Comment demander à Google ou à ses frères de nous trouver un « roman plutôt drôle et décalé avec un peu d’amour » ? La recherche plein texte ou sur les métadonnées n’est pas adaptée à ce genre d’interrogations et, pour y répondre, il a fallu faire un pas de côté et quitter le monde des mots pour entrer dans celui des sensations. Une démarche originale proposée par CultureWoK1.
La recherche sensitive change le paradigme de la recherche documentaire et prend le contre-pied des concepts, règles et pratiques de la bibliothéconomie et, en particulier, en ce qui concerne l’administration et l’alimentation des données. Pour autant, il ne s’agit pas de les opposer mais d’ouvrir l’éventail des possibles. Aujourd’hui, la technologie permet de passer d’un mode de recherche à l’autre, ouvrant ainsi de nouvelles portes.
Internet et « sensitivation » des données
La recherche sensitive est le fruit d’une réflexion sur nos facultés à faire des choix sur les objets du monde, monde qui nous constitue et que l’on constitue :
- comment trouver de l’information pertinente en ligne sans connaissance préalable alors que tous les moteurs de recherche actuels sont fondés sur des requêtes cognitives ?
- comment trouver de l’information sonore et visuelle pertinente alors que la plupart des moteurs de recherche actuels sont fondés sur des requêtes exclusivement linguistiques ?
- comment trouver ce que l’on ne cherche pas ? La « sensitivation » des données propose de répondre à ces trois questions fondamentales qui font actuellement l’objet de recherches approfondies, mais sont souvent posées séparément.
Dans ses dernières avancées, le web sémantique propose de favoriser un développement souple et horizontal, fondé sur l’intelligence collective et le partage des données entre tous. Pour autant, les problèmes que suscitent l’indexation d’un nombre exponentiel de données et l’accès à une information pertinente ne sont pas résolus. Cette amplification des échanges horizontaux, de la coopération ouverte, de la construction par collaboration et des réseaux sociaux demande une meilleure intégration des données linguistiques, visuelles et sonores et la prise en compte des dimensions affectives, sensitives, sensorielles, intersubjectives des choix individuels et collectifs.
Les recherches qui sont menées à l’heure actuelle ne prennent souvent en compte que l’une ou l’autre de ces pistes. Le WoK est le premier outil à travailler au développement parallèle de ces trois pistes. Plus on aura « sensitivé » de données, plus l’outil apportera un accès horizontal et sensuel aux savoirs et simplifiera/favorisera l’accès à des objets complexes en ne leurs déniant aucune de leurs dimensions. C’est l’ensemble des acteurs qui permet l’accès sensitif aux connaissances culturelles ou autres, la recherche sensitive n’est donc pas qu’algorithmique, mais, aussi et surtout, le fait de tous, remettant l’humain au centre de la machine.
Pour autant, il ne s’agit pas de faire un choix entre recherche sensitive et documentaire. Toutes deux répondent à des besoins différents : la première est un outil de médiation culturelle, basée sur la subjectivité, alors que la seconde se doit de décrire l’intégralité d’un fonds et de son contenu le plus objectivement possible. Cette approche différente change la donne pour le travail d’alimentation et d’administration des données.
La sobriété heureuse
À l’aune de leur expérience en matière de catalogue, beaucoup s’inquiètent de l’ampleur de la tâche pour mettre en place un WoK. Dans ce cas, l’utilisateur ne recherche pas un document précis mais un objet quelconque, qu’il ne connaît pas encore mais qui répond à ces envies et humeurs du moment. Dans ce contexte, il n’est pas nécessaire, et serait même contreproductif, de vouloir mettre dans un WoK l’intégralité des documents. La condition nécessaire pour « sensitiver » un objet est d’abord qu’il ait ému personnellement le « sensitiveur » et donné l’envie de partager ce ressenti. Dans une logique de proposition, il suffit de quelques réponses pour satisfaire une demande. On est donc plus dans une logique qualitative que quantitative, l’expérience montre qu’un WoK est efficace avec seulement quelques centaines d’objets.
En recherche documentaire, il faut que l’utilisateur repère rapidement l’objet qu’il recherche dans une liste de résultats. Pour présenter d’abord ceux que l’on pense correspondre le mieux à une demande, on va construire des calculs de pertinence, des mécanismes de tri et des critères de classement sans parler des considérations commerciales mises en place par les grands moteurs de recherche. Les données nécessaires à ces opérations vont devoir être disponibles, organisées et maintenues. Si l’on assume le parti pris de la subjectivité, toutes les réponses se valent. Comment décider que le ressenti d’un individu est plus pertinent qu’un autre ? En se plaçant dans une logique de proposition, il n’est pas nécessaire d’obtenir de nombreuses pages de résultats. Sur CultureWoK, si la requête retourne beaucoup de réponses, on en présente seulement 24 et la requête pourra être rejouée pour en obtenir d’autres. Pour présenter une réponse, on ne peut se contenter de l’image de la couverture du document, il est donc nécessaire de disposer de données bibliographiques minimum : sur CultureWoK, seuls l’image de couverture, le titre, l’auteur et le résumé ou synopsis sont obligatoires. Il faudra donc rentrer ces données, mais il n’est pas nécessaire de disposer de mécanisme de gestion d’autorités. Chaque notice est vue individuellement et à seul titre descriptif.
La recherche documentaire impose que les référentiels soient correctement organisés et respectés, avec un nombre d’entrées pour chaque vocabulaire ou type d’autorité qui se chiffre en centaines de milliers ou millions. La recherche sensitive, elle, se contente d’une dizaine de critères sensitifs et autant de critères catégoriels par type d’objet avec cinq valeurs possibles pour chacun. Cela suffit amplement pour indexer un nombre potentiellement infini d’objets.
Un espace naturellement collectif
Chaque établissement dispose d’un mini site personnalisé représentatif de sa sensibilité et sous ensemble du site global organisé sous forme arborescente. Les recherches portent sur les objets « sensitivés » du WoK et de ses sous-WoK : une recherche sur CultureWoK se fait sur l’intégralité du site, mais une recherche sur le WoK de la médiathèque de Mérignac, par exemple, sera restreint aux objets de l’espace, fonctionnant ainsi comme un filtre, basé uniquement sur les contributions des professionnels et de lecteurs parrainés par la médiathèque. La géolocalisation des établissements permet de proposer les lieux, médiathèques ou librairies, les plus proches du poste de l’internaute pour les objets trouvés.
Avec les services web et le système de la double publication, les objets sont créés et « sensitivés » sur le système de gestion de l’établissement avant d’être « poussés » sur le site CultureWoK. La recherche peut se faire indifféremment sur l’un ou l’autre site et chacun présente les objets tels qu’ils sont dans leur environnement. Ce fonctionnement de type catalogue collectif se fait naturellement sans travail supplémentaire pour les établissements : catalogage et localisation centralisés puis distribution des informations vers le local sur le modèle du Sudoc ou agrégation de catalogues locaux comme cela se pratique dans les établissements de lecture publique. La « sensitivation » se fait au niveau de l’établissement et profite de fait aux WoK plus généraux.
Ce n’est pas parce qu’un WoK est facile à mettre en place et que son administration est réduite qu’il faut en déduire qu’il peut remplacer le catalogue. Les recherches sensitives et documentaires offrent des services complémentaires avec une approche différente. Il serait cependant dommage de se contenter de les juxtaposer, alors qu’en les hybridant elles améliorent leurs mécanismes de recherche respectifs.
Un WoK en BU ?
Simplicité d’usage ne veut pas dire pauvreté des contenus. Dès sa genèse, notre moteur d’indexation et de recherche a été pensé pour traiter des objets complexes et hétérogènes. Si une de ses expressions, qui est le CultureWoK, est très généraliste dans l’accès aux connaissances, notre outil s’adapte également à des usages spécifiques.
Ainsi, s’agissant des bibliothèques universitaires, le WoK permettrait par exemple :
• pour les chercheurs de créer un outil d’indexation et de recherche, avec leur propres critères et données, de manière simple, leur assurant la qualité des objets proposés à la recherche (tous types : écrits, visuels, sonores...) ;
• le maillage et l’enrichissement entre établissements partageant un domaine de connaissance qui pourraient utiliser des mêmes espaces de critères ;
• la possibilité de créer des « méta-WoK » permettant d’établir des liens transversaux entre les disciplines.
L’outil offrirait ainsi aux étudiants et chercheurs un accès simplifié à des données fiables et un panel plus ample de réponses et d’ouvrages pour une seule requête.
À l’heure où, captée par quelques algorithmes, l’indexation des données échappe à tous, le WoK replace le détenteur/diffuseur des connaissances au centre de la machine.
Pour en savoir plus
Rendez-vous sur le site http://www.CultureWoK.com et son blog pour visiter les WoK de nos partenaires : des bibliothèques municipales (Saint-Médard-en-Jalles, Orthez, Mérignac, Bègles, Pessac, Saint-Jean-de-Luz, Seyssinet Pariset, Saint-Herblain…), la BDP de la Gironde, des librairies (La Machine à lire), BD Fugues Bordeaux, Le Castor Astral éditeur, l’Agence régionale du livre Provence-Alpes-Côte d’Azur… et, comme « Perdu ? Retrouvé ! », quelques WoK privés de passionnés.