À l’invitation de l’ADBU, l’Abes a présenté la stratégie de l’Agence et ses grands projets lors de la journée d’étude « Réinformatiser à l’heure du SGBM » (Bulac, le 20 février 2014). Aperçu des débats par une correspondante Sudoc…
En ouverture, Grégory Miura (ADBU, commission Signalement et système d’information) s’attache à montrer que, au-delà de l’aspect apparemment technique de la réinformatisation, les répercussions sont profondes et le dossier plus complexe qu’il n’y paraît. Pour des établissements en réseau, multipolaires, aux cultures techniques diverses et à l’autonomie renforcée, l’Abes apporte une dimension structurante, une force en recherche et développement qui manque à beaucoup. Les systèmes intégrés de gestion de bibliothèque (SIGB), conçus dans les années 90, sont à bout de course et doivent être repensés, notamment pour faire toute leur place aux ressources numériques. De nouveaux produits apparaissent, mais conçus pour un usage international et un fonctionnement dans le nuage. Ils demandent aussi rationalisation et réorganisation des services. Il faut capitaliser sur le réseau existant, co-construire des solutions permettant des trajectoires variées concourant aux objectifs de modernisation.
Le projet SGBM dans son contexte
Jérôme Kalfon, directeur de l’Abes, a resitué le projet SGBM. Insistant sur les profondes mutations à l’œuvre, il a souligné que le niveau de l’établissement n’est plus adapté aux besoins. Il faut mutualiser et l’Abes doit accompagner ce mouvement. Le Sudoc est le socle solide de l’Agence, socle dont les outils arrivent à bout de souffle. Les évolutions doivent s’attacher à la pérennité des données, dans toute leur richesse, en maintenant les services associés. Le projet SGBM reste un projet phare pour l’Abes, mais le Sudoc et les établissements ont un rythme d’évolution différent. C’est donc surtout l’expertise qu’il faut mutualiser et viser la compatibilité. Les métadonnées en sont l’élément fondamental : les outils changent, les données restent. Il faut découpler données et outils pour garder autonomie et ouverture.
C’est déjà l’esprit du projet hub de métadonnées : retraiter les données pour les placer enrichies, fiables, dans l’espace public. Il s’agit d’améliorer le signalement de la documentation électronique, de faciliter le travail des catalogueurs pour le faire évoluer vers une mission d’acquéreur ou de gestionnaire de métadonnées. La coopération internationale devrait permettre de garantir l’indépendance vis-à-vis des prestataires. Autre projet complémentaire : Bacon, encore au stade prototype d’une base de connaissance qui devra être ouverte à tous et jouer un rôle d’appui pour les outils de découverte et leurs résolveurs de liens. Beaucoup de choses restent à définir, notamment pour les circuits de travail et la répartition entre service central et travail partagé.
En conclusion, J. Kalfon souligne que la démarche projet de l’Abes est aussi en évolution : d’un rôle décisionnaire où prédomine la tutelle, elle est passée à un rôle d’accompagnement où prédomine la volonté des établissements.
Un chantier dans tous ses états
C’est au tour de Jean Bernon, chargé de mission SGBM, de faire le point sur le projet en cours. Le blog, créé au lancement du projet en mai 2012, a apporté chaque mois des informations jusqu’en juillet 2013. Puis, les sites pilotes ont remplacé le comité technique et le blog s’est tu jusqu’en décembre où un billet est venu apporter quelques réponses à des interrogations importantes du réseau, mais surtout rappeler, qu’à la rentrée 2013, deux groupes avaient été constitués : l’un traitant des aspects locaux, l’autre de la production de métadonnées et du catalogage partagé. Puis, silence à nouveau, si bien qu’en ce 20 février les attentes étaient fortes. Mais le temps imparti à cette présentation ne fut pas vraiment à l’échelle de ces dernières.
J. Bernon n’a donc pu que suggérer la richesse des interrogations suscitées par les travaux du groupe SGBM. Rappelant les objectifs du projet, il a indiqué l’état du calendrier pressenti avec les principales dates clefs : avril 2014, pour la remise du rapport final par le cabinet Pléiade, retenu pour accompagner J. Bernon dans la coordination des travaux sur le catalogage partagé, avec état des lieux des évolutions, objectifs et préparation d’un programme fonctionnel ; début 2016, pour l’amorce de la migration des sites pilotes. Les objectifs stratégiques ont été rappelés : moderniser et mutualiser les systèmes locaux ; les articuler avec le Sudoc en renforçant la cohérence entre données locales et nationales.
Puis, grande nouveauté : aux trois scénarios évoqués en 2013, se sont ajoutées de nombreuses variantes inspirées de projets similaires dans d’autres pays (Allemagne, Pays-Bas, Suède), sans toutefois plus de recul que le projet français. C’est notamment le projet allemand, CIB (Cloud Based Infrastructure for Library Data) qui semble séduire. Il présente lui-même des variantes puisque plusieurs SGB mutualisés pourront partager des données avec un ou plusieurs espaces de données nationales (Data Pool National). Mais la situation de départ n’est pas la même : l’Allemagne compte six réseaux nationaux et l’objectif est de les regrouper en un ou deux ensembles. Plusieurs formules sont évoquées : espace de données partagé par un groupe de bibliothèques dans un réservoir international ; plusieurs espaces de données ; espace national où stocker les données françaises et ajouter des services qui ne seraient pas disponibles dans les systèmes retenus.
Parmi les nombreuses questions venant de la salle, une interrogation sur l’ouverture en direction de solutions libres et une autre sur l’intérêt des « piscines locales de données », reflétant pour une part l’inquiétude quant à l’avenir du Sudoc. En réponse, l’interopérabilité est bien un objectif majeur. Les prochaines vagues mutualisées se feront peut-être autour d’autres solutions, certaines d’entre elles pourraient être en open source. Quant au catalogage partagé, il est bien toujours visé mais quelle sera sa proportion au fil du temps ?
Quid du catalogage partagé ?
Marianne Giloux (département du service aux réseaux, Abes) revient sur les évolutions du réseau de catalogage et rappelle l’existence de plusieurs plateformes avant 2000. Le Sudoc a alors été mis en place pour arriver, aujourd’hui, à un réseau de 168 établissements. La valeur ajoutée est incontestable, tant en termes de données que de culture et règles communes. Ce réseau est-il menacé ? Points forts et points faibles sont rapidement passés en revue, différents scénarios d’évolution évoqués. La réflexion n’est pas terminée, mais, à nouveau, ce qui doit rester au cœur des préoccupations, ce sont les données. Garder le bon niveau de granularité, pouvoir les manipuler en fonction des besoins, créer des liens entre elles, les intégrer au web de données, garder des données d’autorités indépendantes des systèmes locaux. Outre le choix entre un ou plusieurs réservoirs, le gros changement par rapport à la solution Sudoc serait l’inscription des données dans un cloud international et commercial. C’est un des éléments qui nécessite une vigilance particulière.
Les échanges lors de la table ronde de clôture réunissant des représentants de différents groupes de travail (SGBM, Bacon) et des établissements déjà en cours de réinformatisation ont montré une belle diversité de points de vue complémentaires.
En conclusion, il semble bien qu’avec l’autonomie des établissements, les contraintes budgétaires et les marchés publics, une bascule vers un seul SGBM pour tous ne soit pas envisageable à court terme. J. Kalfon a réaffirmé que l’Abes ne devait plus raisonner avec un seul réseau, mais travailler avec les choix des établissements. Ce sera à elle d’assurer une continuité nationale. Voilà un nouveau défi pour une jeune Abes de tout juste 20 ans !