Crédit photographique : Edison Borquez
Jean-Claude Sagne a fait partie de ma trajectoire universitaire, il fut ce que l’on nomme « mon directeur de thèse », mais au-delà de ces mots il demeure un point de repère dans mes relations humaines.
Ce fut pour moi, une rencontre au sens vrai, sincère et dépouillé de ce terme. Une de ces rencontres qui vous font entrevoir la vie sous l’angle qui le portait au quotidien.
La question du don, du partage, au-delà, d’une approche théorique, le constituait véritablement. Sa gentillesse naturelle, sa douceur, sa générosité, tout aussi naturelle, a marqué tous ceux qui l’on côtoyé. Qualités précieuses en ce monde, exceptionnelles pour un seul homme, pourrais-je dire aujourd’hui. Il m’a transmis la vérité et le poids de ces mots et je me les suis appropriés pour les transmettre à ma manière à mon tour.
Je lui suis tout particulièrement reconnaissante pour l’enrichissement de nos rencontres de travail. Il m’a appris ce que c’est que penser, d’oser découvrir sa propre pensée, creuser inlassablement pour la faire émerger au plus juste, la travailler avec ce qui nous porte et la soutenir avec foi ou certitude. Il m’a offert ce qui pour moi était déjà-là en moi, œuvrer dans et avec ma liberté de penser. Liberté, qui a pris racine dans la confiance qu’il m’a donnée dès notre première rencontre, alors que je cherchais un directeur de thèse. Depuis, je suis sur ce chemin et j’écris encore avec ce souffle de vie, celui de ma propre création, nourri évidemment des rencontres, des échanges et des rigueurs qui s’imposent pour trouver son style.
J’éprouve très clairement aujourd’hui, la force du mot transmission.
Jean-Claude Sagne est là, telle une évidence, dans ma manière d’être comme chercheur et enseignante. Sa sagesse apaise ma tristesse, puisque je transmets au mieux ce que j’ai appris de lui.
Laure Razon
Jean-Claude Sagne, décédé le 12 janvier 2010, a été professeur de psychologie sociale à la Faculté de psychologie et de sociologie, dont il fut un temps le doyen, puis à l’Institut de Psychologie. Il était à la retraite depuis 1996, souhaitant avoir plus de disponibilité pour se livrer à d’autres travaux au sein de sa congrégation. En effet, outre son œuvre de psychologue social, Jean-Claude Sagne laisse de nombreux ouvrages religieux auxquels il se consacra particulièrement dans les années de sa retraite.
Cet enseignant, par ailleurs dominicain, participa au dialogue entre psychologie, théologie et foi d’une part à travers les rencontres et colloques organisées par le couvent dominicain de La Tourette, d’autre part dans ses thèmes de recherche autour du don, de l’alliance ou encore du repas, enfin parce qu’il fut le facilitateur de la convention entre l’Institut de Psychologie et l’Université catholique de Lyon.
Il soutint en 1982 une thèse d’État intitulé La symbolique du repas dans les communautés de vie religieuse, éditée récemment, après un travail de reprise, aux éditions du Cerf (2009). Le directeur de cette thèse fut Jean Guillaumin, tandis que René Kaës et Jean Bergeret, parmi d’autres, faisaient partie de son jury. En effet, l’approche psycho-sociale de Jean-Claude Sagne témoigne d’une articulation étroite dans sa pensée entre cette approche et la psychanalyse (surtout lacanienne) ou, plus précisément, l’anthropologie psychanalytique.
Les collègues qui le côtoyèrent (par exemple, Michel Cornaton dont le témoignage a aidé à ce texte), les étudiants qui suivirent ses cours, disent tous de sa grande attention à l’autre ainsi que de sa grande bienveillance. Il fut pour beaucoup une figure d’appui au cours de leurs études, dans les moments de découragement ou de questionnement. Aussi, même s’il s’était éloigné de l’Université depuis sa retraite, sa disparition touche profondément tous ceux qui le connurent. C’est un pan de notre histoire institutionnelle qui s’estompe un peu plus à travers la mort de cette figure discrète et engagée à la fois dans la psychologie à Lyon 2.
Jean-Marc Talpin