D’aval en amont

DOI : 10.35562/arabesques.983

p. 3

Index

Mots-clés

éditorial

Texte

Image

L’exposition des données de la recherche va bouleverser, encore plus profondément que le basculement de la documentation du papier vers l’électronique, les métiers des bibliothécaires et des documentalistes. Plutôt que de traiter l’information une fois produite, ils seront amenés à intervenir en amont du processus de publication.

Ce processus est en marche. Ainsi pour les thèses, les bibliothécaires ne se contentent pas d’enregistrer, indexer et diffuser. Ils accompagnent le doctorant dans le processus de production de sa thèse. Ils apportent leurs compétences en proposant des outils de structuration des documents afin que leurs métadonnées soient exploitables, conseillent les doctorants en matière de droits d’auteur et les assistent dans leurs recherches documentaires.

Avec les données de la recherche, un pas supplémentaire est franchi. La maintenance de référentiels, le respect de normes sont des éléments indispensables pour les gérer et les valoriser. Pour qu’elles soient réutilisables, il est aussi nécessaire de documenter le contexte de leur production. Le travail du professionnel de la documentation et celui du chercheur s’en trouveront intimement liés, imbriqués. Ainsi, au moment même où, avec le recul du papier, les centres de documentation tendent à disparaître des laboratoires, des spécialistes de l’information sont invités à y retourner pour participer à la construction de nouvelles connaissances. Il faut pour cela qu’ils soient acceptés, que leur faculté à intervenir dans ce nouveau champ soit considérée comme légitime.

Ils auront pour cela besoin de compétences de plus en plus pointues afin d’acquérir et enrichir les métadonnées, nettoyer les données pour les rendre réutilisables, participer à leur exploitation sémantique ou procéder à l’extraction de connaissances. Database curator, data librarian – l’équivalent français pour ces termes n’est pas entré dans les usages–, il s’agit quasiment de nouveaux métiers que bibliothécaires et documentalistes sont bien placés pour assumer si, et seulement si, d’ambitieux plans de formation continue sont menés.

Le difficile et âpre combat pour l’accès ouvert aux publications connaîtra peut être une issue favorable du fait même de l’ouverture des données. L'un des avantages de l’exposition des données de la recherche sur les publications scientifiques, c’est qu’il n’y a pas de modèle économique préexistant. Il n’y a pas à gérer de transition du papier vers l’électronique. Il n'y pas (ou peu) d'acteurs qui s’en soient (encore ?) approprié les droits exclusifs pour en faire un centre de profit. Les principes de fonctionnement sont en cours de construction et la communauté scientifique internationale doit garder la main.

Il y a peu, et dans certains domaines encore, les données expérimentales étaient considérées comme la propriété de celui qui les avait produites. Que ce soit le G8, les financeurs de la recherche, la communauté scientifique internationale, tous s’accordent sur l’indispensable ouverture des données de la recherche. Elle s’inscrit dans un contexte plus large d’ouverture des données publiques en général. Cette volonté n’obéit pas à un principe généreux, à une volonté de gratuité telle que l’on peut la connaître dans la lecture publique. Elle répond à un besoin fonctionnel, pratique. Sans ouverture, pas de possibilité d’assemblage, de réutilisation, de construction de nouvelles connaissances.

Les pratiques, en la matière, ont devancé le droit. Il faudra probablement légiférer, mais il s’agira là d’une tâche complexe car elle ne peut être menée que dans une perspective internationale.

L’exposition des données est l’occasion de remettre les choses à leur juste place : le principe de la libre circulation des idées et des informations est la règle ; la propriété intellectuelle, qu’il s’agisse du droit d’auteur, du copyright ou des brevets, l’exception. Une exception nécessaire, et circonscrite dans le temps, pour permettre à l’auteur une juste rémunération de son travail, mais une exception dont il ne faut pas abuser.

D’aval en amont, la pente est parfois raide. Mais que de riches et passionnantes perspectives ! Elles nous incitent à aborder avec optimisme l’année 2014, une année que l’ensemble des équipes de l’ABES vous souhaite belle et heureuse.

Illustrations

Citer cet article

Référence papier

Jérôme Kalfon, « D’aval en amont », Arabesques, 73 | 2014, 3.

Référence électronique

Jérôme Kalfon, « D’aval en amont », Arabesques [En ligne], 73 | 2014, mis en ligne le 22 août 2019, consulté le 20 avril 2024. URL : https://publications-prairial.fr/arabesques/index.php?id=983

Auteur

Jérôme Kalfon

Directeur de l’Abes

Autres ressources du même auteur

Articles du même auteur

Droits d'auteur

CC BY-ND 2.0