Ingrid Thobois, 2022, La fin du voyage, Ed. Labor et fides, collection Lignes intérieures, 110 p., 16 euros

DOI : 10.35562/canalpsy.3476

p. 2

Texte

Cela s’appelle la grâce.

Merci Ingrid Thobois, pour ce temps de grâce partagée, et qui se prolonge au-delà du temps de la lecture, et que l’on a envie de partager à son tour, car ce n’est pas si souvent.

C’est quoi, la grâce ? On ne sait pas la définir. Mais on sait quand elle est là. Ou alors on a peur de l’amour et l’on se sauve, on fait un détour. Mais le plus heureux, c’est d’y plonger, ou de s’y laisser porter.

La fin du voyage, c’est de la géographie physique, comme le terme est riche ! tout autant que de la géographie intime, sous le signe, en partie dépassé par l’auteure, de Nicolas Bouvier : lisez L’usage du monde, en poche, chez Payot, dont Ingrid Thobois parle si bien en le découvrant des méprises qui le recouvrent ; N. Bouvier qui écrivait : « On croit qu'on va faire un voyage mais bientôt c'est le voyage qui vous fait. » Ingrid Thobois part en voyage à la fin de l’adolescence, à l’entrée, en quelque sorte repoussée, dans l’âge adulte ; elle se retrouve un peu prisonnière de cette image d’écrivaine-voyageuse, elle qui dit si simplement, si justement, qu’elle n’a pas aimé voyager, que ce n’était finalement pas ce qu’elle cherchait. Elle a aussi fait le voyage intérieur dans une cure psychanalytique. Au fond, elle avait déjà trouvé : écrire. Ainsi a-t-elle pu se poser, même si elle a vécu, et vit encore à l’étranger, ce qui est autre chose, elle le souligne, que voyager.

La grâce, écrivais-je. Ce n’est que très rarement une expérience continue. Dans La fin du voyage, elle n’est pas continue mais portée par tant de moment qui sont, au fond, d’amour (parental, reçu ou donné, conjugal, mais là Ingrid Thobois est pudique, amical : ce portrait plus que touchant d’Eliane Bouvier, cf. ci-dessous), de poésie, de profonde justesse, tout ceci dans une vraie simplicité d’écriture.

Alors, l’envie de partager l’emporte.

En outre, ma mère est de ces femmes que la grossesse a extasiée, que la maternité a ravie, dont la mémoire n’a rien gardé de l’ivraie, et dont la patience défierait toute unité de mesure.

Mais j’étais encore une jeune fille dont la timidité passait pour de l’orgueil, et qui écrivait de manière compulsive en mettant des adverbes partout.

Et, parlant de la veuve de Nicolas Bouvier : Quelques minutes ont suffi à ce qu’Eliane cesse d’être la veuve de Nicolas, et c’est lui qui en est devenu l’époux.

Et enfin, manière de dire l’amour et la gratitude, la liberté aussi : Pour ma part, ayant tellement reçu à la naissance, je n’ai jamais ne serait-ce que songé à hypothéquer mon présent pour assurer un avenir.

La grâce, donc, et les vœux d’un bel à venir d’écriture.

Citer cet article

Référence papier

Jean-Marc Talpin, « Ingrid Thobois, 2022, La fin du voyage, Ed. Labor et fides, collection Lignes intérieures, 110 p., 16 euros », Canal Psy, 129 | -1, 2.

Référence électronique

Jean-Marc Talpin, « Ingrid Thobois, 2022, La fin du voyage, Ed. Labor et fides, collection Lignes intérieures, 110 p., 16 euros », Canal Psy [En ligne], 129 | 2022, mis en ligne le 15 décembre 2022, consulté le 03 août 2025. URL : https://publications-prairial.fr/canalpsy/index.php?id=3476

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Jean-Marc Talpin

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