Cent seize Chinois… est un premier roman, on manque de repère pour l’aborder. On a en mémoire une présentation rapide dans les chroniques des romans de la rentrée, elle donne envie d’aller voir. Le point de départ intrigue : en 1941, Mussolini a fait arrêter et rassembler dans un camp les Chinois qui vivaient en Italie :116 et quelques. La Chine en guerre avec le Japon, allié à l’Allemagne nazie, était un ennemi. Ainsi, se retrouvèrent rassemblés ces Chinois dispersés dans le pays, certains riches, d’autres pas, souvent seuls, isolés pour certains.
On s’attend à quoi ? Un roman (c’est marqué sur la couverture), à un livre d’histoire ? À quoi encore ?
Et on trouve un texte qui ne ressemble pas à grand-chose de connu, j’aurai envie de dire : un roman abstrait, si cela pouvait aider. Certains livres séduisent le lecteur, d’autres semblent impénétrables. Celui-ci déroute, il ne fait rien pour séduire, ni pour repousser, il suit son chemin. Et l’on se dit, au bout d’un moment, que ce livre a choisi de nous faire vivre quelque chose de l’incompréhension de ces Chinois mis dans une situation absurde, eux qui, sans doute du fait de leur migration, sont demeurés, fors leur commerce, au bord de la société italienne.
D’ailleurs, ils n’ont pas de nom, sinon le prêtre envoyé par le Vatican, sans doute pour les soutenir, partager leur vie. Pas de nom dans le récit, mais une liste à la fin, qui produit un effet d’étrangeté : ils demeurent abstraits, ce pourrait être un monument aux morts.
D’ailleurs, ils ne sont pas décrits, sinon quelques-uns lorsqu’ils retiennent le regard d’un villageois plutôt hostile au régime fasciste. Sinon un petit sous-groupe, vers la fin, qui s’est sauvé et a rejoint un site de la résistance italienne.
Thoms Heams-Ogus choisit de nous les faire vivre à travers le paysage, les sensations de couleur, de chaleur et de froid, créant le monde que l’on croit fantomatique de ceux avec lesquels on n’échange pas, dont le monde parait énigme. Comme cette histoire de concentration pour ces Chinois.
On finit ce livre sans être sûr d’avoir retrouvé sa route, mais impressionné de la rencontre.