Une rigueur et une humanité dans la recherche

DOI : 10.35562/canalpsy.1037

p. 14

Texte

Je souhaite retracer le parcours, le « bout de chemin » que j’ai parcouru avec Monsieur Ménéchal.

Je rencontre Monsieur Ménéchal en licence, dans son TD de psychopathologie adulte. J’apprécie tout de suite sa culture, sa rigueur, sa disponibilité avec les étudiants et sa grande ouverture d’esprit. Ses cours me donnent une base solide et vivante qui constitue aujourd’hui des repères dans mon travail clinique. Des paroles résonnent encore fortement en moi : « quand vous lisez un cas clinique, partez de ce que vous ressentez, de ce que cela vous fait vivre ». Ces mots prennent tout leur sens lorsque je rencontre des patients psychotiques lors de stages en hôpitaux psychiatriques.

C’est ainsi que, tout naturellement, je choisis Monsieur Ménéchal comme directeur de recherche en maîtrise. Ma recherche se centre sur le travail de collage d’adultes psychotiques. Tout au long de ce parcours, je me sens soutenue, épaulée par Jean Ménéchal qui porte sur mon travail une attention, un regard bienveillant. La clinique et principalement la méthodologie sont mises au travail avec une grande rigueur. Au cours de nos discussions, il m’encourage à aller au bout de mes opinions, de mes remarques et me permet ainsi d’aiguiser mon esprit critique.

Ces deux années, sous sa direction, sont décisives pour ma future orientation. À la fin de la maîtrise, je souhaite entrer en DESS et il me fait entrevoir la possibilité de continuer mon travail sur le collage en DEA. Lors d’un déplacement en voiture, il me propose d’intégrer son groupe de recherche sur l’hyperactivité infantile et de travailler avec ces enfants en utilisant la médiation du collage. Ce Groupe de Recherche sur l’Approche Psychopathologique de l’Hyperactivité Infantile et son Traitement (GRAPHIT), que Jean Ménéchal a créé en 1997 comprend des psychologues, psychiatres et des étudiants chercheurs. Il est le fruit d’une collaboration entre l’Université Lumière Lyon 2, les Centres Hospitaliers Spécialisés de St-Jean-de-Dieu et de St-Cyr-au-Mont-d’Or.

Il me donne envie de faire de la recherche et devient mon directeur en DEA. Mon travail se centre particulièrement sur l’étude de la capacité de rêver chez l’enfant hyperactif, par le biais du collage. Dans son souci habituel de rigueur scientifique, nos discussions portent principalement sur les questions méthodologiques : les outils, le dispositif.

Cette méthodologie, discutée, travaillée avec Jean Ménéchal durant l’année de DEA reste la base de mon travail actuel de doctorat, même si elle s’affine, se transforme, se modifie en avançant dans la recherche. Il devient mon directeur de thèse durant une année au cours de laquelle je l’ai peu rencontré, du fait même de l’évolution de sa maladie.

C’est l’aspect méthodologique de ma recherche que je souhaite succinctement présenter.

L’hypothèse principale tourne autour d’une défaillance de la capacité de rêver chez l’enfant hyperactif qui se traduirait dans le collage par une difficulté à travailler avec les images, à se créer un monde imaginaire.

Cette dimension imaginaire est travaillée au regard d’une approche groupale. Le dispositif de recherche mis en place comprend des groupes témoins (enfants hyperactifs) et groupes contrôles (enfants non-consultants) qui participent à un atelier de collage. Des tests projectifs (Rorschach et Tat) sont également passés, auprès de chaque enfant hyperactif, avant le commencement et à la fin du groupe de collage. Tous les enfants sélectionnés dans le dispositif de recherche ont entre 6 et 8 ans. Les séances sont filmées par une caméra vidéo. Cela me permet de faire une retranscription des séances en prenant en compte aussi bien le niveau verbal que non verbal. Mais, je prends également des notes en fin de séances, pour essayer de mettre en mots et de mettre des mots sur ce que j’ai pu ressentir, sur ce que les enfants me donnent à voir, à entendre.

Ainsi, lors des séances je m’interroge sur les différentes interactions groupales et sur la construction des collages par chaque enfant. J’ai ainsi construit une grille de lecture des collages qui prend en compte la dimension, imaginaire, psychique, relationnelle et les modalités d’approche des images par les enfants des groupes contrôles et témoins. Cette grille me permet de rendre compte de l’évolution des comportements, du travail de collage des enfants au fil des séances.

Sa pensée demeure ainsi présente dans ma recherche sur l’hyperactivité infantile que je poursuis dans le cadre du groupe GRAPHIT. Ce programme de recherche a d’ailleurs donné lieu au dernier ouvrage qu’il a dirigé : l’hyperactivité infantile. Débats et enjeux (2001), auquel je lui suis reconnaissante de m’avoir demandé de participer et qui reste comme un héritage.

Je garde de Monsieur Ménéchal un souvenir ému de son humanité qui transparaissait dans son regard et son sourire bienveillants. Ses conseils continuent à m’accompagner dans ma pratique et mon travail clinique.

Citer cet article

Référence papier

Alexandra Rogelet, « Une rigueur et une humanité dans la recherche », Canal Psy, 53 | 2002, 14.

Référence électronique

Alexandra Rogelet, « Une rigueur et une humanité dans la recherche », Canal Psy [En ligne], 53 | 2002, mis en ligne le 03 novembre 2020, consulté le 03 août 2025. URL : https://publications-prairial.fr/canalpsy/index.php?id=1037

Auteur

Alexandra Rogelet

Doctorante en psychopathologie et psychologie clinique, CRPPC, Université Lumière Lyon 2

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