Canal Psy : Quelles ont été les visées du Ministère dans cette réforme et quelles sont les modalités pratiques de sa mise en place ?
Éric Froment : Premier point, les objectifs du Ministère. L’objectif numéro un c’est sûrement de s’attaquer à ce qui parait le problème numéro un des premiers cycles, c’est-à-dire l’importance des échecs. C’est donc d’essayer de faciliter et d’améliorer les procédures d’insertion des nouveaux bacheliers dans les cursus universitaires, en clarifiant les procédures d’orientation, en prévoyant des systèmes qui leur permettent notamment de se réorienter assez facilement, et en améliorant d’une façon générale la transition entre la fin du secondaire et le supérieur. Du point de vue de la procédure, c’est une réforme qui a fait l’objet d’une grande concertation, longue, trop longue, et qui aboutit à des textes qui sont, je dirais, très larges, probablement parce qu’on a voulu écouter beaucoup de gens et par conséquent essayé de faire des compromis entre des positions différentes. Donc des contenus assez larges visant surtout à organiser d’une façon assez identique chaque diplôme pour faciliter les réorientations. Finalement la réforme vise à améliorer le rendement du système universitaire, faire en sorte que les moyens qui sont consacrés à l’enseignement permettent de donner plus de diplômés sortant des premiers cycles en particulier. La réforme a permis aussi de repenser les deuxièmes cycles, mais c’est quand même un problème second.
Où en est-on ? Le nouveau Ministère a décidé une inspection pour savoir surtout quel allait être le coût pour la mise en place des nouveaux DEUG puisqu’ils comportent un plus grand nombre d’heures et une organisation des UV un peu différente : des systèmes de modules. Modules qui sont pour nous Lyon 2 des choses qui n’ont rien de très original puisque ça ressemble fortement à nos dominantes. Du point de vue de l’application dans l’ensemble des universités françaises, il est difficile de savoir ce qui est fait actuellement, cela dépend tout d’abord d’une décision du Ministère, qui n’est pas contre le projet mais s’interroge sur son coût ; de plus, en toute hypothèse, si le Ministère répond oui, cela dépendra aussi de la décision d’une certaine façon autonome des universités ; en principe elles sont libres, dans le cadre des contrats d’établissement qu’elles signent avec le Ministère, de choisir la date et la façon dont elles appliquent les DEUG rénovés.
C. P. : Et où en est-on à Lyon 2 ?
É. F. : En ce qui nous concerne, le problème ne se pose peut-être pas tout à fait de la même façon que pour les autres universités, puisqu’on avait procédé à un certain nombre de modifications qui sont conformes à ce qui a été conçu, décidé, notamment pour les problèmes d’accueil, d’orientation et de réorientations. On a donc certains problèmes d’adaptation aux textes mais probablement beaucoup moins importants que dans les autres universités. Il y a des éléments qui n’étaient pas dans nos règlements : dans certains cas on a décidé de les appliquer tout de suite, par exemple la suppression des notes éliminatoires, pour d’autres on les appliquera plus tard, mais beaucoup d’éléments de la réforme sont déjà en place à Lyon 2. Il y a d’autre part de nouvelles formalités qui nous sont proposées. Il y a un DEUG « mathématiques, informatique et statistiques appliquées aux sciences humaines et sociales » qui nous intéresse à la fois pour essayer d’éviter que systématiquement dès lors qu’il y a l’indication de « mathématiques » ou « d’informatique », de tels diplômes soient considérés comme étranger à notre domaine d’université de lettres et sciences sociales. Au contraire nous revendiquons de telles formations qui nous permettent d’évoluer et de nous rapprocher des DEUG scientifiques au sens traditionnel du terme. C’est un élément que l’on souhaite voir mis en place à Lyon 2, pas en 93 mais probablement en 94.
Autre point, contenu dans la réforme, qui nous intéresse à Lyon 2 et vers lequel on a déjà cheminé : la pratique d’une langue vivante étrangère et de l’outil informatique. Ces éléments existaient à Lyon 2 mais on souhaite aller plus loin dans cette direction : 1 - au niveau des langues puisqu’on a cette année expérimenté l’enseignement intensif des langues en septembre pour la sociologie. C’est un type d’enseignement des langues vivantes qui nous paraît adapté à une bonne compréhension, notamment orale, des langues. Donc sans que ce soit le projet du Ministère, mais puisque déjà il y a une obligation de langue vivante dans les DEUG, nous allons faire en sorte de continuer à travailler dans celle direction. En matière de généralisation de l’utilisation de l’outil informatique, nous avons le désir, indépendamment de la réforme du Ministère – mais si on le fait avec le Ministère c’est encore mieux – d’avoir un enseignement d’informatique dès la première année : l’an prochain cette expérience aura lieu sur une partie des DEUG de l’Université.
Par plusieurs aspects, l’Université Lyon 2 se sent finalement assez à l’aise avec la réforme, soit qu’elle l’ait anticipée soit que les principes même qui la guident conviennent à ce qui avait été dans le choix des équipes présidentielles précédentes ou de la nôtre. Cela ne nous impose pas une rupture. D’une façon générale d’ailleurs, et je reviens au problème de l’application par l’Université, ce sont des textes qui n’ont pas créé de remous, ni dans le milieu enseignant ni dans le milieu étudiant, à la différence des autres réformes. Il faut bien comprendre qu’entre un texte réglementaire et l’application qui s’en fait à la base, il y a toujours un écart assez important, il y a toute une évolution qui se fait graduellement.
C. P. : Une autre question à Lyon 2 préoccupe beaucoup de monde, c’est celle des sessions rapprochées qui ne fait pas partie, elle, de la réforme ministérielle.
E. F. : Tout à fait, c’est pour ça que je ne répondais pas à ce problème qui ne se situe pas dans ce cadre. De la même façon que je vous disais qu’il y a eu des évolutions à Lyon 2 antérieures à la réforme, de même qu’en matière de langues vivantes et d’informatique, on a notre propre manière de voir les choses, et bien en matière de rythmes universitaires nous avons souhaité poser le problème très clairement, indépendamment de toute pression. Je crois que cela fait partie de l’autonomie des universités que d’être capable de prendre un problème et de se demander dans quel sens il faut faire évoluer l’institution. Donc nous avons choisi, vous dites les deux sessions rapprochées, je dirais de terminer l’année universitaire avant de commencer la suivante. C’est-à-dire qu’il me semble très important que début septembre, les enseignants, et en particulier les responsables d’enseignement, aient, autant que possible, connaissance du nombre de personnes qu’ils auront à enseigner l’année suivante et qu’ils puissent, durant le mois de septembre, préparer correctement le début des enseignements, qui se situe début octobre, en étant à peu près sûrs du nombre d’étudiants plutôt que de découvrir ce nombre à la rentrée et de devoir créer un groupe de TP, changer des horaires, déplacer des éléments, et perturber le fonctionnement de l’année…
Ce sur quoi j’insiste beaucoup c’est que, au fond, il y a toute une période qui est aujourd’hui gaspillée et c’est très clair pour les bacheliers qui s’inscrivent en juillet et n’ont aucun contact pédagogique avant septembre. Si le contact s’établissait un peu plus tôt, même sans parler d’enseignement, en juillet, cela leur permettrait de commencer à travailler, à lire des livres qui leur seraient donnés simplement pour les échauffer, les diriger dans une discipline qu’ils ne connaissent pas, très souvent, en sortant du secondaire. Ce serait autant de gagné. Si on débutait un peu plus tôt l’année universitaire en maîtrise, on pourrait très bien commencer à travailler les mémoires début juillet, par exemple, le travail bibliographique. Au fond décaler l’année, arriver à terminer en juin ne porterait pas non plus préjudice aux travaux d’été que les étudiants sont obligés de faire pour gagner leur vie. C’est une autre organisation dans laquelle au lieu de travailler l’été suivant on travaille l’été précédent. Ceci amène à poser la question de la nature de la première session : nous souhaitons qu’elle soit davantage faite de contrôle continu. C’est une session qui commence en décembre, qui se termine en juin mais dont on ne souhaite pas que les épreuves de juin soient les épreuves décisives. On doit prendre en compte une évolution dans l’année. C’est un problème qui avait aussi été repéré par l’équipe présidentielle précédente, veiller à ce qu’on ne passe pas trop de temps aux examens au détriment du temps consacré aux enseignements.