La BU de Leipzig se conçoit, à l’ère numérique plus que jamais, comme un « troisième lieu », ouvert sur la ville et le grand public.
Question : Quelles sont, aujourd’hui, les principales caractéristiques d’une bibliothèque universitaire ? Réponse : Elle offre des espaces pour les études et pour la recherche et, dans le même temps, accompagne la « troisième mission » d’une université : faire le lien avec le public.
Innovations et autonomie
Une bibliothèque universitaire sert non seulement la science, mais aussi la culture scientifique, et par conséquent la démocratie. C’est un espace libre de toute censure pour l’information et pour la formation de l’esprit critique, à plus forte raison dans l’ère numérique.
En ce qui concerne les innovations numériques, la bibliothèque universitaire (BU) de Leipzig favorise avant tout l’autonomie et l’intégration des utilisateurs. Elle s’est rendue indépendante des produits proposés par les opérateurs monopolistiques du domaine en développant et utilisant des technologies open source pour ses infrastructures informatiques.
De même que la bibliothèque doit en principe être ouverte à tous, elle donne à tous l’accès aux données et aux logiciels. Cette politique d’ouverture permet de connecter la bibliothèque avec des partenaires et d’autres réseaux qui fonctionnent de manière autonome.
Ainsi, la BU de Leipzig adopte le modèle de son université en tant que « troisième lieu », conformément à la tradition de Leipzig, ville d’échanges, et de son université cosmopolite. La BU a pris ses responsabilités et développé son potentiel pour participer pleinement à l’âge de la connectivité, avec une fonction sociale explicite, en tant que support du savoir et lieu d’échanges.
Aujourd’hui plus que jamais, les bibliothèques font partie de multiples réseaux. La BU de Leipzig s’implique activement dans des projets de coopération entre bibliothèques – au niveau local, régional, international. Elle utilise pour cela, dans la mesure du possible, des produits open source, ou développés par des organismes sans but lucratif. Pour ces développements, la BU compte sur le soutien financier des fonds fédéraux de la DFG1, des fondations scientifiques, de l’état de Saxe et, par cet intermédiaire, de l’Union européenne. Ses partenaires se trouvent à Londres, ou Stanford, Harvard, Berlin ou Dresde, pour n’en citer que quelques-uns.
Bibliotheca Albertina
Swen Reichhold
La bibliothèque, espace(s) de création
Les bibliothèques fournissent des espaces de création, des milieux protégés où le savoir est rendu accessible, utilisable, transformable et susceptible d’être diffusé. Cela représente une tâche de chaque jour, une réflexion permanente sur ce qui est fait.
Forte de la longue tradition qui l’accompagne depuis sa fondation en 1543, la BU de Leipzig se conçoit comme une institution de service pour les chercheurs et les étudiants, sur place et en ligne.
Actuellement, la BU répartit ses 2 500 places sur sept lieux différents dans la ville de Leipzig. Les plus emblématiques sont la « Bibliotheca Albertina », le plus grand et le plus ancien bâtiment – construit en 1891, entièrement réaménagé en 2002, ouvert tous les jours jusqu’à minuit et la « Campus-Bibliothek » – construite en 1973, entièrement réaménagée en 2009, ouverte 24h/24.
L’an dernier, deux nouveaux bâtiments ont été inaugurés : une bibliothèque de pédagogie et sports et une bibliothèque de médecine et sciences naturelles.
Outre des horaires d’ouverture très étendus et une offre variée de salles de travail, la BU de Leipzig propose à ses utilisateurs des services automatisés pour le prêt et le retour des documents. Elle n’impose ni contrôle à l’entrée ni dépôt des affaires aux vestiaires. La Bibliotheca Albertina dispose d’un café extrêmement populaire et de salles individuelles. Cet esprit de service est très apprécié à Leipzig.
La bibliothèque s’efforce de favoriser le débat public et les échanges au sujet des thèmes contemporains. Elle organise par exemple les « Coffee Lectures » qui, chaque semaine, proposent des workshops thématiques sur des sujets d’actualité en matière de rédaction et de travail scientifique, ou la « Longue nuit de l’écriture scientifique », organisée annuellement. Autre événement spécifique organisé depuis 13 ans : le « Thomasius-Club », qui, mensuellement, invite des auteurs scientifiques de renom pour une discussion avec le grand public sur leurs travaux.
Zone de travail à la « Campus-Bibliothek »
Swen Reichhold
L’indépendance à l’ère numérique
Grâce à des fonds en provenance de l’Union européenne (FEDER), la BU a, depuis quelques années, mis en place une nouvelle infrastructure technique, qui lui permet de rester indépendante des produits propriétaires. Ainsi, plusieurs nouveaux services2 ont été développés en interne en s’appuyant sur des solutions disponibles en open source :
- « finc », moteur de recherche dont l’infrastructure technique a été développée par la BU et dont la maintenance et les évolutions sont désormais assurés par une communautés d’utilisateurs regroupant 17 institutions allemandes. La principale innovation est liée à la gestion en interne et à la création d’un index utilisé pour rechercher les articles disponibles numériquement – soit plus de 120 millions de notices. Les outils libres les plus récents (comme Spotify Luigi) sont aussi utilisés.
- « amsl » : ce logiciel d’administration des licences de ressources électroniques est une des premières applications au monde du Linked Enterprise Data pour bibliothèques. Il permet la recherche et la recombinaison des ressources numériques dans l’outil de découverte.
- « adlr », cette plateforme développée à partir de « finc » constitue un service spécialisé dédié aux études en communication, medias et cinéma.
Ces outils innovants permettent d’offrir des services personnalisés. Ainsi, les livres nouvellement arrivés sont transmis directement aux utilisateurs, sans passer par la bibliothèque.
La BU s’est également engagée dans d’autres domaines d’activité, en utilisant l’open source et les standards ouverts. Ainsi, depuis 2016, des données ont été systématiquement liées avec des documents numérisés, selon les principes du Linked Open Data. Dans la perspective d’un portail national allemand pour les manuscrits, le standard IIIF3 et des outils de visualisation sont en cours de développement, au niveau international, ce qui permettra la consultation simultanée de copies numériques en provenance de sources diverses et favorisera le développement des humanités numériques.
Le papyrus Ebers, conservé à la BU de Leipzig, fait l’objet d’un site dédié
Montrer ses trésors
Au sein de l’ex Allemagne de l’Est (hors Berlin), la BU de Leipzig constitue la bibliothèque la plus riche en documents patrimoniaux, ses collections s’étant accrues dans d’importantes proportions au fil des siècles. Elle améliore constamment la description de ces documents, spécialement suite à leur numérisation.
Une large part des collections conservées à la BU est disponible en ligne : les collections de papyrus et d’ostraca4, les manuscrits médiévaux et orientaux5, les autographes6, les portraits7 et, bien sûr, des livres imprimés et des périodiques8. Certaines pièces, comme le Codex Sinaiticus (la plus ancienne Bible au monde) ont leur propre site web9, tout comme le célèbre papyrus Ebers10. La BU a demandé auprès de l’Unesco l’inscription au patrimoine mondial de ce traité médical, vieux de 3 500 ans, qui se présente sous la forme d‘un rouleau de 19 mètres de long.
Pendant ces quinze dernières années, la BU de Leizig a conduit une soixantaine de projets de catalogage, indexation, numérisation, la plupart grâce à des financements extérieurs, et tous en étroite collaboration avec les experts du domaine. Depuis une dizaine d’années, la BU gère un « Centre des Manuscrits »11, qui décrit et numérise essentiellement les manuscrits médiévaux, de Leipzig comme d’autres institutions allemandes. Enfin, le traitement et la numérisation de la collection de 83 000 monnaies est en cours12.
Une bibliothèque visible
La BU se conçoit non seulement comme une bibliothèque, mais également comme une institution culturelle13, et propose un calendrier bien rempli d’évènements et d’expositions. Sur les 50 expositions organisées depuis la restauration de la Bibliotheca Albertina, 30 d’entre elles ont fait l’objet d’un catalogue, toutes d’un site web spécifique14, à l’audience toujours croissante.
Au rez-de-chaussée de la Bibliotheca Albertina, d’autres services – de l’université ou de partenaires extérieurs – sont à disposition, ainsi que le café Alibi. Organisés régulièrement, conférences et débats établissent des passerelles entre la science et le public. Festivals, journées portes ouvertes… toutes les occasions sont bonnes pour ouvrir la bibliothèque aux étudiants et aux habitants de la ville de Leipzig. Il en est de même pour les réseaux sociaux, sur lesquels la BU est également très active.