Nous considérons qu’il y a une évolution de la psychologie sociale contemporaine au moins à trois points de vue.
- Du point de vue sociologique, on constate un élargissement de son champ d’études, du groupe à l’institution et, dans cette redécouverte du concept d’institution, l’accent est plus mis sur l’instituant que sur l’institué. Il en découle une pratique de l’intervention et une réflexion renouvelée sur les acteurs de la vie sociale.
- Du point de vue psychologique, plus précisément psychanalytique, on décèle un retour à Freud et, pour certains, un recours à Lacan. Une des conséquences en sera une insistance sur l’interprétation plus que sur l’expression. Par ailleurs, l’intérêt porté aux travaux de Winnicott, en particulier la notion d’espace potentiel, débouche sur les études concernant la transitionnalité, la transformation culturelle et sociale, enfin, de manière plus générale, tout ce qui a trait aux changements.
- Du point de vue idéologique, en réaction à une psychologie sociale américaine qui a surtout recherché l’intégration de l’individu au groupe et son adaptation aux normes, la psychologie sociale, sous l’influence des courants anti-autoritaires, a retrouvé les aspirations et utopies des précurseurs et fondateurs des sciences humaines.
La psychologie sociale a tracé les contours d’un nouvel espace d’étude que nous appellerons le champ symbolique, qui donne sens au trajet individuel et au projet social. En tenant ferme les deux bouts de la chaîne, la psychologie et la sociologie, la psychologie sociale a un beau champ d’étude : l’espace symbolique, avec ses aspects sémiotiques et linguistiques, en passant éventuellement au préalable par une psychopathologie de la vie sociale.
La psychopathologie sociale se présente comme une branche à part de la psychologie, à l’intersection de la psychologie clinique et de la psychologie sociale, dont elle utilise les concepts et les méthodes. En un mot, l’étude psychologique, clinique et sociale, d’individus ou de groupes, perturbés dans leur équilibre antérieur, éclaire tout à la fois sur les causes personnelles et sociales de la crise et sur les possibilités de la résoudre. Dans le même temps, cette analyse peut permettre de prévoir l’évolution des autres éléments du même ensemble, pour lesquels il n’y a pas eu de changement ou, en tout cas, pour lesquels le changement n’a pas engendré de déséquilibre.
Au sein des sociétés mouvantes, où il devient chaque jour plus difficile de distinguer le normal et l’anormal, tant sur le plan individuel qu’à l’échelle des groupes, la psychopathologie sociale, discipline des temps incertains, peut nous éclairer. Ce qui apparaît comme anormal n’est plus mis au rebut de l’histoire, individuelle et collective, mais permet, au contraire, de mieux voir, sinon prévoir, son évolution.
