La syntaxe de l’adjectif attribut russe

La forme courte et la forme longue entre norme et écarts

DOI : 10.35562/elad-silda.709

Résumés

Le choix entre les formes courte et longue est souvent problématique dans le cas de l’adjectif attribut russe malgré un grand nombre d’études détaillées consacrées à ce sujet. Nous analysons quelques cas concrets de la langue russe moderne qui démontrent différentes déviations de la norme en vigueur. Notre propos consiste à dire que les modèles descriptifs les plus appropriés pourraient se baser sur la distinction entre système, norme et usage.

Выбор между полной и краткой формами прилагательного, выступающего в роли сказуемого, часто является затруднительным несмотря на большое количество исследований, посвященных данной теме. Мы проанализировали несколько конкретных случаев на материале современного русского языка, которые иллюстрируют различные отклонения от принятой нормы. Цель нашей статьи - показать, что наиболее удачные описательные модели данного распределения форм опираются на триаду «система-норма-узус».

The choice between the short form and the long form often appears as a difficult problem for the Russian predicate adjective (nominative), despite the many detailed studies. We analyze some concrete cases in modern Russian that show different deviations from normative rules. Our claim is that more appropriate descriptive models can rely on the distinction between system, normativity and linguistic usage (usus).

Index

Mots-clés

adjectif attribut, syntaxe russe, forme courte, forme longue, système, norme, usage

Keywords

predicative adjective, Russian syntax, short form, long form, system, normativity, linguistic usage

Ключевые слова

прилагательное в роли сказуемого, синтаксис русского языка, краткая форма, полная форма, система, норма, языковой узус

Plan

Texte

Introduction

La syntaxe de l’adjectif attribut russe, qui peut être à la forme courte (FC) ou à la forme longue (FL), est une question classique de la linguistique russe qui a donné lieu à de nombreuses études [Guiraud-Weber 1993 ; Sakhno 2001 ; Roudet 1998, 2005, 2016 ; Viellard 2006, 2008]. Seuls les adjectifs qualificatifs sont réputés avoir une FC, mais les adjectifs de relation ne sont pas totalement exclus du système. Les règles sont complexes et les exceptions ne manquent pas. Cela nécessite une étude en termes d’écarts par rapport à ce qui peut être considéré comme la norme dans ce domaine qui relève en réalité de la morphosyntaxe, car la morphologie de l’adjectif est aussi à prendre en compte.

1. Adjectif qualificatif en fonction d’attribut : forme courte ou forme longue ?

R. Roudet propose une analyse convaincante et claire du système de l’adjectif attribut [Roudet 2016 : 239-242], qui se résume à quatre principes :

  1. la FL est employée de façon parfois obligatoire lorsque la proposition représente une reformulation, par modification de l’ordre des mots, d’un autre énoncé où l’adjectif serait en fait une épithète :
(1) Погода была прекрасная = Была прекрасная погода
  1. la FL est employée lorsqu’on procède à une opération de catégorisation, ce qui se distingue d’une opération de qualification (assurée par la FC) ; la FL et la FC sont parfois également possibles, mais avec des différences de sens plus ou moins importantes :
(2) Жизнь прекрасна ‘La vie est magnifique’ (réalité unique, donc pas classable)
(3) Жизнь прекрасная ‘C’est une vie magnifique’ (l’une des réalisations particulières de la réalité en question)
(4) Kocмос бесконечен (réalité unique, donc pas classable), en regard de Kocмос – ?? бесконечный
(5) Работать там / Это / Всё интересно (la nature du sujet est telle qu’elle exclut toute opération de classification), mais Работать там / Это / Всё – *интересноe
  1. Le sens des deux formes (FL et FC) n’est pas toujours le même, la sémantique est un critère de choix déterminant : Oн здоров (‘Il est en bonne santé’), mais Oн здоровый (‘Il est costaud’)
  2. La langue parlée privilégie de façon assez systématique la FL au nominatif :
(6) Дети ещё голодные ‘Les enfants n’ont pas encore mangé’
(7) Мы на это несогласные ! ‘Là, nous ne sommes pas d'accord !’1

Ce dernier principe est important, car il peut fournir une explication pour les nombreux écarts du principe (3) ; on constate en effet que la FL est parfois possible avec le 1er sens (‘en bonne santé’), comme le montrent les exemples suivants fournis par le Corpus national russe [НКРЯ] :

(8) Его любовь с Дайаной была необыкновенной. В этой паре роли распределялись так: она― больная, он ― здоровый. У неё были проблемы с бедром, лёгкими, сердцем, позвоночником. В отелях Дайана либо спала, либо выходила со своей неизменной фляжкой виски, опираясь на трость. [НКРЯ 2002]
(9) Он ей кто? Он ей никто. ― Жили же вместе. ― Это пока он здоровый был и при деньгах! Но Одутловатов решил все же сходить к Татьяне. ― Твой-то помирает вроде, ― сказал он. ― Какой это мой? [НКРЯ 2006].

En outre, la FL здоровый de l’exemple (8) fait pendant à la FL больная, et la structure prend une valeur de catégorisation (‘c’était un homme en bonne santé’), valeur qui est observable également dans (9).

Dans Sakhno [2001], le fonctionnement de la FC et de la FL de l’adjectif russe est décrit en termes d’opposition entre prédication « effectuée » (qui correspond à la FC) et prédication « mentionnée » (qui correspond à la FL). Dans la prédication effectuée, le rapport prédicatif est présenté comme étant posé au moment même de l’énonciation, il est construit dans l’énoncé même par l’énonciateur, et considéré comme non établi à l’avance, comme « nouveau ». L’énoncé ne s’appuie pas sur un rapport prédicatif présupposé. Dans la prédication « mentionnée », le rapport entre le sujet et la propriété apparaît comme présupposé, comme étant déjà établi avant le moment de l’énonciation. Par conséquent, l’énoncé s’appuie sur un rapport prédicatif déjà construit, et il ne fait qu’actualiser ce rapport. On ajuste un rapport prédicatif « tout prêt » à la situation décrite.

Ce modèle explicatif est compatible avec celui de R. Roudet (principes 1 et 2). La FC marque une prédication qui relève de l’opération de qualification et qui est par ailleurs fortement prise en charge par l’énonciateur, comme le montre aussi, de façon très convaincante Viellard [2006, 2008].

En revanche la FL, qui relève de l’opération de catégorisation, marque une prédication mentionnée dont la prise en charge par l’énonciateur est moindre. Schématiquement (S=sujet, P=prédicat adjectival) :

 

Prédication « effectuée »            S + P       →       Situation
Prédication « mentionnée »        S + P       →       Situation

Le modèle proposé peut être étendu pour y inclure l’adjectif FL à l’instrumental (FLinstr). Ce dernier correspond à mon avis à la troisième phase de la construction du rapport prédicatif, tandis que la FC et la FL au nominatif correspondent respectivement à la 1re et à la 2e phase :

  • Phase 1 : Prédication « effectuée » (ou « première ») (FC)
  • Phase 2 : Prédication « mentionnée » (ou « seconde ») (FL nominatif)
  • Phase 3 : Remise en question de la prédication « mentionnée » (FL instrumental).

En conformité avec ce mécanisme, les énoncés à l’adjectif FC sont souvent subjectifs (émotionnels, emphatiques), alors que les énoncés à l’adjectif FL ont un caractère plutôt objectif, cf. Иван - силëн! ‘Ivan est vraiment fort / costaud !’ : énoncé emphatique, prononcé avec une intonation bien particulière (intonation neutre impossible), pouvant avoir un sens figuré (du type ‘Ivan est intelligent, c’est un cerveau, un fort en thème !’). Иван - сильный ‘Ivan est fort’ : énoncé objectif, correspondant à une simple constatation, prononcé sur une intonation neutre, non susceptible d’interprétations de type figuré.

On trouve une explication proche dans Le Guévellou [2011 : 361-362] : la FC fait référence au jugement du locuteur, la FL nominatif exprime une qualité objective et suppose une faible implication du locuteur, la FL instrumental a une valeur neutre, liée à la non-implication du locuteur.

Il convient aussi d’insister sur le caractère « verbal » de l’adjectif forme courte, ce qui se manifeste dans l’accord de l’adjectif avec le pluriel de вы de politesse (Вы так красивы, Нина!, cf. Вы так пели, Нина!) et le non-accord de l’adjectif forme longue avec le pluriel de вы de politesse (Вы такая красивая, Нина!, cf. Вы такая певица, Нина!).

2. « Avoir faim » (голоден / голодный) : une variation contextuelle non aléatoire

Pour l’adjectif голоден / голодный, l’usage russe moderne semble hésiter entre la FL et la FC, et marque souvent une prédilection pour la FL dans le discours dialogique, ce qui perturbe parfois les russisants francophones qui ont tendance à utiliser la FC dans toutes circonstances, en suivant sans doute les recommandations de certaines grammaires qui indiquent la FC comme la seule correcte pour cet adjectif [Boulanger 2000 : 21]. Les contextes typiques permettent d’associer la FL à l’évidence du rapport prédicatif du point de vue du locuteur, à la forte présupposition de ce rapport considéré comme normal (« compte tenu des circonstances, tu dois avoir faim ») :

(10) И мы с водилой как додики при нем: доделывали кое-что, по пояс в снегу. Считай, два месяца лишних. Ужинать будем? ― Ну, будем, если ты голодный. Как же вы не замерзали, в палатках? ― Смеешься? Дубака резать под брезентом! [НКРЯ 1999]
(11) Так что придется вам еще потерпеть. Лиля, я сказал маме, что ты будешь ночевать у нас. – Хорошо, папа, – послушно ответила девочка. – Ты голодная? – Нет, я конфеты ела. – Я тебе книжку привез, посиди, почитай, а мне с тетей Ирой поговорить нужно. Лиля тут же вцепилась в книжку и перестала замечать окружающую действительность. [НКРЯ 1997]

De façon paradoxale, la FC, quoique parfaitement normale selon les règles classiques, peut être ressentie comme un écart par rapport à l’usage russe d’aujourd’hui :

(12) Взглянула на него совсем прямо, непонятно… И карие глаза поголубели вдруг, посветлели — от кофты, что ль? Коля взял и съел бутерброд. Потом еще. Она глядела на него с каким-то веселым и смешливым ужасом: вы голодны (да, именно так, не по-русски чуть-чуть, “голодны”! )… я пожарю картошку, я быстро. Ни-ни, — он чуть не поперхнулся, ни в коем случае… Хотел встать. И не смог. [НКРЯ 2012]

Cependant, la variation est possible dans une même situation de communication, une même suite dialogique. Mais la distribution entre la FC et la FL n’est pas aléatoire : la FC marque une prédication première, « effectuée », la FL marque une prédication seconde, « mentionnée » (en dépit de l’émotivité de l’exclamation dans (14) ; le rôle de какой est à souligner également, puisque какой impose la FL, alors qu’un как exclamatif demanderait la FC). Notons que les exemples (13) et (14) se suivent à peu de distance dans un même texte :

(13) – Девушка снова улыбнулась. – Меня так все называют. Давайте мы с вами сядем, чайку заварим, я буду звонить, а вы будете мне подсказывать, если что не так. Ой, Роман, а может, вы голодны? А то у меня печенье есть, сушечки. Будете? – Буду, – кивнул решительно Дзюба, наплевав на приличия. [НКРЯ 2013]
(14) Она бросила взгляд на две опустевшие тарелки и всплеснула руками. – Ой, боже мой, Ромочка, какой же вы голодный! Дзюба с изумлением понял, что съел все, что было, подчистую. Вот вечно он так… И Ромочкой никто, кроме мамы, его никогда не называл. – У меня есть три рыбные котлетки, – продолжала добросердечная Дуня. [НКРЯ 2013]

La FC apparaît souvent dans des contextes liés à un engagement énonciatif fort de la part du locuteur (noter le rôle de да и dans (15)) ou dans des énoncés relevant d’un registre stylistique soutenu, avec une sorte de mise en relief du statut socio-culturel élevé du locuteur :

(15) Шабанов взял протоколы допросов, спустился и сел в перламутровую «мазду» Воскобойникова. Автомобиль плавно тронулся с места. ― Давай перекусим, ― неожиданно предложил Феликс. ― Я сегодня не завтракал, да и ты голоден. Не возражаешь? ― Чего возражать? Дело хорошее, ― кивнул Виктор. [НКРЯ 2011]
(16) ― Мне показалось… ― Тебе показалось, ― подтвердила хозяйка. ― Сейчас мы будем пить чай с разными вкусностями. Надеюсь, ты голоден? Не дожидаясь ответа, она поднялась из кресла и, прежде чем исчезнуть на кухне, плавной походкой проплыла мимо гостя. Фигура у Татьяны Степановны была как у молоденькой девушки. Игорь поневоле вспомнил грузное тело тетки Зинаиды, ее грубые, почти мужские черты лица и попытался понять, что могло связывать столь разных людей так крепко, что после нескольких лет разлуки теткина рекомендация с легкостью распахнула перед ним бронированную дверь в эту квартиру. [НКРЯ 2000]

Avec un ты / вы générique, y compris dans des contextes non dialogiques, la FC est normale dans l’usage moderne. La FL est difficile, voire impossible, car l’énoncé décrit un rapport de cause à effet, une règle à suivre, un conseil, un raisonnement logique :

(17) Светланов был за них в ответе, потому что без него оркестр не был востребован. Музыканты играли на похоронах, разгружали вагоны, жили в нищете. Коллектив взорвало изнутри, потому что всё равно быт определяет сознание. Когда ты голоден, никакой авторитет не поможет. [НКРЯ 2002]
(18) Если ты голоден, а вокруг так пахнет, быстренько накидайся чего-нибудь безопасного. [НКРЯ 2002]
(19) Точно так же для бытовых целей могучие поисковые системы типа «Яндекса» выдают слишком громоздкий результат, а «ДиКСи» ― то, о чём спросили. ― Есть функция релевантности, ― возразил Глеб. ― Она не срабатывает, когда стоит вопрос вкуса. Скажем так: вот вы голодны. Но вы желаете не просто утолить голод, а чтобы было вкусно. И чтобы не пришлось ломать голову над выбором ― это хочу, а это не хочу. Поисковые системы ― это меню на тысячу страниц. [НКРЯ 2012]
(20) Прежде чем сесть за стол, задайте себе вопрос, действительно ли вы голодны. Вы сами заметите, что при болях, недомоганиях, душевном дискомфорте есть вам не хочется, поэтому и не стоит идти против своей природы. [НКРЯ 2003]

Les faits discursifs observés permettent de formuler de façon plus précise les règles du choix énonciatif entre la forme courte (FC) et à la forme longue (FL) pour cet adjectif.

3. Les adjectifs de relation еn -ов- / -н-, en -ский / -цкий : difficulté ou impossibilité de FC ?

Selon les données de la Grammaire russe [РГ : 558] et celles du Corpus national russe [НКРЯ], les adjectifs de relation еn -ов- / -н-, du type дневниковый, фортепьянный, снежный peuvent parfois avoir une FC, si l’adjectif fonctionne, du moins en partie, en tant qu’adjectif qualificatif. La gradabilité de la propriété est souvent soulignée dans ce genre de contextes, et on notera dans (21) le rôle de так qui impose la FC :

(21) Так же «дневниковы» и доверительны стихи, говорящие о творчестве, о долге художника [РГ : 558]
(22) Она (музыка) не годится, потому что она совсем не фортепьянна [РГ : 558]
(23) Зима в Западной Европе много мягче и значительно менее снежна, чем наша. [НКРЯ 1969]

Pour un adjectif comme снежный utilisé à la FC, il peut s’agir d’un emploi métaphorique dans des contextes particuliers (la chair de la pastèque a une apparence qui fait penser à la neige) :

(24) Арбуз снежен, ал; косточки чисты, блестящи, ― косточками можно играть в блошки. [НКРЯ 1928]

En revanche, il n’y a pas de FC pour снеговой, car cet adjectif, qui a un sens objectif et souvent technique (cf. снеговая нагрузка ‘charge de neige’ comme terme du bâtiment, s’agissant du poids de la neige sur un toit), exclut des interprétations qualitatives, métaphoriques et gradables. Il en est de même pour les adjectifs tels que берёзовый, кленовый / клëновый, ainsi que pour волевой (quoique ce dernier puisse fonctionner comme un adjectif qualificatif, cf. волевой характер).

Pour les adjectifs de relation en -ский / -цкий (деревенский, сельский, детский, русский, российский, немецкий, дурацкий2, etc.), l’impossibilité absolue de la FC est affirmée par la Grammaire russe [Русская грамматика 1980 (1) : 560] et semble être confirmée par les données du Corpus national [НКРЯ].

Cependant, la FC est possible, quoique rarement, pour русский ‘russe au sens ethnique, culturel, spirituel, idéologique, etc.’ (tout en restant impossible pour российский ‘russe au sens étatique’). Par exemple :

(25) Карл – немец, но в душе он русск / он так русск [exemple tiré de Sakhno 2001]
(26) В каждом своем движении, в каждом слове, в каждой ухватке, в шутке и в глубокомысленном замечании он русский человек с головы до ног, говорит ли сказочку о щуке, которая ловит мышей, представляет ли дурака Тришку с обрезанными полами, сбирает ли едоков хлебать уху, когда синица зажигает море, заставляет ли приятеля бриться тупыми бритвами. Сотни стихов Крылова пошли в поговорки и пословицы - так они русски, так вылиты и отделаны на русский образец! [Полевой, 1837]

Ces exceptions relèvent de contextes particuliers (discours sur la « russité ») et parfois anciens (comme l’exemple (26)). Il existe cependant des emplois récents que nous avons relevés sur Internet :

(27) Русскому, если он русский, надо «уметь делать что-то ещё». Потому что русскость - не профессия и не повод для получения привилегий, а даже прямо наоборот. Русского терпят, только если он работает - причём много и дёшево. В других случаях это не так. Национальность и вообще "происхождение" сразу предоставляют массу прав и возможностей. […] На самом деле, ворочать мешки - страшный грех даже для русского человека. Русский человек хорош тем, что он русск. Зарубите это себе на носу. [Krylov.livejournal 2004]

Dans d’autres cas, la « russité » est bien moins spirituelle, voire négative, et le sens est plus banal, car le mot dénote simplement l’origine de l’individu :

(28) B Штатах копы его б просто пристрелили (не из-за того, что он русск, а из-за того, что такое не должно ходить по улицам). А вообщe европейцам надо задумываться, прежде чем пускать к себе людей с паспортом РФ. [Bigmir 2011]

Notons un contexte à part qui relève d’une démarche métalinguistique, du jeu de langage ; l’écart de la norme y est conscient :

(29) Хорошо, давайте рассуждать логически. Он – белорус, а она –  белоруска. Он русс, стало быть она – русска. Если вы говорите на русском языке, или одном из множества его наречий, и все ваши предки говорили на этом языке или наречии то, скорее всего, ваша национальность русска. [Топазов 2015]

Il s’agit clairement dans (25-29) d’emplois non normatifs et stylistiquement très marqués. À partir de ces données, on doit s’interroger sur les différents écarts observés, en se demandant si certains peuvent un jour constituer une quasi-norme nouvelle (ou s’il s’agit d’une ancienne norme réactualisée ?), pour cet adjectif qui a une place particulière dans la conscience linguistique des russophones.

Conclusion

Dans le domaine de l’adjectif russe, la norme est tiraillée entre d’une part un système assez complexe, qui peut être formulé en termes sémantiques, discursifs ou énonciatifs, et d’autre part, l’usage qui sert de filtre, en rejetant certaines formes ou, au contraire, en favorisant des formes déviantes lorsqu’elles sont utiles aux besoins de la communication. Krysin [Крысин 2010 : 10-11] indique à propos de la norme dite littéraire :

Литературная норма объединяет в себе и языковую традицию, и кодификацию, во многом основывающуюся на этой традиции. Тем самым литературная норма противопоставлена, с одной стороны, системе (не всё, что допускает языковая система, одобрено нормой), а с другой, – речевой практике (узусу): в речевой практике вполне обычны бóльшие или меньшие отклонения как от традиционной нормы, так и от тех нормативных предписаний, которые содержатся в грамматиках и словарях.

Cette définition peut s’appliquer aux différentes normes de la langue standard (langue écrite, langue orale, langue écrite oralisée, etc.). La triade « système-norme-usage » est un concept théorique important qui peut servir de repère pour élaborer des modèles descriptifs précis de la morphosyntaxe de l’adjectif russe.

1 Les exemples (1) à (7) sont repris à Roudet [2016 : 239-242].

2 Cet adjectif peut parfois fonctionner comme qualificatif, mais la FC sera impossible.

Bibliographie

Ouvrages de référence

Boulanger Anne, 2000, Grammaire pratique du russe, Paris : Ophrys.

Guiraud-Weber Marguerite, 1993, « La méthode bisynchronique dans la description de l'adjectif attribut en russe moderne », Revue des études slaves, 65(1), 81-95.

Крысин Лeoнид, 2010, Современный русский язык: система-норма-узус. Москва : Институт русского языка, Языки славянских культур.

Le Guévellou François, 2011, Les clés du russe daujourdhui, Paris : Ellipses.

[Русская грамматика]: Шведова Н. Ю. (гл. ред.), 1980, Русская грамматика, 1 & 2, Москва: Наука.

Roudet Robert, 1998, « Esquisse d’une comparaison de l’emploi des formes courtes des adjectifs en russe et en tchèque », Slavica Occitania, 6, 283-307.

Roudet Robert, 2005, «Predikativnoe prilagatel’noe i tipy predloženij v russkom jazyke», Voprosy jazykoznanija, 3, 80-101.

Roudet Robert, 2016, Grammaire russe. Syntaxe. Paris : IES.

Sakhno Serguei, 2001, « Les formes de l’adjectif attribut en russe : prédication ‘effectuée’ versus prédication ‘mentionnée’ », Revue des études slaves, 73(1), 77-96.

Viellard Stéphane, 2006, « L’adjectif attribut en russe contemporain : entre syntaxe et effets de discours », Revue des études slaves, 77(3) 343-365.

Viellard Stéphane, 2008, « Le traitement énonciatif de l’adjectif attribut en russe contemporain », in Roudet R. & Zaremba Ch. (éds), Questions de linguistique slave. Études offertes à M. Guiraud-Weber, Aix en Provence : PUP, 351-366.

Corpus et sources primaires

[Bigmir 2011] В Париже пьяный русский бросался на людей с бензопилой [blog], 2011, disponible à http://news.bigmir.net/world/1112479-V-Parije-pyanii-rysskii-brosalsya-na-ludei-s-benzopiloi.

[Krylov.livejournal 2004] «Всеобщий синопсис или Система мнений» [blog], 2004, LiveJournal, disponible à https://krylov.livejournal.com/919366.html.

[НКРЯ] Национальный корпус русского языка, disponible à http://www.ruscorpora.ru.

[Полевой 1837] Полевой Н., 1837, «Басни Ивана Хемницера», disponible à http://dugward.ru/library/polevoy/polevoy_basni.html.

[РГ] Шведова Н. Ю. (гл. ред.), 1980, Русская грамматика, 1 & 2, Москва: Наука.

[Топазов 2015] Топазов Э., 2015, Вы кто? Кто они, на самом деле, русские…?, disponible à https://www.proza.ru/2015/07/08/1528.

Notes

1 Les exemples (1) à (7) sont repris à Roudet [2016 : 239-242].

2 Cet adjectif peut parfois fonctionner comme qualificatif, mais la FC sera impossible.

Citer cet article

Référence électronique

Serguei Sakhno, « La syntaxe de l’adjectif attribut russe », ELAD-SILDA [En ligne], 4 | 2020, mis en ligne le 15 avril 2020, consulté le 18 avril 2024. URL : https://publications-prairial.fr/elad-silda/index.php?id=709

Auteur

Serguei Sakhno

MCF HDR université Paris Nanterre
ssakhno@parisnanterre.fr

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