

Intendance des données

Les discussions ont confirmé que la technique n’est pas l’obstacle principal. Quatre leviers se détachent :

• Politique d’établissement : sans mandat explicite, les initiatives restent invisibles ; l’acculturation de la gouvernance est prioritaire.
• Démarche graduée : démarrer avec un référentiel pilote démontre rapidement la valeur et rassure les équipes.
• Acculturation durable : la qualité des données est d’abord sociale ; elle s’obtient par le temps long, la rencontre des métiers et l’harmonisation des pratiques.
• Valeur démontrable : traduire la mutualisation des données en gains économiques, scientifiques ou humains aligne durablement les motivations.

Nombre d’intervenants ont souligné la nécessité d’un « chef d’orchestre » capable de fédérer services RH, bibliothèques, DSI et chercheurs, tout en préservant l’espace d’initiative indispensable à l’innovation. En premier lieu, l’État - seul en capacité d’assumer pleinement la fonction de Chief Data Officer, de porter une doctrine nationale, d’arbitrer les divergences et de valoriser la donnée à l’échelle du secteur - pourra dynamiser et amplifier les initiatives locales.

Conclusion : passer du discours à l’action

Structurer la circulation des données de la recherche n’est ni un luxe ni une option : c’est la condition d’une politique de gestion de la recherche éclairée et responsable. L’existence d’une offre logicielle comme SINAPS pour les référentiels, SIROCCO comme plateforme décisionnelle, n’est pas suffisante. Son succès dépend en effet d’une gouvernance claire, de processus maîtrisés et d’une culture partagée de la donnée. La table ronde2, organisée lors des Journées d’étude, a montré que l’intendance des données, humble et patiente, est un atout pour libérer le potentiel collectif et servir l’intérêt général.

SI recherche, pilotage et référentiels : le défi des données et des solutions

Simon Larger, directeur de l’Amue

L'Amue a connu des expériences plus ou moins heureuses de projets de gestion et de pilotage dans le domaine des SI Recherche (CRIS) du fait que les solutions informatiques ont souvent été priorisées avant de repenser l’organisation et ses référentiels. Tant que la complexité organisationnelle reste ce qu’elle est, le pilotage par la donnée suppose, d’une part, des données de qualité et convenablement référencées au travers d’identifiants pérennes, de standards internationaux et de normes et, d’autre part, des outils décisionnels robustes, ouverts, partagés et intégrés aux processus de gestion comme au reste du SI.

• Consulter la présentation : https://zenodo.org/records/15737115
• Consulter la vidéo de l’intervention : https://vimeo.com/1090478153