Parlez-nous de vos fonctions actuelles ?
Je dirige la Bibliothèque cantonale et universitaire – Lausanne, une bibliothèque à la fois patrimoniale (en charge du dépôt légal pour le canton de Vaud), universitaire et grand public. Nous sommes actifs sur 6 sites, et coordonnons aussi plus de 100 bibliothèques scolaires vaudoises et, depuis 2 ans, le réseau vaudois des bibliothèques Renouvaud. Actuellement, la BCU Lausanne gère ainsi le plus grand ensemble bibliothéconomique de Suisse. Depuis juillet 2018, je préside aussi LIBER, la Ligue Européenne des Bibliothèques de Recherche.
Quelles sont les étapes qui vous semblent les plus importantes dans votre parcours professionnel ?
Je viens d’une famille d’ingénieurs et d’artistes, je veux comprendre cet univers, embrasser et exprimer sa beauté. C’est la seule logique de ma carrière, je ne serai jamais une spécialiste. J’ai commencé par étudier l’économie, car on y enseignait un peu d’informatique, mais je me suis rapidement rendu compte que les idées m’intéressaient plus que l’argent. Je me suis alors tournée vers mes passions : l’histoire ancienne, l’archéologie classique, l’égyptologie, l’assyriologie, l’hindouisme, le bouddhisme. Miracle, cela m’a permis de travailler, dans les années 1980, dans la publication scientifique. Comme je programmais un peu, je m’occupais des premières bases de données. Ce petit bagage informatique m’a servi ensuite pour monter les premiers projets de numérisation de photographies au Musée national suisse dans les années 1990, puis pour informatiser les Archives fédérales des monuments historiques au début du 21e siècle. Happée par le numérique, je suis alors retournée à l’université pour consolider mes connaissances en informatique, en parallèle à un temps partiel à la BCU Lausanne. Je suis devenue directrice de la BCU Lausanne avant de pouvoir terminer ces études. Cela dit, j’ai des sujets d’étude en attente pour dix vies.
A quand remontent vos premiers contacts avec l’Abes et dans quel contexte ?
La BCU Lausanne a toujours été très liée à l’Abes, car elle a été fournisseur de son SIGB au réseau SIBIL France qui a rejoint le Sudoc en 2001. Après la création du RERO (Réseau Romand) dans les années 1990, les chemins se sont séparés, la France a continué son chemin avec le logiciel CBS qui anime le Sudoc, mais les contacts ont perduré, notamment au niveau du Conseil scientifique de l’agence. Lorsque le canton de Vaud a décidé de quitter RERO en 2014, nos contacts se sont naturellement intensifiés. La BCU Lausanne a été chargée de réinformatiser le réseau Renouvaud pour 2016, et l’Abes savait qu’elle devrait accompagner la même démarche peu après. L’intérêt était donc réciproque. Par LIBER, je connaissais et estimais grandement feu Raymond Bérard. Quant à l’actuel directeur de l’Abes, David Aymonin, comme il a dirigé la bibliothèque de l’EPF Lausanne, nous avons fait les quatre cent coups ensemble en Suisse à l’époque héroïque de l’open access.
Quels défis majeurs, d’après vous, aura à relever l’Abes dans les prochaines années ?
La gestion et la création de valeur à partir des (méta)données est au cœur de la 4e révolution industrielle. Si les missions fondamentales de l’Abes restent d’actualité, voire prennent de l’importance, l’environnement et les métiers font, eux, face à des mutations rapides et radicales.
Les défis sont d’envergure : sur un certain nombre de fonctions, les systèmes cloud remplacent les anciens réseaux. L’Abes doit donc repenser les principaux services qu’elle veut offrir dans ce nouvel écosystème. Si le cloud, par l’agrégation des métadonnées, permet d’alléger grandement le catalogage, notamment des ressources numériques, les contraintes d’interconnexion et de mise aux normes qualité déplacent le travail d’une part vers la maintenance des vocabulaires contrôlés et des fichiers d’entités (les nœuds du Web sémantique), et d’autre part vers une urbanisation bien pensée des systèmes (qui constituent les arêtes du Web sémantique). Cette évolution est rude, pour l’Abes comme pour tous les acteurs. Mais l’Abes possède des compétences-clé pour contribuer pleinement aux deux volets de cette révolution.
Qu’appréciez-vous le plus dans votre métier ?
De travailler dans un environnement scientifique inspirant, d’y rencontrer des gens passionnés et passionnants et, avec eux, de tenter d’apporter une contribution à la construction du monde de demain.
Qu’est-ce qui vous énerve le plus ?
L’administration tatillonne, la langue de bois, lorsqu’on utilise les nouvelles technologies pour générer des processus qui n’améliorent pas ou nuisent même à la qualité de vie de la population.
Si l’Abes était un animal, ce serait ?
Un cheval Camargue. Solide, racé, crinière au vent.
Votre expression favorite
La vie est courte, faites ce qui vous passionne.