Learning Centres : (vers) de nouveaux dispositifs d’apprentissage et d’acquisition des savoirs

DOI : 10.35562/arabesques.773

p. 20-21

Plan

Texte

De nouveaux services de formation et d’ e-learning ont fait leur apparition dans les bibliothèques, lesquelles se positionnent de plus en plus comme de véritables « centres de ressources pour l’apprentissage » ou Learning Centres. Aperçu de leur fonctionnement et de leurs enjeux, sous l’angle du modèle britannique.

Le 20e siècle semble déjà loin au regard des évolutions des espaces d’apprentissage physiques et numériques de l’enseignement supérieur. En ce temps, les rumeurs allaient bon train, prédisant que le « e-learning » (bien entendu précédé par la disparition du livre) annonçait la fin de l’université telle que nous la connaissons. Nos bonnes vieilles universités ont finalement survécu à l’arrivée du nouveau millénaire jusqu’à ce que leur mort soit de nouveau proclamée en 2011 avec l’avènement des Mooc1. Ces prédictions sont toujours loin de la réalité. En effet, en 2014, alors que les contraintes financières étaient très fortes, les universités du Royaume-Uni ont investi plus de £ 2 milliards dans leur parc immobilier (une augmentation de 9 % depuis 2011/2012)2. Le développement de centres d’apprentissage par Coursera, le plus important fournisseur de Mooc, a démontré que ce phénomène n’était pas spécifique au Royaume-Uni.3

Les learning centres : de nouvelles bibliothèques ?

Au cours de ces 20 dernières années, le parc immobilier des universités britanniques a donc bénéficié d’investissements massifs et les bibliothèques en ont été les premières bénéficiaires. En 1993, un rapport du gouvernement britannique4 recommandait une plus grande intégration des services associés aux bibliothèques et aux technologies de l’information ainsi qu’une offre plus importante de ressources numériques afin de faire face à l’expansion rapide du nombre d’étudiants. Plusieurs universités ont répondu par la construction de nouvelles bibliothèques connues notamment sous les noms de « Learning Centres », « Learning Resource Centres » et « Information Commons ». On citera deux exemples : le « Adsetts Learning Centre » de l’Université de Sheffield Hallam (1996)5 et le « Saltire Centre » de l’Université calédonienne de Glasgow (2006). L’intérêt de la France pour ces problématiques a été formalisé dans un rapport du gouvernement français en 20096. Le fait d’avoir repensé l’accès aux ressources pédagogiques et de l’avoir traduit dans l’agencement de l’espace a eu un impact positif, largement répandu dans l’enseignement supérieur au Royaume-Uni, sur l’acquisition du savoir et la pratique pédagogique. D’autres changements pour accompagner ces pratiques et doter les étudiants des compétences nécessaires pour intégrer le marché de l’emploi ont également émergé. Nous avons d’ailleurs d’excellents exemples de nouvelles bibliothèques (ou « Learning centres ») qui offrent aux étudiants un accès facile à toutes les ressources dont ils ont besoin. Ces contenus sont disponibles 24h sur 24 et 7j sur 7. Le wifi disponible sur place permet aux étudiants d’accéder aux ressources quand ils le souhaitent et de collaborer avec leurs pairs à partir de leurs propres périphériques ou d’équipements mis à disposition par l’université. L’environnement, confortable et accueillant, offre plusieurs espaces de travail selon les besoins – espace silencieux, espaces dédiés au travail en groupe, etc. On y trouve aussi des lieux de restauration ; beaucoup d’apprentissage informel se déroule dans ces espaces sociaux.

L’accès à l’information n’est plus une raison suffisante pour attirer les étudiants sur le campus. Ainsi, il est important de proposer de véritables lieux d’apprentissage « physiques » pour des activités pédagogiques qui ne peuvent se dérouler autrement qu’en présentiel.

De nouveaux défis

Alors que les « Learning Centres » sont maintenant conçus pour accueillir des pédagogies socio-constructivistes c’est-à-dire dynamiques, interactives ou basées sur la démarche de « résolution de problèmes »7, la configuration de beaucoup d’amphithéâtres et salles de cours a peu changé au cours des siècles. Cette organisation spatiale suppose un modèle de transmission particulier : une personne transmet des informations à un auditoire qui doit tout « absorber » au même rythme. La façon dont l’espace est configuré conditionne le mode d’enseignement. Ces lieux collectifs doivent être repensés selon les besoins des publics en matière d’apprentissage. Les nouvelles technologies devenues très mobiles et plus abordables offrent de nouvelles possibilités en matière de modèles d’apprentissage, lesquels encouragent les étudiants à être autant des créateurs que de simples consommateurs d’enseignements. La convergence entre le physique et le virtuel est un élément essentiel du développement des nouveaux espaces d’apprentissage.

Les amphithéâtres traditionnels demeurent utiles pour l’enseignement de masse et ils ont été bien souvent adaptés aux nouvelles méthodes d’enseignement : sièges pivotants pour permettre aux étudiants de se retourner et travailler en groupe, clickers8, etc. Grâce aux cours en ligne, le concept de « classe inversée » s’est également développé : les étudiants prennent connaissance du support pédagogique à l’avance et assistent au cours magistral pour interagir avec l’enseignant.

Les salles de classe sont également équipées pour le travail collaboratif : mobilier léger modulable qui permet de reconfigurer facilement l’espace, tableaux inscriptibles, etc. Les divers équipements sonores et de projection participent également de cette flexibilité du lieu.

Si l’espace physique peut ainsi offrir un meilleur environnement d’apprentissage, nous avons également besoin de concevoir des activités qui permettent aux étudiants de développer une approche centrée sur la « résolution de problème », une compétence dont ils auront besoin dans leur vie professionnelle. Dans les disciplines scientifiques par exemple, on s’éloigne des expérimentations basées sur des schémas prédéfinis (appliquer une formule pour aboutir à un résultat connu) pour encourager au contraire les étudiants à imaginer les expérimentations qui les conduiront à la réponse. En effet, c’est en cherchant soi-même la solution, et parfois, en commettant des erreurs, que l’on apprend le mieux. Les technologies jouent d’ailleurs un rôle majeur dans le développement de ces compétences, via des jeux ou des simulations vidéo, qui stimulent également les qualités relationnelles des étudiants.

Mais le débat autour d’un environnement physique favorable à l’acquisition du savoir va bien au-delà de l’espace d’enseignement formel. Les étudiants passent beaucoup de temps à « traîner » dans les couloirs. Actuellement, ces espaces ne sont pas propices à l’apprentissage. Par contre, avec une connexion internet (wifi) et quelques aménagements mobiliers simples, on peut valoriser un tel espace afin qu’il devienne également un lieu d’étude.

Saltire Centre, Norma Desmond

Saltire Centre, Norma Desmond

Flickr (CC BY NC SA 2.0)

Les services d’appui des établissements, acteurs majeurs du succès des « learning centres »

Les « Learning centres » ont du succès car les bibliothécaires, les informaticiens et les acteurs de l’ingénierie pédagogique collaborent afin de concevoir des espaces favorables à un apprentissage personnalisé et pour un public qui travaille de plus en plus en « autonomie ». Mais changer les pratiques traditionnelles d’enseignement n’est pas chose aisée, et il s’agit aussi d’aider les enseignants à franchir le pas, notamment pour se repérer dans ces nouveaux espaces. De même, beaucoup craignent que l’accès aux cours en ligne incite les étudiants à ne pas se déplacer sur le campus alors que l’expérience a pourtant tendance à montrer que les cours en présentiel, plus interactifs, restent bien suivis. Le changement concerne également les étudiants qui pourraient avoir à s’adapter à une démarche plus « interactive ». Le personnel des services d’appui de l’établissement et, notamment les bibliothécaires, peuvent utiliser leur expérience du passage au numérique et encourager des formes d’enseignement davantage socio-constructivistes afin d’aider tuteurs, enseignants et étudiants à s’adapter à ces nouvelles pédagogies.

S’il est vrai que des lieux clairement identifiés et dédiés à l’apprentissage, comme les bibliothèques, demeurent incontournables dans un cursus universitaire, nous avons également besoin d’une vision plus « holistique » et connectée du campus universitaire. Plutôt que des emplacements d’enseignement unitaires limités dans le temps et l’espace, nous pouvons d’ores et déjà réfléchir à l’usage de technologies et ressources numériques omniprésentes pour irriguer tout le campus. Ce serait alors un espace où un flot continu d’enseignements formels et informels s’écoulerait.

Pour en savoir plus

Pour en savoir plus, voir les chapitres rédigés par Gill Ferrell in Campus d’avenir : concevoir des espaces de formation à l’heure du numérique : http://multimedia.enseignementsup-recherche.gouv.fr/campusavenir/#2.

1 Le premier Mooc (massive open online course) était en fait un cours élaboré par Stephen Downes et George Siemens en 2008 et intitulé : Connectivism

2 http://www.aude.ac.uk/resources/ems/

3 http://blog.coursera.org/post/65596539008/introducing-coursera-learning-hubs-global

4 http://www.ukoln.ac.uk/services/papers/follett/report/

5 Bulpitt, G. (2010), Le modèle du Learning Centre in Bibliothèques d’aujourd’hui : à la conquête de nouveaux espaces, (Collection Bibliothèques)

6 http://media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/2009/33/6/Rapport_Learning_Centers_7-12_RV_131336.pdf

7 Problem based-learning dans le texte original.

8 Boîtier individuel de vote électronique, utilisé dans plusieurs techniques de pédagogie active.

Notes

1 Le premier Mooc (massive open online course) était en fait un cours élaboré par Stephen Downes et George Siemens en 2008 et intitulé : Connectivism and Connectivity Knowledge

2 http://www.aude.ac.uk/resources/ems/

3 http://blog.coursera.org/post/65596539008/introducing-coursera-learning-hubs-global

4 http://www.ukoln.ac.uk/services/papers/follett/report/

5 Bulpitt, G. (2010), Le modèle du Learning Centre in Bibliothèques d’aujourd’hui : à la conquête de nouveaux espaces, (Collection Bibliothèques) Éditions du Cercle de la librairie, 2010, p. 70.

6 http://media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/2009/33/6/Rapport_Learning_Centers_7-12_RV_131336.pdf

7 Problem based-learning dans le texte original.

8 Boîtier individuel de vote électronique, utilisé dans plusieurs techniques de pédagogie active.

Illustrations

Saltire Centre, Norma Desmond

Saltire Centre, Norma Desmond

Flickr (CC BY NC SA 2.0)

Citer cet article

Référence papier

Gill Ferrell, « Learning Centres : (vers) de nouveaux dispositifs d’apprentissage et d’acquisition des savoirs », Arabesques, 81 | 2016, 20-21.

Référence électronique

Gill Ferrell, « Learning Centres : (vers) de nouveaux dispositifs d’apprentissage et d’acquisition des savoirs », Arabesques [En ligne], 81 | 2016, mis en ligne le 31 juillet 2019, consulté le 19 avril 2024. URL : https://publications-prairial.fr/arabesques/index.php?id=773

Auteur

Gill Ferrell

Abes

gill@aspire-edu.org

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Traducteur

P. Pons

Abes

Droits d'auteur

CC BY-ND 2.0