Amandine Dhée, La femme brouillon

p. 40

Référence(s) :

Amandine Dhée, La femme brouillon, Lille, Éditions La Contre Allée, « La sentinelle », 2017.

Texte

« Je lui en veux. Et j’ai peur. Ma vie va-t-elle ressembler à un album de Petit Ours Brun ? »

Bien que cela ne soit pas, à proprement parler, une lecture psychanalytique, je chronique cet ouvrage sur la maternité qui m’a été chaudement recommandé. Ce livre a touché, chez moi, la lectrice, la femme, la romancière, mais également la clinicienne qui rêverait de laisser traîner cette petite pépite dans sa salle d’attente… mais qui ne le fera pas de crainte d’inhiber la parole singulière de ses patientes.

C’est donc une délicieuse surprise que cette Femme brouillon. La narratrice, féministe et engagée, fait le récit de sa grossesse et de la naissance de son premier enfant. « C’est vrai que j’étais bien partie. Petite fille, j’ai longtemps joué avec un nouveau-né en plastique et sa petite baignoire jaune. Les femmes étaient des mamans, c’était simple. Mais j’ai trop vu ma propre mère dégringoler. Une fois sortie de l’enfance trouée, hors de question de se reproduire. »

L’écriture est tranchante, efficace, au plus près du réel de la chose. L’auteure déploie l’ambivalence et l’inquiétude de devenir mère pour qui a eu affaire à une mère fragile ou défaillante : « Je croyais avoir tourné la page. Si heureuse de ce tour de passe-passe qui transformait ma mère en inoffensive grand-mère et me débarrassait de l’enfance une bonne fois pour toutes. […] Je sens du vide derrière moi. Comment moi mère ? Je m’en cherche partout, m’empare des femmes que j’aime et me fabrique des mères de secours. »

Avec une grande justesse de ton (j’ai envie d’écrire : une grande justesse clinique), elle dit le désarroi qui la saisit dans cette vie qui se construit à trois et combien, avec la maternité, son histoire revient sur le devant de la scène…

« Il paraît que lorsqu’on a des enfants, on pardonne à ses propres parents. C’est faux. Je lui en veux encore plus. Chaque fois que je donne, je me souviens que j’ai manqué. »

Et de constater, avec lucidité : « C’est peut-être ça, être mère. Consoler le bébé de ses propres chagrins. » Plus loin, elle ajoute : « Le meilleur moyen d’éradiquer la mère parfaite, c’est de glandouiller. […] Le jour où je refuse d’accompagner père et bébé à un déjeuner dominical pour traîner en pyjama toute la journée, je sens que je tiens quelque chose. »

Amandine Dhée, auteure de plusieurs titres aux éditions La Contre Allée, signe là un ouvrage remarquable de délicatesse et de pudeur. À lire et à offrir autour de soi.

Citer cet article

Référence papier

Françoise Guérin, « Amandine Dhée, La femme brouillon », Canal Psy, 122 | 2018, 40.

Référence électronique

Françoise Guérin, « Amandine Dhée, La femme brouillon », Canal Psy [En ligne], 122 | 2018, mis en ligne le 09 avril 2021, consulté le 29 mars 2024. URL : https://publications-prairial.fr/canalpsy/index.php?id=1891

Auteur

Françoise Guérin

Psychologue clinicienne

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