Philip Roth, Un homme

p. 11

Bibliographical reference

Philip Roth, Un homme, Paris, Gallimard, 2006 (2007 pour la traduction), 153 p., 15,50 euros

Text

P. Roth fait partie de ces grands auteurs américains reconnus en Europe, un auteur dont le parcours et l’œuvre s’associent pour moi à la figure du cinéaste Woody Allen, en particulier parce que leurs œuvres, abondantes, intriquent humour et grandes questions de la vie humaine. En gros, l’amour et la mort.

Si les premières œuvres de P. Roth étaient plus humoristiques, plus connotées « névrose d’un juif new-yorkais » (lire l’inénarrable et hilarant Portnoy et son complexe), la dernière qu’il nous livre témoigne d’une profonde préoccupation pour la perte, la maladie, le vieillissement et la mort. Dans un entretien, P. Roth dit d’ailleurs avoir commencé l’écriture de ce livre le lendemain de l’enterrement de son ami l’écrivain Saul Bellow.

N’était le talent littéraire, on pourrait lire Un homme comme le bilan de vie d’un sujet vieillissant. N’était le talent mais surtout le choix narratif : ce livre commence lors de l’enterrement du personnage principal. Dans un effet kaléidoscopique, un premier portrait apparaît à partir des discours de ceux qui sont présents autour de sa tombe : deux fils d’un premier mariage qui ont définitivement pris le parti de leur mère, la fille d’un second mariage et sa mère, personnages qui ont pu élaborer leur lien à cet homme et l’accompagner avec ses faiblesses, une troisième épouse terrifiée par la mort, une infirmière ex-maîtresse et un frère, fidèle, indéfectible soutien de son puîné… À travers ces personnages, c’est aussi une partie de l’histoire familiale qui émerge, en particulier la figure d’un père bijoutier dur à la tâche et plein de bienveillance pour les gens modestes qui venaient lui acheter des alliances ou des montres (le temps, déjà !).

Après avoir entendu ces discours, le narrateur se penche sur celui qui est mort et qui, devant passer sa première nuit dans sa tombe, fait un bilan post-mortem, manière d’écrivain de défier la mort et de prétendre à l’immortalité. Passer sa première nuit seul, lui qui chercha la compagne idéale et en arrive tristement au bilan qu’après avoir été très heureux avec sa seconde épouse il a gâché cet amour pour une aventure sexuelle avec une jeune femme qu’il épousa sans trop savoir pourquoi et qui fut incapable de le soutenir lorsque la maladie (un infarctus) fit irruption dans sa vie.

Un homme peut se lire comme l’histoire d’une vie professionnellement réussie (encore que le personnage n’osa que très tardivement affirmer son désir d’être peintre) mais aussi comme l’histoire d’un gâchis du fait d’une certaine lâcheté face à la vie et à ses difficultés. Cette histoire nous est narrée avec une grande acuité clinique ainsi qu’avec un regard plein de tendresse pour cet homme cependant capable d’affectueuses attentions qui s’est un peu sabordé. P. Roth nous tend un beau portrait de l’humanité complexe de chacun.

References

Bibliographical reference

Jean-Marc Talpin, « Philip Roth, Un homme », Canal Psy, 85 | 2008, 11.

Electronic reference

Jean-Marc Talpin, « Philip Roth, Un homme », Canal Psy [Online], 85 | 2008, Online since 21 avril 2021, connection on 24 juillet 2025. URL : https://publications-prairial.fr/canalpsy/index.php?id=585

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Jean-Marc Talpin

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