Les enjeux cliniques, scientifiques, épistémologiques, mais aussi interculturels et humanitaires du projet RECREAHVI nous ont conduits à mettre en place un dispositif d’observation des processus de la recherche : « La recherche en train de se faire et de se dire ». Ce dispositif, directement inspiré des travaux de B. Latour (1989) permet de rendre compte du processus même d’émergence et de construction des savoirs. Il offre également l’occasion d’une remise en question régulière de nos choix conceptuels et méthodologiques ainsi que des résultats partiels. L’observation de la recherche en train de se faire et de se dire est un processus continu, un dispositif trans-local et trans-temporel, qui permet de faire des liens entre ce qui se passe dans les différents lieux, moments, niveaux et étapes de la recherche. Cela se fait notamment par l’observation attentive des réunions formelles et informelles, des séminaires scientifiques restreints et ouverts. La plupart de nos échanges sont enregistrés. Les réécouter permet de reconstruire le cheminement des idées et des associations, mais aussi de repérer des moments de mutation de la réflexion et de ses effets. De même, l’écoute des moments « off » des manifestations scientifiques, c’est-à-dire ce qui se dit hors micro, pendant les pauses par exemple, alimente également la réflexion lors de réunions en groupes restreints.
Il arrive aussi que des participants à un séminaire nous écrivent dans l’après-coup pour nous faire part de leurs commentaires. Cela a été le cas de Maguy Vermande du Collectif Haïti de France qui a réagi au sujet des thèses proposées par le Pr Claudine Vacheret lors de son intervention sur les groupes et les croyances. Nous avons fait part de ces commentaires à celle-ci qui a aussi réagi dans l’après-coup, montrant ainsi comment le séminaire continue de manière informelle.
Ce dispositif rapporte des aspects objectifs et subjectifs susceptibles d’éclairer, d’induire des questions et des allers-retours entre centration-décentration sur l’objet de recherche, mais aussi sur soi, en tant que chercheur.
Les missions effectuées en Haïti sont particulièrement intéressantes en ce sens dans la mesure où elles confrontent à un autre contexte, une autre réalité qui pousse à articuler points de vue étique (vue de l’extérieur) et émique (vue de l’intérieur).
Pour l’instant, ce dispositif attire notre attention sur trois axes : le processus de transformation de l’objet de recherche, de sa méthodologie dû notamment aux interventions des uns et des autres, mais aussi à des retards dans le calendrier, des contraintes du terrain ; la nécessité d’une géohistoire de la rencontre (clinique) afin de mieux repérer et analyser les effets du transfert et du contre-transfert aux niveaux micro (intersubjectif), méso (groupal, institutionnel) et macro (national, international). En effet, l’analyse des mouvements transférentiels est un élément central dans le dispositif de l’observation de la recherche en train de se faire et de se dire. Celui-ci offrant une sorte d’espace « off » et « méta », en dehors, mais constamment liée au processus de recherche.
Ce dispositif dessine les contours d’un espace transitionnel entre l’objectivité scientifique rigoureuse et la subjectivité vécue dans le processus de recherche et fera, en tant que tel, l’objet d’analyses approfondies.