Sylvie Freyermuth et Jean-François P. Bonnot (dir.), Malaise dans la ville

vol. 30, Bruxelles, P.I.E. Peter Lang, coll. « Comparatisme et société », 2014, 275 p.

p. 253-256

Référence(s) :

Sylvie Freyermuth et Jean-François P. Bonnot (dir.), Malaise dans la ville, vol. 30, Bruxelles, P.I.E. Peter Lang, coll. « Comparatisme et société », 2014, 275 p.

Texte

Cet ouvrage collectif qui fait suite à Ville infectée, ville déshumanisée réunit les contributions de vingt-deux chercheurs représentant neuf universités européennes (Stendhal-Grenoble 3, Toulouse 2-Le Mirail, Babeş-Bolyai de Cluj-Napoca, Amsterdam, Lorraine, Franche-Comté, Luxembourg, Masaryk de Brno et Leiden), ainsi que l’ITEM Centre Zola, le CNRS, l’ENSAP Lille et l’ENSA Paris-Val de Seine. Comme dans l’ouvrage précédent, ces chercheurs sont associés au programme de recherche LocilLitt (Reconstructions littéraires françaises et francophones des espaces sociopolitiques, historiques et scientifiques de l’extrême contemporain) financé par l’université du Luxembourg.

Cet ouvrage, comme le précédent, comporte quatre parties. Dans la première partie intitulée Regards croisés sur la pérennité du sentiment de malaise, Philippe Walter étudie « La nausée à Bouville, Melencolia sartrienne et saturnienne ». Il analyse la profonde mélancolie du personnage principal, Roquentin, dans une ville qui est, selon lui, « la symphonie en noir majeur » (p. 37). Véronique Adam propose quant à elle une étude du « Malaise dans la ville dans quelques histoires tragiques et exemplaires ». En s’appuyant sur un corpus d’histoires tragiques à la fin du xvie siècle et au début du xviie, elle aborde trois principaux thèmes : la pauvreté, l’autorité juridique et patriarcale, et l’autorité maternelle. Dans « Malaise dans la ville. L’envers du Paris haussmannien », Joëlle Bonnin-Ponnier étudie les transformations de la capitale et leurs conséquences sociologiques sous le Second Empire, à travers Le Ventre de Paris de Zola et A vau l’eau de Huysmans. Dans « Le malaise dans la culture postmoderne », Jacques Ponnier, se fondant sur les écrits de Gilles Lipovetsky sur la postmodernité, souligne la vacuité, l’indifférence et le narcissisme qui caractérisent la société contemporaine. Corin Braga étudie l’utopie et l’anti-utopie dans « Ville idéale/Ville maudite. Une morphologie du genre utopique ». Selon lui, l’utopie et l’anti-utopie sont fondées sur une structure binaire avec un pôle positif (la cité idéale) et un pôle négatif (la cité maudite). Cécile Chombard Gaudin aborde l’intérêt relativement peu connu de Giraudoux pour l’urbanisme dans « Giraudoux au service de la ville malade ». Selon elle, Giraudoux peut être considéré comme un précurseur de l’écologie moderne. L’article suivant, intitulé « Ténèbres khmères : les revenants de Phnom Penh. À propos de Kampuchéa de Patrick Deville » de Manet van Montfrans, traite de la tragédie subie par le Cambodge après la victoire des Khmers Rouges en 1975, où la ville de Phnom Penh a été totalement vidée de ses habitants. Dans « La Ville entre nos mains. L’expérience du prosocial dans l’imaginaire urbain du super-héros », Clément Pélissier étudie l’expérience d’immersion dans la réalité sociale menée par le professeur Robin S. Rosenberg, à l’université de Stanford, en 2013.

La deuxième partie est intitulée Le malaise urbain au carrefour de la littérature, de l’urbanisme et de la sociologie. Dans « Le polar parisien à l’écoute du mal de ville, hier et aujourd’hui », Céline Barrière et Yankel Fijalkow, à travers la thématique du malaise dans la ville, interrogent le rôle du récit dans la compréhension des mutations urbaines, et fondent leur analyse sur sept romans policiers. Dans « La ville noire est une fête », Dominique Manotti, auteure de romans noirs, définit le roman noir comme « le roman urbain par excellence ». Selon elle, la fête qui est une composante de la « ville noire » est le signe d’une société en crise mais n’induit pas la mélancolie. Jean-Yves Trépos, dans « Des animaux dans la ville », traite du malaise provoqué par l’entrée d’animaux sauvages (sangliers, loups, renards) dans la ville. Attirés vers les zones urbaines par la faim, ces animaux indésirables, que l’auteur appelle des « commensaux », constituent une menace aux yeux des citadins. Dans « La Plaie et la terreur de nos campagnes », Jean-François P. Bonnot se livre à une étude de « l’exploitation politique du sentiment d’insécurité et du contrôle de l’errance à la fin du xixe siècle et au début du xxe », montrant comment les « bohémiens » étaient souvent accusés d’enlever des enfants.

La troisième partie a pour titre Interactions entre langue(s), géographie, genre, économie et religion. Dans le premier article, « Le vernaculaire entre prestige et esthétique de la parole », Mohammed Embarki se penche sur « Le cas des vieilles cités arabes », et il montre l’évolution des langues du monde arabe en fonction de l’urbanisation, du statut de la femme et des effets de la mondialisation. Dans un article en anglais, « Urbanization and Ethno-Religious Politics in the City », Shirlita Africa Espinoza s’intéresse à l’urbanisation galopante de Manille, la capitale des Philippines, et aux conséquences ethniques et religieuses qu’elle entraîne.

La quatrième et dernière partie est intitulée Le Malaise à travers l’art : lois du marché, exil, dépression et mémoire. Dans le premier article, « Michel Houellebecq ou la nouvelle configuration de la “carte” et du “territoire” », Yvonne Goga présente La carte et le territoire comme une « radiographie du mal au début du xxie siècle ». La carte représente deux types de territoires inconciliables, l’un qui est « l’image de la tradition spirituelle et culturelle », et l’autre qui est marqué par la civilisation technique et commerciale. Dans « Matéi Vişniec et le malaise de l’écrivain », Simona Jişa montre la profonde déception de Vişniec, écrivain roumain exilé à Paris, devant cette ville qui lui apparaît comme un « radeau de la Méduse ». Dans « Dépressions et fantasmagories urbaines », Ian de Toffoli étudie les « représentations mythologiques et topographiques dans les premiers romans de Jean Sorrente ». Les personnages et les narrateurs des romans de Jean Sorrente, mélancoliques et dépressifs, établissent des correspondances entre les villes qu’ils visitent et la mythologie gréco-latine. Dans « Malaise dans la ville ou malaise de la ville ? », Petr Dytr propose une lecture freudienne de Rom@ de Stéphane Audeguy, roman paru en 2011. Dans un jeu vidéo appelé Rom@, la ville de Rome symbolise la société occidentale postmoderne en proie à la mélancolie. Dans « Pérec, Lieux. Joie et mélancolie d’une archive urbaine », Annelies Schulte Nordholt rappelle que Lieux est un projet inachevé de Pérec dont seuls quelques fragments ont été publiés de son vivant. Il s’agissait pour lui d’écrire chaque mois des textes concernant douze lieux parisiens, construisant ainsi une véritable archive urbaine. En s’appuyant sur deux romans récents, Une fille dans la ville : New York, Paris, Kaboul, etc. de Flore Vasseur et Si ce n’est plus un homme de Nicole Malinconi, Sylvie Freyermuth analyse la rhétorique d’un malaise dans la ville et dans la vie dans « Du roman “sous amphétamines” à la fable testimoniale ». Selon elle, ces deux romans « mettent en accusation la passion du pouvoir et l’avidité des possessions matérielles vite acquises ». Le dernier article, « Écrire sur le dedans du dehors », est précisément composé d’extraits de deux romans de l’une des deux romancières étudiées dans l’article de Sylvie Freyermuth, Nicole Malinconi, le premier décrivant l’univers du métro et le second un bureau dominé par la malveillance et les inimitiés.

Ce recueil, comme le précédent, est pluridisciplinaire, puisque les articles qui le composent font appel à la philosophie, à l’histoire, à la géographie, à la sociologie, à l’économie, à l’étude des religions, à la critique littéraire et à la linguistique. Sous ses divers aspects, il fournit donc une analyse très complète de cette nouvelle forme de spleen qui s’est répandu dans les grandes villes modernes devenues inhumaines, et qui transparaît dans la littérature contemporaine.

Citer cet article

Référence papier

Jean Marigny, « Sylvie Freyermuth et Jean-François P. Bonnot (dir.), Malaise dans la ville », IRIS, 36 | 2015, 253-256.

Référence électronique

Jean Marigny, « Sylvie Freyermuth et Jean-François P. Bonnot (dir.), Malaise dans la ville », IRIS [En ligne], 36 | 2015, mis en ligne le 15 décembre 2020, consulté le 18 avril 2024. URL : https://publications-prairial.fr/iris/index.php?id=1645

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Jean Marigny

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