Des services numériques autour des fonds numérisés de la BNF : les « mille générations » de Gallica

DOI : 10.35562/arabesques.722

p. 12-13

Plan

Texte

Gallica apparaît aujourd’hui comme le prolongement des services offerts à l’usager autour des collections patrimoniales. Sophie Bertrand, chef du service « Coopération numérique et Gallica » à la BNF, fait le point sur les services et les projets en cours autour de cette bibliothèque numérique bien fournie, qui fêtera bientôt ses 20 ans.

La Bibliothèque nationale de France (BNF) a lancé au début des années 1990 la construction d’un bâtiment monumental, le site François-Mitterrand. Cette architecture symbolise notamment la volonté « [d’] être à la disposition de tous, [d’] utiliser les technologies les plus modernes de transmission de données, [de] pouvoir être consultée à distance (…) »1. Ambitieux projet dans lequel s’est inscrite tout naturellement Gallica. Aujourd’hui, cette bibliothèque numérique a presque vingt ans et propose plus de trois millions de documents2. Quelle image Gallica renvoie-t-elle des missions de la BNF ? Avec l’avènement de la médiation numérique, la BNF exploite de plus en plus les ressources numérisées comme une matière ductile. C’est là le gage de sa richesse et le moyen d’accompagner le processus d’appropriation de cet outil par l’usager. Baptisé « gallicanaute », ce dernier reste une inépuisable source d’inspiration pour évaluer et faire évoluer Gallica3.

Gallica, un réservoir de ressources numérisées du domaine public4

Lors d’une journée interprofessionnelle en 2014, un chercheur a fait un lapsus en qualifiant la bibliothèque numérique de la BNF de « déversoir » et non de « réservoir ». La masse de documents mis en ligne sur Gallica s’appréhende de deux façons paradoxales. Les tweets qui mentionnent Gallica illustrent bien cette ambivalence. En effet, la majeure partie des usagers louent la richesse de Gallica et la sérendipité qu’elle provoque :

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Ou bien encore

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D’autres évoquent les limites que crée une volumétrie croissante de documents hétérogènes :

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Certains le ressentent comme un handicap et savent l’exprimer avec spontanéité :

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La mise à disposition de contenus patrimoniaux numérisés ne serait donc pas une donnée suffisante pour satisfaire l’usager. D’une part, elle est le reflet de strates historiques des collections physiques nationales et le fruit de numérisations successives (les premiers documents de Gallica numérisés en noir et blanc et en mode image coexistent à côté de ceux numérisés en couleurs, haute résolution). D’autre part, leur hétérogénéité de traitement réalisé au fil des ans pour la numérisation et au fil des siècles pour le catalogage peut parfois entraîner du bruit (Gallica « déversoir ») ou du silence (Gallica « puits sans fond ») dans certains résultats de recherche. Les seuls fonds de la BNF sont estimés à 40 millions de documents et Gallica en expose moins de 10 %. Gallica n’a pas pour but l’exhaustivité des collections conservées à la BNF. Ce serait là se fixer un objectif illusoire et nier la réalité d’une bibliothèque, qu’elle soit virtuelle ou non. Cependant, des projets de coopération complètent des collections lacunaires mises en ligne et font découvrir des unica imprimés. Chaque ressource numérique nouvellement créée s’accompagne de balises descriptives durables, ce qui lui permet d’être visible sur le web. Il s’agit là d’un immense chantier et la preuve que Gallica, depuis son origine, s’inscrit dans les missions de la BNF.

Gallica, un tiroir à « double-fonds »

La diversité documentaire est une donnée majeure pour le service aux usagers. Gallica reste à ce jour l’une des bibliothèques numériques les plus foisonnantes puisqu’elle présente non seulement une partie des collections de la BNF mais aussi des corpus provenant de plus de 260 bibliothèques francophones5. Leurs documents sont visibles grâce à la prise en charge par la BNF de leur numérisation, au même titre et de la même manière que les propres collections de la Bibliothèque nationale, ou bien grâce à l’interopérabilité rendue possible par moissonnage. L’interopérabilité initie un cercle vertueux d’enrichissement mutuel des bibliothèques numériques. Cette technologie assure la diffusion numérique du patrimoine national écrit en créant une caisse de résonance sur la toile. La dimension collective de Gallica n’est pas anodine et permet de présenter des assemblages inédits de corpus. Elle offre le moyen de l’enrichir en se fondant sur des axes documentaires choisis et met en place tout un écosystème assurant le maintien et le développement du patrimoine numérisé. Par exemple, la numérisation des journaux officiels provient aussi bien des ouvrages conservés au département Droit, économie, politique de la BNF que de ceux confiés à la BNF par l’Assemblée nationale et le Sénat. Ils sont visibles dans des contextes différents : sur la page « Les essentiels du droit » dans Gallica6 et sur le site de la bibliothèque de l’Assemblée nationale qui propose une indexation spécifique avec des tables nominatives. Ce va-et-vient entre deux interfaces présentant les mêmes documents offre des alternatives méthodologiques de recherche : il assure une complémentarité des différents accès aux contenus mis en ligne. Par exemple, ces généalogistes amateurs du web que l’on nomme « généanautes » s’emparent de la diversité documentaire présentée sur Gallica pour mener à bien leurs recherches spécifiques. La troisième édition du Challenge AZ7 n’a fait que confirmer l’exploitation dynamique des ressources de Gallica par des blogueurs et sa dimension participative, comme l’illustre l’article publié sur le blog La Gazette des ancêtres : « (…) Gallica est le parfait compagnon de route du généalogiste (…) Bref, Gallica, c’est notre couteau suisse. »8

Future version de Gallica disponible en version bêta sur http://gallicalabs.bnf.fr

Future version de Gallica disponible en version bêta sur http://gallicalabs.bnf.fr

Gallica, aujourd’hui un service, demain un “couteau suisse” ?

La présence de Gallica sur les réseaux sociaux9, la création d’un blog10 pour être en contact avec les utilisateurs sont révélateurs : « Dans ce nouveau monde, la lecture [est] sociale et interactive.11 Observer les gallicanautes permet d’appréhender la dimension changeante du travail en ligne ainsi que ses niveaux d’interaction et de dialogues de plus en plus nombreux. C’est l’usager qui pousse de plus en plus Gallica à se définir comme un point de départ vers des jeux de réappropriation et non plus seulement comme un point d’entrée vers des ressources numérisées. La mise à disposition d’outils (lecteur et vignettes exportables, zoom) favorise les mises en valeur et les mises en perspective. Le patrimoine numérisé sert alors une pensée collective décloisonnée. La démarche ne se limite pas au domaine de la recherche universitaire. La diversité des acteurs s’accroît. Le phénomène des Do It Yourself12 ou bien l’ampleur des personnalisations ludiques comme le hashtag #MonBledDansCassini13 traduisent la diversification des publics. La grande aventure de la numérisation patrimoniale a permis d’offrir à l’usager une vitrine éblouissante des trésors des fonds nationaux. Gallica en est l’un des écrins techniques mais devient peu à peu un outil pour une interactivité croissante avec et entre les gallicanautes. Forte de ce constat, la BNF initie des projets innovants comme la correction collaborative de documents numérisés avec le projet CORRECT14. Dans un petit ouvrage intitulé Construire une maison, Jack London confie son exigence quant à l’habitat idéal : « Maison d’air, de soleil et de rire : ces trois éléments sont inséparables. » Il en est de même pour Gallica qui, telle une architecture sans murs, accueille des ressources diverses, ouvre des accès à la connaissance grâce à la médiation numérique et suscite auprès des usagers le détournement jouissif du patrimoine numérisé. « J’ai mille générations en moi » s’écrie Jack London, tout heureux de la conception de sa demeure. Telle pourrait être la devise de Gallica.

1 Propos cité par le Président de la République, François Mitterrand le 14 juillet 1988

2 Se trouvent dans Gallica : imprimés, presses et revues, manuscrits, iconographie, enregistrements sonores et prochainement images animées.

3 Exemple des développements des applications mobiles de Gallica pour répondre aux évolutions des pratiques. Voir le rapport de l’enquête sur les

4 À noter que s’ajoutent aux fonds libres de droits, des documents dont les droits ont été négociés par la BNF pour une diffusion libre et gratuite

5 Ce qui représente plus de 400 000 documents.

6 http://gallica.bnf.fr/html/livres/sources-legislatives-et-reglementaires

7 Lancé en 2013 par la généalogiste Sophie Boudarel, qui anime le blog La Gazette des ancêtres, le Challenge AZ encourage chaque année les « 

8 https://la-gazette-des-ancetres.fr/challengeaz-g-comme-gallica/ (article publié le 08 juin 2015)

9 Gallica est présent sur Facebook et Twitter

10 https://gallica.bnf.fr/blog

11 Anthony Grafton, La page de l’Antiquité à l’ère numérique, Hazan, 2015

12 http://blog.bnf.fr/gallica/index.php/2014/07/23/8-moyens-doccuper-ses-mains-avec-gallica/

13 Suite à la mise en ligne sur Gallica de la carte générale de France de Cassini en Haute Résolution, les gallicanautes ont cherché leur lieu de

14 https://www.bnf.fr/fr/professionnels/anx_numerisation/a.projet_correct.html

Notes

1 Propos cité par le Président de la République, François Mitterrand le 14 juillet 1988

2 Se trouvent dans Gallica : imprimés, presses et revues, manuscrits, iconographie, enregistrements sonores et prochainement images animées.

3 Exemple des développements des applications mobiles de Gallica pour répondre aux évolutions des pratiques. Voir le rapport de l’enquête sur les usages http://www.bnf.fr/documents/enquete_gallica_2011_rapport.pdf

4 À noter que s’ajoutent aux fonds libres de droits, des documents dont les droits ont été négociés par la BNF pour une diffusion libre et gratuite sur Gallica et des documents numérisés sous droits visibles sur Gallica intra‑muros

5 Ce qui représente plus de 400 000 documents.

6 http://gallica.bnf.fr/html/livres/sources-legislatives-et-reglementaires

7 Lancé en 2013 par la généalogiste Sophie Boudarel, qui anime le blog La Gazette des ancêtres, le Challenge AZ encourage chaque année les « généanautes » à publier quotidiennement, pendant un mois, un billet de blog concernant leur pratique de la généalogie.
https://la-gazette-des-ancetres.fr/

8 https://la-gazette-des-ancetres.fr/challengeaz-g-comme-gallica/ (article publié le 08 juin 2015)

9 Gallica est présent sur Facebook et Twitter

10 https://gallica.bnf.fr/blog

11 Anthony Grafton, La page de l’Antiquité à l’ère numérique, Hazan, 2015

12 http://blog.bnf.fr/gallica/index.php/2014/07/23/8-moyens-doccuper-ses-mains-avec-gallica/

13 Suite à la mise en ligne sur Gallica de la carte générale de France de Cassini en Haute Résolution, les gallicanautes ont cherché leur lieu de naissance sur ce document et publié leurs trouvailles :
https://storify.com/gallicabnf/ quand-les-gallicanautesjouent- avec-la-carte-de-ca

14 https://www.bnf.fr/fr/professionnels/anx_numerisation/a.projet_correct.html

Illustrations

Future version de Gallica disponible en version bêta sur http://gallicalabs.bnf.fr

Future version de Gallica disponible en version bêta sur http://gallicalabs.bnf.fr

Citer cet article

Référence papier

Sophie Bertrand, « Des services numériques autour des fonds numérisés de la BNF : les « mille générations » de Gallica », Arabesques, 80 | 2015, 12-13.

Référence électronique

Sophie Bertrand, « Des services numériques autour des fonds numérisés de la BNF : les « mille générations » de Gallica », Arabesques [En ligne], 80 | 2015, mis en ligne le 08 janvier 2020, consulté le 20 avril 2024. URL : https://publications-prairial.fr/arabesques/index.php?id=722

Auteur

Sophie Bertrand

Chef du Service Coopération numérique et Gallica à la BNF

sophie.bertrand@bnf.fr

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