Après le célèbre cas de Renée traitée par Mme Sechehaye : le cas de Laura

p. 16

Editor's notes

Propos recueillis par Catherine Bonte.

Author's notes

Plus qu’un document clinique, l’ouvrage de Jean Besson, psychologue et ancien étudiant de Lyon 2, est le récit souvent romanesque du traitement psychothérapique de Laura, schizophrène. Il est publié sous le titre Traitement psychothérapique dune jeune schizophrène aux éditions L’Harmattan (collection « Psychanalyse et Civilisations » dirigée par Jean Nadal) et codiffusé par le Collège des psychologues-Édition.

Text

Canal Psy : Et quel est le trajet qui mène à l’écriture d’un travail mené sur le terrain ?

Jean Besson : En arrière-fond, l’idée d’écrire venait d’assez loin. Il y a bien sûr tout l’intérêt que j’ai eu à découvrir le champ de la psychologie durant mes études, mais je reconnais que le goût pour l’écriture était déjà présent. Je n’avais eu la possibilité de le déployer. Il serait malhonnête de dire que je n’ai pas pensé à la perspective de publication quand j’ai rencontré Laura et fait le rapprochement avec le cas de Renée1 mais ce n’est pas cela qui a présidé à la prise de notes. Des notes, dès le début, j’en ai pris énormément. Il m’arrivait de travailler 2 heures 30, ou 3 heures derrière une séance de trois quarts d’heure, tard dans la nuit. C’est un cas qui m’a demandé beaucoup au niveau de l’élaboration. Quand le moment est venu de reprendre mes notes, j’ai pu constater que je disposais d’environ 600 pages dactylographiées. C’est énorme ! J’ai dû faire une dizaine de reprises, pour arriver à condenser, mais dans une liberté totale. Je ne me suis pas d’abord posé la question de savoir si j’allais trouver un éditeur, si j’écrivais un livre, si je suivais un style. En fait, mon livre est à cheval sur deux genres : c’est à la fois un document clinique et un roman. Ce fut un challenge car il n’y a rien de pire pour trouver une place dans une collection. J’ai pris un risque car mon manuscrit pourrait toujours être dans un tiroir. J’ai fait part de ma reconnaissance à Jean Nadal, le directeur de la collection qui est également président du CIPA (Collège International de Psychanalyse et d’Anthropologie).

Canal Psy : Pourriez-vous nous parler un peu plus de Laura, l’héroïne de ce roman-cas clinique ?

Jean Besson : J’aime bien votre formulation, c’est vrai que Laura était extrêmement attachante et j’espère que cela passe au niveau des lecteurs. Certains d’entre eux m’ont d’ailleurs dit qu’ils avaient le sentiment de me voir amoureux d’elle. Il y aura au moins eu en tout cas une sorte de passion clinique. Cela fait sans aucun doute partie du dispositif psychothérapique d’avoir un élan vers l’autre, qui fait qu’on s’intéresse à l’autre. Et puis cette passion, elle était liée à la forme d’intervention qu’appelait le cas de Laura. À trois reprises qui couvrent les trois quarts de la psychothérapie, j’ai été amené à administrer un « acte » pour résoudre ce qui se présentait chaque fois dans les temps intermédiaires comme une énigme et je ne savais jamais si j’allais réussir à le trouver et au bon moment. Avec l’administration de ces actes, il y a quelque chose de pur (même si ce qui est pur c’est toujours suspect) dans le sens de l’écart insurmontable entre l’acte et la parole : je me suis référé au modèle psychanalytique parce qu’ayant fait une analyse dans des conditions somme toute très orthodoxes auprès d’un psychanalyste du Groupe Lyonnais, c’est mon modèle de référence pour penser mais dans l’absolu, n’importe qui aurait pu administrer les actes et ils auraient produit rigoureusement le même effet. Et la conséquence, c’est qu’en ce qui concerne le prolongement théorique que je vois possible de donner au cas de Laura, je ne me trouve absolument pas dans une sorte de position de suprématie quelconque. Je suis ramené sur le même pied d’égalité que n’importe quelle personne qui envisagerait d’exercer sa propre réflexion sur le cas de Laura, psychanalytique ou pas. C’est pour cela que j’ai annoncé un « contrepoint » théorique comme on écrit un contrepoint sur une ligne mélodique en musique parce que je n’ai nullement la prétention de détenir la clé de l’efficience de ces actes et que des contrepoints théoriques à partir du canevas qui est donné, il y en a peut-être des dizaines.

Canal Psy : Votre ouvrage est sorti en 1996, comment vit-on « l’après publication » ?

Jean Besson : Il y a d’abord la satisfaction : sans publication rien n’existe, rien n’est fait. Et puis, cela met un jalon dans mon parcours. Je ne suis plus seulement psychologue parce que j’appartiens à une institution. Il y a eu une sorte de décrochage, un écart, un détachement. Je ne suis plus obligé de dire que je travaille dans telle ou telle institution pour justifier d’une activité dans mon domaine professionnel. J’ai gagné en indépendance, mon identité de psychologue n’est plus réduite à la détention d’un poste.

Notes

1 M. A. Sechehaye, Journal d'une schizophrène, PUF, réédité régulièrement dans la « Bibliothèque de psychanalyse » dirigée par Jean Laplanche.

References

Bibliographical reference

Jean Besson and Catherine Bonte, « Après le célèbre cas de Renée traitée par Mme Sechehaye : le cas de Laura », Canal Psy, 28 | 1997, 16.

Electronic reference

Jean Besson and Catherine Bonte, « Après le célèbre cas de Renée traitée par Mme Sechehaye : le cas de Laura », Canal Psy [Online], 28 | 1997, Online since 02 septembre 2021, connection on 22 juillet 2025. URL : https://publications-prairial.fr/canalpsy/index.php?id=2706

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Jean Besson

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