Notes de la rédaction

Propos recueillis par Sabine Vallette.

Notes de l’auteur

Suite de l’interview que nous a accordée René Kaës le mois dernier à propos de son ouvrage Le groupe et le sujet du groupe récemment paru chez Dunod, au cours duquel furent évoquées des questions touchant à la recherche…

Texte

C. P. : Par quoi sont actuellement inspirées vos recherches sur les groupes ? Est-ce par vos recherches antérieures et par le prolongement qu’elles ont trouvé chez d’autres auteurs ou bien est-ce qu’elles sont aussi provoquées par le contexte socio-culturel et les évènements qui marquent notre société ?

R. K. : Toutes recherches dans nos disciplines, dans les sciences humaines, sont évidemment perméables aux courants sociaux. J’ai commencé mes recherches en 65-66, c’est donner l’indication que 68 n’était pas loin et comme beaucoup de mes collègues, je me suis intéressé au groupe en tant qu’il est le lieu de phénomènes psychiques collectifs, communs, partagés, etc. Cela correspondait aussi à un temps logique de la recherche, du moins nous l’avons constitué après coup en temps logique de la recherche. Je crois qu’aujourd’hui en effet, le retour du sujet dans sa singularité, la singularité de son histoire et de sa structure, est en relation sans doute avec des mouvements d’affirmation des valeurs individuelles, jusqu’à leur extrémité d’ailleurs : c’est-à-dire le mouvement collectif par lequel le sujet se désocialise, se place à la périphérie des ensembles. Il importe de comprendre alors comment, dans cette sorte de dispositif relativement artificiel qu’est le groupe de thérapie, le groupe de formation, le groupe d’analyse, comment dans ces dispositifs, il est possible de repérer ces articulations, leurs difficultés, leurs conditions de possibilité, leurs pathologies. Bien sûr mes recherches suivent nécessairement, et je crois que c’est vrai pour tous les chercheurs, cette logique de l’esprit du temps, de la vie sociale et culturelle. Mais je pense qu’elles suivent une autre logique, celle qui m’est imposée par la clinique, par les questions qui me sont posées, et bien entendu aussi par celles que je peux me poser, et de ce point de vue mes questions ne sont pas complètement déconnectées des questions que se pose la communauté des chercheurs et des cliniciens. Il y a cependant des affirmations d’écoles, de tendances, qui privilégient plutôt un aspect qu’un autre, mais j’ai la chance d’être en relation avec de très nombreux courants en France et à l’étranger, et le soutien de cette communauté de recherche m’est tout à fait précieux. Je n’aurais pas pu faire les recherches que j’ai faites si je n’avais pas été dans cette relation avec les Italiens, avec les Argentins, avec les Anglais, etc.

C. P. : Dans quelle mesure pensez-vous que les théories élaborées à partir de ces groupes particuliers que sont les groupes de formation, de « psys » ou de « soignants », et qui sont donc opérantes pour leur analyse, le sont aussi pour d’autres types de groupes ?

R. K. : Cela, c’est, d’une certaine manière, à d’autres chercheurs de le dire. Ce que je sais c’est que le modèle que j’ai proposé au début des années 70 a été appliqué, quelquefois d’une manière unilatérale, quelquefois avec des transformations, à d’autres groupes : à ce groupe particulier qu’est la famille, mais aussi aux institutions. On a parlé d’appareil psychique groupal familial, institutionnel. On a même appliqué ce modèle à des ensembles comme le couple considéré comme mini-groupe. On l’a appliqué donc non seulement à des groupes artificiels mais à des groupes naturels.

Pour moi, mon travail, c’est un investissement qui n’a pu se faire que parce que je n’ai pas eu au premier rang le souci de l’application. Je ne peux pas à la fois travailler à dégager des modèles à partir d’un dispositif très précis, très rigoureux, et en même temps chercher à voir s’il est applicable. Bien entendu, comme je ne travaille pas seulement avec des groupes, d’une part je vérifie si mon modèle est applicable dans d’autres situations intersubjectives, ça c’est une règle épistémologique fondamentale, d’autre part j’essaie de voir quelles en sont les conséquences quand je travaille avec un individu. C’est-à-dire est-ce que le modèle groupal offre une intelligibilité des processus intrapsychiques. C’est sur ce versant que je travaille depuis quelques années.

Citer cet article

Référence papier

René Kaës et Sabine Vallette, « Entretien avec René Kaës », Canal Psy, 3 | 1993, 9.

Référence électronique

René Kaës et Sabine Vallette, « Entretien avec René Kaës », Canal Psy [En ligne], 3 | 1993, mis en ligne le 02 septembre 2021, consulté le 23 juillet 2025. URL : https://publications-prairial.fr/canalpsy/index.php?id=3116

Auteurs

René Kaës

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