Autour du dragon

  • About the Dragon

DOI : 10.35562/iris.2137

Résumés

L’article évoque l’origine du mot dragon, expose la géographie des mythes à dragons, et passe en revue différentes fonctions du dragon — fournir la pluie chez les uns, fournir à des héros de quoi accomplir un exploit initiatique chez les autres. Il revient sur les meurtres de dragons et les rituels correspondant au solstice d’hiver, et il en augmente le dossier. En cours de route, les problèmes d’influences et de circulation des idées sont envisagés.

This paper discusses the origin of the word dragon, outlines the geography of dragon myths, and reviews different functions of the dragon—some provide rain, others provide heroes with the means to performe an initiatory feat. We revisit the dragon murders and winter solstice rituals, and we expand the record. Along the way, the problems of influences and the circulation of ideas are considered.

Plan

Texte

Nomenclature

Le mot dragon vient du grec : à l’origine, drakôn y était synonyme du mot ophis, celui qu’on retrouve dans le mot français ophidien. Mais ces deux mots grecs n’avaient pas du tout le même âge : ophis appartient au fond le plus ancien, indo-européen, du grec, car on le retrouve, sous d’autres formes, dans diverses autres langues indo-européennes — sanskrit ahi, avestique aži. Drakôn, au contraire, est un mot fabriqué dans la langue grecque. Il a été fait sur la radine du verbe derkomai, « regarder », qui fait, par exemple, dans un temps du passé, edreka. Étymologiquement, le drakôn est l’animal qui fascine par son regard.

Très vite, dans l’iconographie, le drakôn s’est différencié de l’ophis. La Grèce connaissait, comme l’Europe contemporaine, deux formes de serpents : la vipère et la couleuvre. Le drakôn iconographique s’en distingue rapidement par trois caractères : a) il est plus grand, beaucoup plus gros ; b) il a une petite barbe ; c) il appartient au mythe : il garde le jardin des Hespérides, il veille sur la Toison d’or en Colchide, il veille sur la source à côté de laquelle Kadmos, après l’avoir tué et avoir semé ses dents, fondera la ville de Thèbes, etc.

Le mot drakôn a ensuite été adopté par le latin, puis il entre dans la formation du français, je dirais par transmission mi‑populaire, mi‑savante. Les populations gallo-romaines ne croisaient pas souvent de dragons dans la campagne, malgré ce qu’on croirait en lisant les vies de saints (Sergent, 2018, p. 93‑128), mais les livres savants qui demeuraient dans l’Europe des invasions parlaient de dragons, de sorte que le mot a toujours dû être plus ou moins connu des populations. Le mot a subi alors une évolution phonétique courante du latin au français, le –k– de drakôn est devenu un –g–.

Avec l’iconographie qui montre le drakôn grec sont acquis, pourrait-on dire, les traits structurels qui définissent l’animal désormais appelé dragon. De grande taille (par rapport aux serpents réels), pourvu d’un caractère non reptilien (la petite barbe), il est l’image paradigmatique de ce que seront quantité d’autres êtres que nous sommes désormais fondés à appeler de la même façon : pensons aux serpents à plumes d’Amérique centrale, aux serpents cornus des mythes des grandes plaines d’Amérique du Nord, aux serpents à pattes ou à ailes du légendaire européen, et aux serpents à plusieurs têtes qui commencent en Mésopotamie et remplissent ensuite les légendaires grecs, slaves et ouest-européens.

Précisons un détail : pour les Grecs anciens, le drakôn est l’animal qu’on a dit, c’est-à-dire fondamentalement un serpent, légèrement modifié. L’hydre de Lerne, serpent aquatique à plusieurs têtes, dont l’iconographie nous rappelle plutôt la pieuvre que tout autre animal, les Grecs ne l’appelaient pas drakôn, mais bien hydre. La Chimère, mentionnée dès l’Iliade, monstre qui était un assemblable de lion, de chèvre et de serpent, les Grecs ne l’appelaient sûrement pas non plus drakôn, mais disaient khimaira, « jeune chèvre ». Pourtant, nous, aujourd’hui, l’hydre, dont les têtes ont dû être décapitées par Héraklès, ou la chimère, qui, selon Diodore de Sicile, parcourut l’Anatolie en crachant le feu et en l’incendiant, nous les appellerions l’une et l’autre des dragons. Notre définition s’est donc élargie.

Géographie

Il y a une authentique géographie du dragon. À savoir, on n’en rencontre pas partout. Les grandes zones à dragons sont l’Europe, l’Asie (donc l’Eurasie) et l’Amérique. Les dragons sont donc plus rares en Afrique. On connaît des dragons liés à l’arc-en-ciel dans les mythes et représentations des Boschiman du sud de l’Afrique. Les populations d’Afrique occidentale parlent de serpents qui font le tour de la terre. Par ailleurs, des mythes de combats contre le dragon sont connus en Kabylie. Enfin, un mythe de dragon recueilli au Sénégal est une transformation d’un mythe (ou conte) local, dans lequel l’animal dangereux était un lion. On ne saurait douter que la transformation soit due à une influence européenne. Dans toute la zone sahélienne, le dragon est remplacé par un autre être dangereux, la Courge dévorante (Le Quellec & Sergent, 2017, p. 557‑560).

Si l’on raisonne, comme cela se fait couramment de nos jours, en termes d’histoire des populations, l’importance du dragon en Amérique continue celle qu’il a en Asie, car les populations amérindiennes sont la simple continuation anthropologique et génétique des populations eurasiatiques. De même, l’existence de mythes du dragon chez les Kabyles s’explique aisément : les Berbères (les Kabyles parlent une langue berbère) sont issus d’une rétromigration, venue du Proche-Orient, et revenue (très longtemps après la sortie d’Afrique) en Afrique du Nord.

Les Boschimans parlent d’un grand animal mythique qu’ils appellent (actuellement) plutôt le taureau d’eau, mais qui dans leurs peintures ressemble parfois à un serpent, parfois à un hippopotame. Les peintures révèlent aussi, une fois commentées par des locaux, qu’on essaie de le trouver en période de sécheresse, afin de le charmer pour en obtenir la pluie (Schmidt, 1979, p. 201‑224 ; Hoff, 1997, p. 21‑37). Les Washagga, dans le secteur du Kilimandjaro, expriment des croyances semblables au sujet d’un serpent appelé Molyino : il habite une profonde caverne, mais lorsqu’il apparaît à l’horizon il s’élève jusqu’au ciel (Gutmann, 1914).

Formellement, ces monstres ophidiens rappellent à la fois les serpents géants mythiques d’Australie, liés à la fois à l’arc-en-ciel et aux mares du pays, et les dragons chinois, qui expriment les nuages et les pluies du printemps, puis retournent en terre lorsque la saison des pluies est finie. Dans les quatre cas — Boschimans, Wachagga, Australiens1, Chinois —, l’être dragonique est à la fois terrestre et céleste, de manière diachronique et saisonnière en Chine et chez les Wachagga, de manière synchrone en Australie et chez les Boschimans. Comme chez les Boschimans, le dragon long des Chinois est en relation avec l’arc-en-ciel (Clos, 1961, p. 946‑947). Les Wachagga parlent encore d’un autre serpent, gigantesque, aquatique, qui vit dans un étang, mais il est si grand qu’il n’y tient pas en entier, et une partie de son corps entoure tous les arbres du pays. On trouve en Australie des croyances très semblables, selon lesquelles un gigantesque serpent entoure une population, un lac s’installe alors en cet endroit et la population finie noyée. L’étang est initial dans le mythe africain, il est conséquence dans le récit australien, c’est là un cas d’inversion comme Claude Lévi-Strauss en a montré la pertinence dans les études mythologiques.

Sans entrer dans une démonstration qui serait véritablement hors sujet, cette répartition d’un statut identique du dragon à la fois céleste et chthonien évoque un phénomène mis en lumière par certains préhistoriens, à savoir qu’une partie de la sortie d’Afrique s’est faite en suivant les côtes de l’océan Indien. Les précurseurs des Australiens ont pu suivre ce chemin, tandis qu’une branche gagnait la Chine en contournant l’Indochine2.

À cet aspect englobant du dragon, lorsqu’il est à la fois céleste et terrestre, s’opposent les dragons du domaine indo-européen ou d’Amérique qui, au contraire, laissent le ciel à leur adversaire.

Le dieu du ciel contre le dragon

Le thème est tout à fait explicite dans les mythologies d’Amérique du Nord. Le schéma est le suivant : l’oiseau-tonnerre, être colossal qui produit les éclairs de ses yeux ou de ses ailes, le bruit de tonnerre par son grincement de bec, est l’ennemi du maître des eaux, lequel prend couramment la forme d’un serpent cornu. Claude Lévi-Strauss a fait intervenir dans ses Mythologiques le mythe suivant : deux garçons, parfois frères, ont l’intention de franchir un large fleuve, et se demandent comment ils vont procéder (je vous parle d’un temps où il n’y avait pas de ponts en Amérique du Nord). Voici qu’un être s’approche en nageant. Cet être leur propose de les faire passer. Il arrive que la proposition émane de plusieurs êtres successivement : chez les Mandan, c’est d’abord un serpent à une corne, puis un serpent dont la tête s’orne d’andouillers, en troisième lieu un serpent dont la tête est chargée de bancs de sable, enfin un serpent à la tête chargée de terre où poussent des peupliers. En tout cas, les garçons acceptent la proposition (celle du dernier dans la version Mandan), tout en se méfiant. À l’arrivée sur l’autre rive, l’un des garçons saute prestement sur le bord, tandis que l’autre traîne un instant et est avalé par le monstre. La suite se déroule selon deux modalités principales. Dans la plus simple, l’oiseau-tonnerre conseille au garçon survivant de tirer l’autre de la gueule du dragon et, dès que cela est fait, il foudroie le monstre. Dans une autre version, pendant que le rescapé se désole de voir son frère dans la gueule du dragon, un homme apparaît sur la rive et lui conseille de tirer son frère, l’aide, et soudain se transforme en oiseau-tonnerre pour frapper le maître des eaux (Lévi-Strauss, 1968, p. 360‑361 et version Munduruku très semblable, p. 366‑367).

Dans les mythologies des peuples de la famille algonkine (forêts de l’est du Canada et du nord‑est des États‑Unis), c’est le démiurge, humanoïde, qui est l’ennemi des animaux maîtres des eaux (dont la forme est variable : ce peuvent être des « panthères d’eau »). Il a un ami, appelons‑le Jeune Loup. Bien qu’il l’ait mis en garde, Jeune Loup commet une imprudence (du type s’engager sur un lac gelé, sans prendre garde qu’on est au printemps) et il est capturé et tué par les monstres aquatiques. Le démiurge (Gluscap, Manabozo, etc.) n’a plus qu’une idée en tête : le venger. Il trouve le moyen d’identifier le lieu où séjournent les monstres de l’eau et, arrivé tout près d’eux, prend la forme d’un grand arbre (on est démiurge ou on ne l’est pas !). Certes, l’un d’eux remarque qu’il y a là un arbre qu’on ne voyait pas là auparavant, mais leur « roi » (ces mythes ont par exemple été recueillis par des jésuites français représentant là le roi de France) considère que ce n’est pas grave, on n’a pas compté les arbres ! Dès qu’il le peut, par exemple au moment où les monstres font la sieste, le démiurge sort son arc et flèche les chefs des maîtres de l’eau. Passons sur quelques détails (le déguisement du démiurge en vieille femme lorsqu’il apprend d’elle qu’elle est la guérisseuse appelée au secours par les dragons aquatiques, ce qui lui permet d’achever les chefs qu’il avait blessés), et venons‑en à l’essentiel : la vengeance, cette fois, de ces monstres. Maîtres de l’eau, ils démontrent bellement qu’ils le sont : ils font monter l’eau. Le mythe du déluge des peuples algonkins est celui‑ci. Le démiurge, à nouveau transformé en arbre, voit l’eau atteindre son pied, s’élever le long de son tronc, menacer de le submerger, mais il parvient à se surélever d’un cran, l’eau monte toujours, une loi immanente fait qu’il peut recommencer l’opération d’augmentation de taille un nombre fini de fois (trois ou quatre), et (j’ose dire : bien évidemment) c’est lorsqu’il a utilisé l’ultime et dernière possibilité d’accroissement que l’eau s’arrête. En clair, le démiurge a vaincu, une seconde fois, les monstres de l’eau.

On trouve, en pays de langue indo-européenne, des idées parfois bien proches de celles qu’on vient de voir s’exprimer en Amérique du Nord. Deux savants, Vyacheslav Ivanov et Vladimir Toporov ont, à l’aide des textes médiévaux de l’ancienne Russie et de contes slaves, reconstitué un mythe selon lequel le dieu Veles, habitant sous terre, affecte d’en sortir en prenant la forme d’un serpent. Périodiquement sa tête pointe, à la base d’un tronc, et examine, en regardant le ciel, s’il peut poursuivre sa sortie de terre. Mais le dieu du ciel, Perun, veille. Dès qu’il aperçoit la tête du serpent, il le foudroie. Cela rappelle beaucoup le thème amérindien de l’oiseau-tonnerre foudroyant le maître des eaux. Mais Veles n’est précisément pas un maître des eaux.

Mais, si la modalité slave est assurément la plus proche de versions nord-amérindiennes, ce n’est pas le seul cas où un dieu céleste combat un dragon. Dans un travail récent, d’une part j’ai opéré une description, d’est en ouest, des combats de dragons chez les peuples indo-européens (Sergent, 2018, p. 15‑33) ; d’autre part j’ai montré que, dans un nombre de cas étonnant, les combats se déroulent préférentiellement au solstice d’hiver (Sergent, 2018, p. 162‑164).

Initiation

Ma première démarche met en lumière un phénomène simple : un dragon indo-européen a pour seul intérêt d’être tué par un héros. Du Vṛtra indien aux dragons des lacs irlandais, le dragon est tué. Les héros grecs, Héraklès, Kadmos, Persée, Jason, tuent des dragons. Les héros germaniques également (Siegfried, Bödhvar Bjarki, Beowulf), tout comme les héros iraniens, les dieux3 et les héros celtiques. Ici, ce qui apparaît, et qui se distingue des mythes australiens ou boshimans, c’est la valeur fortement initiatique du combat contre le dragon.

  • Histoire de Jason : un roi (Pélias, son oncle) lui a intimé l’ordre de lui ramener la Toison d’or qui est très loin, en Colchide (la côte de la Géorgie actuelle). Il monte une expédition, avec cinquante jeunes gens : les Argonautes. Ils arrivent en Colchide, après moult aventures, mais voient que la Toison d’or est gardée par un dragon. Avec l’aide de la fille du roi local, Médée, Jason parvient à tuer le dragon, à fuir avec Médée qui devient son épouse.

  • Histoire de Persée qui a accompli un exploit initiatique remarquable : tout jeune homme (seize ans, dit un texte), il a pu décapiter Méduse, dont les yeux pétrifiaient ce qu’ils voyaient. Sur le chemin du retour, il voit une jeune fille accrochée à un récif et un dragon qui sort de l’eau pour la dévorer (parce que la mère de la jeune fille, Cassiopé, avait osé se prétendre plus belle que les déesses, le dieu Poséidon se chargeait de les venger). Persée sort la tête de Méduse de son sac, la tourne vers le dragon qui est aussitôt pétrifié, et lui n’a plus qu’à épouser la jeune fille, Andromède.

  • Histoire de Siegfried (le début, en tout cas) : tout jeune homme, il tue un dragon, Fafner dans la version scandinave. Le sang du dragon remplit une cavité ; Siegfried apprend que s’il s’y baigne, il deviendra invulnérable ; il le fait, mais une feuille qui voletait vient se plaquer sur son épaule. Siegfried sera invulnérable, sauf en un endroit.

  • Histoire de Bödhvar Bjarki : ce héros, extrêmement fort, fils d’un homme et d’une femme qui avaient été transformés en ours, son surnom le désignant comme « Petit ours », se fait embaucher comme garde du corps par un roi danois, Hrólf Kraki. Ce roi avait en fait toute une garde personnelle, à savoir douze berserkir (guerriers à la peau d’ours). Il y avait là aussi un petit jeune homme, Höttr, qui servait de souffre-douleur aux douze bonshommes. Bödhvar le prend sous sa protection. À Jul (ioul), fête du solstice d’hiver, un terrible dragon arrivait en volant et se posait devant le palais. Alors le roi et les douze berserkir avaient peur et se calfeutraient dans la maison. Cette fois‑là, Bödhvar Bjarki sort, tue le dragon, puis le redresse, l’arc-boute pour qu’il tienne debout. Au matin, Höttr, le petit jeune homme frêle, sort, devant le roi, Bödhvar Bjarki et les douze berserkir, et d’un coup d’épée abat le dragon. Le roi Hrólf est si fier de lui qu’il lui offre sa propre épée et change son nom : il s’appellera désormais Hjalti, la « Garde » de l’épée4.

Dans les quatre exemples précédents sont apparus successivement tous les ingrédients de ce qui représente un passage initiatique : voyage d’épreuves, exploit guerrier qui conduit au mariage, exploit cynégétique qui confère une invulnérabilité pour la carrière militaire à venir, changement de nom après la réussite de l’épreuve.

Terminons ce point sur l’initiation avec une histoire iranienne. Un jour, un empereur, qui avait trois fils, se demandait s’ils étaient véritablement courageux. Que fait‑il ? Il se change en dragon et se tourne vers eux, menaçant : l’épreuve initiatique est là, toute nette, et c’est le père qui en est l’artisan.

Meurtre au solstice d’hiver

Chose curieuse, spectaculaire même, une fois qu’on en prend conscience, dans plusieurs sociétés de langue indo-européenne, c’est au solstice d’hiver que le dragon est attaqué par un héros et tué. Regardons cela de près.

On vient de mentionner l’histoire de Bödhvar Bjarki et de Höttr : elle se déroule à Jul. De nos jours, le mot désigne Noël dans les langues scandinaves. Mais, avant la christianisation, la fête de Jul existait déjà, et elle correspondait spécifiquement à l’ensemble des rites célébrés lors du solstice d’hiver.

Les Kalaš sont un peuple vivant dans l’Hindou-Kouch, à l’extrême-nord de l’actuel Pakistan. Leur langue est de la famille indienne, et les spécialistes ont pu montrer que plusieurs de leurs dieux prolongent des dieux connus en Inde à l’époque védique. En clair, les Kalaš et les autres peuples de l’Hindou-Kouch de langue indienne ont échappé à l’histoire culturelle indienne, celle qui a vu l’Inde passer par les grandes phases appelées védisme, brahmanisme, hindouisme. Les peuples dont il est question ici étaient de culture uniquement orale et ils ont évolué de leur côté, et ce d’autant plus que l’expansion de l’Islam les a isolés de plus en plus. Moyennant quoi, à côté de traits spécifiques qui les caractérisent et individualisent chacun des groupes, d’autres traits en font bel et bien des Indiens, mais se rattachant au fond religieux le plus ancien de l’Inde.

Ces Kalaš, donc, ont une grande fête d’hiver, le Chaumos. C’est leur plus grande fête, et elle a des aspects carnavalesques importants. Elle dure plus de douze jours, mais son apogée est le douzième jour. Le dieu Balamain (nom dans lequel la partie finale, –in, est ce qui subsiste du nom Indra) s’est approché des hommes durant les premiers jours de la fête et s’est installé dans un arbre. Ce douzième jour arrive un dragon. Balamain l’attaque et le tue5.

Date et événement sont identiques chez les Kalaš et dans la saga de Hrólf Kraki. De plus, l’épisode de l’exploit de Bödhvar Bjarki est suivi de la promotion de Höttr : or, lors du Chaumos, ce sont des groupes de jeunes gens, de jeunes adolescents, qui sont — entre autres — mis en relief. Les deux matériaux ici comparés, le rituel himalayen et la saga, reposent sur les mêmes principes.

Mais si Scandinaves anciens et Indiens contemporains s’accordent tant, ils sont loin d’être les seuls à placer la victoire sur un dragon au solstice d’hiver.

Il existe un mythe breton que voici : Arthur, le roi Arthur, se battait un jour contre un dragon sur la grève Saint-Michel, laquelle se trouve dans le Finistère, sur la Manche, tout près de la limite des Côtes d’Armor. Chose extraordinaire, Arthur ne parvenait pas à vaincre le dragon. Pendant ce temps‑là, en Irlande, un mariage devait être célébré : Efflam devait épouser Enora. Hélas, ce n’était pas du tout le projet de ce dernier et il explique à sa jeune épouse qu’il entend en fait consacrer sa vie à Dieu ; dès le lendemain, il se met dans un esquif et part. Efflam arrive sur la grève Saint-Michel. Il voit le combat terrible et vain d’Arthur contre le dragon. Il tombe aussitôt à genoux et en prières. Le surcroît d’énergie qu’il confère ainsi au roi Arthur permet enfin à celui‑ci de vaincre le dragon. Une fois vaincu, le dragon est renvoyé… d’où il venait, à savoir dans une grotte qui s’ouvre (mythiquement) dans le Grand Rocher, cet énorme bloc qui coupe en deux la grève Saint-Michel et qui, autrefois, avant la construction d’une route littorale, interdisait, en cas de marée haute, de passer d’un côté à l’autre de la grève. Dans une version orale recueillie par Anatole Le Braz vers le début du xxe siècle, afin que le dragon ne s’ennuie pas dans sa caverne, Efflam lui donne… un biniou. Ce dragon est musicien !

Mais à quelle date se déroulent le fameux combat et la victoire sur le dragon ? Les sources fournissent deux dates : le 25 décembre et la Pentecôte.

Que des événements de l’histoire (ou de la légende) ecclésiastique se placent à la Pentecôte est relativement banal. Les situer au 25 décembre est beaucoup plus rare : généralement un autre événement retient l’attention chrétienne à cette date.

La date est plus rare et plus intéressante en cela que la victoire sur le dragon rejoint directement des idées exprimées par les Germains d’Islande et les Indiens de l’Hindou-Kouch : c’est au solstice d’hiver que l’on tue ou élimine les dragons.

J’ai comparé ce récit breton à un récit beaucoup plus ancien et situé tout à fait ailleurs, et qui pourtant offre moult points communs avec celui-ci (Sergent, 1998, p. 15‑35, repris dans Sergent, 2018, p. 131‑167). Il s’agit d’un mythe des Hittites, peuple qui occupait l’Anatolie centrale et centre‑est durant le IIe millénaire avant notre ère.

La trame de ce récit est la suivante : un dragon, Illuyanka, sortant des eaux de la mer, menace le dieu de l’Orage. Le combat s’engage entre eux et le dieu de l’Orage est vaincu ! Les dieux (les autres) sont affolés, se réunissent pour savoir quelle mesure prendre et ce qui est décidé est qu’une déesse, Inara, va se sacrifier pour trouver un puissant guerrier que l’on chargera de vaincre Illuyanka. Le choix de la déesse se porte sur un certain Hupasiya, homme au demeurant marié et père de famille. Ce dernier accepte (a‑t‑il vraiment le choix ?) et organise un repas auquel il convie le dragon. Illuyanka vient avec femme et enfants. Précisons qu’à un banquet hittite, des femmes et des hommes jouent de la musique. Tout se passe comme prévu, le dragon boit copieusement, puis s’endort. N’écoutant que son courage, Hupasiya décapite le dragon, le rejette à l’eau et restaure le dieu de l’Orage. La seconde phase du mythe est celle du repos du guerrier. Hélas, séjournant dans la demeure céleste d’Inara, Hupasiya aperçoit, malgré l’interdit de regarder par la fenêtre, sur terre sa femme et ses enfants, et décide de retourner à la maison. Jalouse, Inara le tue (traduction des textes et étude de ce mythe dans Masson, 1991, p. 85‑110).

Les points communs entre ce récit et le mythe breton exposé auparavant sont les suivants : a) des personnages souverains, qui ont été en mesure d’abattre des adversaires colossaux ou dangereux, ne parviennent pourtant pas, ici, à vaincre un adversaire (Arthur n’y parvient pas, le dieu de l’Orage est même vaincu par l’adversaire) ; b) il leur faut une aide extérieure (Efflam, Hupasiya) — paradoxale : Efflam n’est pas un combattant et Hupasiya n’est pas un dieu ; c) le dragon est hédoniste : Illuyanka vient suite à l’invitation à un banquet, le dragon breton reçoit un biniou pour en jouer ; d) le dragon enfin vaincu est renvoyé là d’où il venait : dans le Grand Rocher, dans la mer ; e) le plus singulier : la femme d’Efflam s’appelle Enora (forme bretonne d’Honorée), l’amante de Hupasiya se nomme Inara.

Dans plusieurs de ces récits, c’est bien le dieu céleste qui intervient dans le combat contre le dragon : c’est le cas dans le rite Kalaš (Indra est, aux temps védiques, le roi des dieux et c’est lui qui produit tonnerre et orages), dans le mythe hittite (le dieu de nom inconnu est explicitement le dieu de l’Orage) et dans celui d’Efflam, celui‑ci obtient la victoire d’Arthur en invoquant son Dieu qui, comme chacun sait, réside au ciel.

Le mythe d’Illuyanka ne comporte pas de date ; mais celle‑ci est fournie extérieurement. En effet, le mythe en question était raconté à l’occasion d’une grande fête, dite Purulli, qui durait une vingtaine de jours ; cette fête commençait dans le dernier mois de l’année et couvrait les premiers jours de la suivante. On ignore quel jour précis était récité le mythe en question. Mais on discerne que ce ne pouvait pas être à une date bien éloignée du solstice, sinon celle‑là même. La fête Kalaš dure deux semaines, ce en quoi elle se rapproche par sa durée de la fête Purulli, et l’exploit principal, le meurtre du dragon par Balamain, se déroule le douzième jour, donc pendant la durée de la fête. Il y a, en cela, une double affinité entre la fête hittite, de près de trois millénaires et demi d’âge, et la fête des Kalaš, contemporaine.

Le Rg‑Veda évoque à d’innombrables reprises le combat entre Indra et le dragon Vṛtra (Varenne, 1982, chap. « Le combat des origines », p. 77‑125), mais ne fournit pas de date pour cet événement. Cependant, il existe dans le même texte une allusion à un personnage nommé Vala qui gardait des vaches par de vers lui, et Indra lui dit qu’il le tuera à la fin de l’année. Comme le meurtre de Vṛtra est cosmogonique, car le serpent crache les eaux, les vaches, les femmes, le soleil et la lune, Vala gardant les vaches paraît un doublet de Vṛtra. Voici donc un indice selon lequel le meurtre du dragon aurait pu se dérouler, chez les Indiens védiques, à une date qui, si l’année védique commençait comme beaucoup d’autres en hiver, pouvait être proche du solstice. La date du Chaumos est un indice en ce sens.

Saint Efflam n’est pas le seul saint à avoir collaboré à l’élimination d’un dragon aux alentours du 25 décembre. Un autre est saint Sylvestre, dont la fête est le 31 décembre. Jacques de Voragine raconte en effet que, quelques temps après la conversion de Constantin, apparut à Rome un dragon qui, quoique vivant dans une fosse, avait tué de son souffle dans les trois cents hommes. Constantin en parle à Sylvestre qui se met en prière (comme Efflam) mais, là, saint Pierre lui apparaît, lui dit d’aller lui‑même dans ladite fosse et de lier le museau de l’animal. Sylvestre descend cent cinquante marches et obéit aux consignes, « il lia le mufle du dragon qui criait et sifflait » (Jacques de Voragine, 2004, p. 97). En général, les saints ne tuent pas les dragons, un saint ne saurait être un meurtrier. Ils leur passent leur étole sur le cou, leur intiment l’ordre de disparaître ou celui de passer chez les voisins. En tout cas, voici une nouvelle histoire qui situe l’élimination d’un dragon à une date toute proche du solstice.

On est alors en plein Moyen Âge et il est singulier qu’on situe alors à Rome une histoire d’élimination du danger représenté par un dragon, alors que la Rome antique ignore ce motif. Chose curieuse, Jacques de Voragine raconte immédiatement avant l’histoire du dragon un épisode singulier selon lequel un Juif nommé Zambri a tué un taureau seulement en lui chuchotant un nom, celui de son Dieu, à l’oreille. S’ensuit un concours à la résurrection du taureau que Sylvestre emporte haut la main (Jacques de Voragine, 2004, p. 96), mais ce qui est intéressant, c’est précisément le motif du taureau tué par la prononciation d’un nom divin à son oreille, car l’Antiquité connaît ce motif et le situe, non pas à Rome, mais à côté, en Étrurie. En effet, selon une scholie de Lactantius Placidus à Stace, les Étrusques disaient qu’une nymphe enseignait qu’on ne pouvait nommer Dieu aux hommes ; pour le prouver, elle en prononça le nom à l’oreille d’un taureau : il mourut aussitôt.

Il serait tentant de penser que le mythe raconté par Jacques de Voragine pourrait être originaire d’Étrurie. Bien des histoires sur les débuts de la religion étrusque se déroulent à Tarquinia, à moins de cent kilomètres de Rome. Au cours des aléas de l’époque des invasions, des gens du sud de l’Étrurie ont pu s’installer à Rome ou le motif a pu parvenir autrement, mais vraisemblablement d’Étrurie, à l’auteur qui est à la source du récit de Jacques de Voragine.

Mais tous les récits de combat contre un dragon au solstice d’hiver se situent en pays de langue indo-européenne et l’étrusque n’est pas indo-européen6. Cependant, les Étrusques ont séjourné dans quantité de pays de langue indo-européenne, en Anatolie d’abord, où ils ont pris beaucoup (culturellement, linguistiquement), puis dans l’Égée, en Crète, etc., à des époques où ces pays étaient de langue grecque. En somme, je suggère par là que les Étrusques ont pu prendre quelque part (en Anatolie par exemple) le thème du combat contre un dragon au solstice d’hiver, l’apporter en Italie, où personne, dans l’Antiquité, ne mentionne le motif du combat contre le dragon au solstice d’hiver, puis il serait passé de là, entendons d’Étrurie, à Rome, du moins dans la Rome dont parle Jacques de Voragine au xiiie siècle.

C’est une question analogue qui se posera avec le motif suivant. Il existe un pays dans lequel le motif d’un combat existe bel et bien à une date proche du solstice d’hiver et en rapport avec lui, et qui n’est pas du tout de langue indo-européenne : ce pays est la Chine.

L’image dominante du dragon chinois est toute positive : on l’a dit, le dragon, long, apporte les pluies de printemps. Mais il y a plusieurs types de dragons chinois. Voici l’histoire de l’un d’eux :

Le Nian est un animal féroce, vivant au fond des eaux, et (néanmoins) mi‑lion, mi‑taureau. Il est le héros (négatif) de plusieurs légendes, et le thème dominant est celui‑ci : le Nian sort de sous les eaux une fois par an, dans l’intention de dévorer un nouveau-né. Un soir, un mendiant passait par là, et il apprit dans quelle maison allait se dérouler le drame. Il alla voir la jeune mère et lui promit d’éliminer le monstre, si elle voulait bien lui accorder l’hospitalité. Elle accepta. Le mendiant réunit alors des chiffons couleur sang et les cloua sur la porte de la maison pour impressionner le Nian. Puis, lorsque celui‑ci approcha, il enflamma des bambous bien secs dont il s’était muni. Le bruit des bambous explosant dans un bruit sec, la couleur rouge vif des chiffons, tout cela effraya la bête qui disparut. Variante : en un temps où les dragons dominaient l’humanité, l’un d’eux se montra méprisant avec un homme, celui‑ci l’attaqua et le fendit en deux d’un coup de hache. C’est le fantôme du dragon qui apparaît alors et demande le tribut annuel d’un nouveau‑né. Dans cette version, c’est la mère de l’enfant elle‑même, la veuve Wang, qui dispose les tissus tachés de son sang à la porte et prépare les bambous secs. Elle est donc créditée ensuite de sa victoire sur le monstre.

C’est un mythe et ce mythe fonde l’une des plus importantes fêtes chinoises et d’Asie du Sud-Est, qui est appelée la fête des Lanternes. Elle est organisée, non pas exactement au solstice d’hiver, mais est fixée par rapport à lui : elle se déroule lors de la deuxième lune depuis le solstice d’hiver. C’est alors qu’a lieu le changement d’année, Guonian. Le Nouvel An est célébré dans chaque famille par la décoration des maisons avec des papiers rouges et l’explosion de pétards, la veille de la fête, puis le lendemain quand se déroule la danse du lion, chorégraphie dans laquelle deux danseurs manipulent une gigantesque marionnette en forme de lion (Genlis, 2018, « Fête des Lanternes », p. 92‑93 et « Le Nouvel An chinois », p. 134‑136).

Ce mythe et ce rite rappellent donc qu’en pays indo-européen aussi le mythe et le rite connectent le dragon — et la victoire sur lui — au solstice d’hiver. Autre point commun encore : la fête du Nouvel An chinois dure une quinzaine de jours. Cela rappelle évidemment la durée de la fête du Chaumos des Kalaš (quatorze jours) ou celle de Purulli (vingt jours). Si le dragon de la saga de Hrólf Kraki appartient au mythe, avec l’intention évidente de mettre en valeur Bödhvar Bjarki et son protégé Höttr, il convient de rappeler que les Germains, et bien d’autres peuples de langue indo-européenne, célébraient, en gros au départ de la date du solstice d’hiver, un cycle de fêtes formant l’ensemble des Douze Jours (Sergent, 1999, p. 2‑12) ; et, dans le monde germanique particulièrement, c’était là l’occasion de rituels comprenant des déguisements animaux, déguisements animaux que représentaient également les âmes des morts. Dès lors, qu’il y ait, le lendemain de la fête des Lanternes, une danse où l’on manipule une marionnette en forme de lion, laquelle évoque précisément un défunt, puisque le dragon Nian était mi‑lion, mi‑taureau et qu’une version de son histoire le présente comme un fantôme du véritable Nian assassiné, tout cela, donc, rappelle beaucoup ce qui se déroule en pays indo-européen. Corrélativement, ce dragon qu’on combat, ce dragon qu’on vainc, et que cette victoire soit corrélative d’une fête rituelle, alors que le dragon chinois est d’ordinaire beaucoup plus positif, paraît représenter une intrusion en Chine d’un matériel venu d’ailleurs. C’est un vaste sujet que celui des emprunts chinois aux cultures, de langue indo-européenne, d’Asie centrale, à savoir en particulier les Tokhariens : l’emprunt de rituels, de fêtes est documenté (Eckardt, 1953, p. 174‑189 ; Mau-Tsai, 1969 ; Papillon, 2004 et 2005).

Mais loin de moi l’idée de vouloir coûte que coûte que le domaine indo-européen soit une source qui aurait irrigué les autres cultures, et n’aurait rien reçu ! Nous savons aujourd’hui que les premiers Indo-Européens ont reçu, avant de donner, et ce qu’ils ont reçu provenait d’une haute civilisation dans leur environnement géographique : la Mésopotamie. C’est à elle, par exemple, qu’aux alentours du IVe millénaire ils ont pris la roue. Or, on disait plus haut que le dragon, chez les Indo-Européens, est destiné à être vaincu par un dieu ou par un héros. Mais en cela ils n’avaient pas innové : il en est exactement de même en Mésopotamie où, dès les temps sumériens, Ninurta, dieu de la guerre, combattait et tuait un dragon (Bottéro & Kramer, 1989, p. 350‑352) et où, à Babylone, on attribuait au dieu Marduk l’exploit cosmogonique qui consistait à avoir tué un monstre féminin, aquatique et chthonien, colossal, Tiamtu (ibid., p. 608‑6307).

Les mythes, les rituels et les populations, cela circule.

Bibliographie

Bottéro Jean & Kramer Samuel Noah, 1989, Lorsque les dieux faisaient l’homme. Mythologie mésopotamienne, Paris, Gallimard.

Boyer Régis, 2008, Saga de Hrólf kraki, Toulouse, Anacharsis.

Cacopardo Augusto, 2016, Pagan Christmas. Winter Feasts of the Kalasha of the Hindu Kush, Londres, Gingko Library.

Clos Alain, 1961, « Der lung-Drache Chinas und die Regenbogenschlange », Anthropos, no 56, p. 946‑947.

Dumézil Georges, 1969, Heur et Malheur du guerrier, Paris, PUF.

Eckardt Hans, 1953, « Somakusa », Sinologica, no 3, p. 174‑189.

Genlis Isabelle, 2018, « Fête des Lanternes », Contes & Légendes, hors-série no 5 (Noël Féerique / À l’origine des fêtes), p. 92‑93.

Genlis Isabelle, 2018, « Le Nouvel An chinois », Contes & Légendes, hors-série no 5 (Noël Féerique / À l’origine des fêtes), p. 134‑136.

Gutmann Bruno, 1914, Volksbuch der Wadschagga. Sagen, Märchen, Fabeln und Schwänke der Dschagganegern nacherzählt, Leipzig, Evangelisch-Lutherische Missionäre.

Hoff Ansie, 1997, « The Water Snake of the Khoekhoen and /Xam », The South African Archaeological Bulletin, vol. 52, no 165, p. 21‑37.

Huy Julien d’, 2013, « Le motif du dragon serait paléolithique : mythologie et archéologie », Bulletin Préhistorique du Sud-Est, vol. 21, no 2, p. 195‑215.

Huy Julien d’, 2014, « Mythologie et statistique. Reconstructions, évolution et origines paléolithique du combat contre le dragon », Bulletin de la Société de mythologie française, no 256, p. 17‑22.

Huy Julien d’, 2016, « Première reconstruction statistique d’un rituel paléolithique : autour du mythe du dragon », Nouvelle Mythologie comparée, no 3, p. 1‑33.

Jacques de Voragine, 2004, La Légende dorée, Paris, Gallimard, coll. « La Pléiade ».

Le Quellec Loïc & Sergent Bernard, 2017, Dictionnaire critique de mythologie, Paris, CNRS Éditions.

Lévi-Strauss Claude, 1968, L’Origine des manières de table, Paris, Plon.

Liu Mau-Tsai, 1969, Kutscha und seine Beziehungen zu China vom 2. Jh. v. bis zum 6. Jh. n. Chr., 2 vol., Wiesbaden, O. Harrassowitz, coll. « Asiatische Forschungen ».

Masson Émilia, 1991, Le Combat pour l’immortalité. Héritage indo-européen dans la mythologie anatolienne, Paris, PUF.

Papillon Serge, 2004, « Influence tokharienne sur la mythologie chinoise », Sino-Platonic Papers, no 136.

Papillon Serge, 2005, « Mythologie sino-européenne », Sino-Platonic Papers, no 154.

Schmidt Sigrid, 1979, « The Rain Bull of the South African Bushmen », African Studies, vol. 38, no 2, p. 201‑224.

Sergent Bernard, 1998, « Celto-Hethetica I : le dragon hédoniste », Bulletin de la Société de mythologie française, no 193, p. 15‑35.

Sergent Bernard, 1999, « Histoire ancienne des Douze Jours », Bulletin de la Société de mythologie française, no 196, p. 2‑12.

Sergent Bernard, 2018, Les Dragons. Mythologies, rites et légendes, Fouesnant, Yoran.

Varenne Jean, 1982, Cosmogonies védiques, Milan, Archè.

Notes

1 Je ne parle pas d’Aborigènes, pour ne pas faire de confusion : les Aborigènes, les vrais, sont un peuple de l’ancien Latium. Retour au texte

2 Dans trois articles récents, Julien d’Huy a développé les idées suivantes : a) tous les mythes du dragon sont interconnectés dans le monde entier (c’est son postulat de départ) ; b) le lien avec l’eau est consubstantiel au dragon et entre dans sa définition (hélas, quantité de dragons ne sont aucunement liés aux eaux : ainsi les dragons des mythes iraniens et celui, germanique, de la Saga de Hrólf Kraki, celui du Nouvel An en Chine ou chez les Kalaš) ; c) cela prouve que le thème du combat contre le dragon remonte au paléolithique (quantité de dragons ne sont pas tués : le dragon boschiman, le dragon australien, le dragon chthonien et céleste chinois, le Boiasu amazonien) ; d) la géographie des mythes dragoniens représente celle de l’expansion humaine. Sur cette base, il se livre à une de ses enquêtes statistiques dont il a le secret et qui consiste à découper des mythes et tranches fines, à tout mettre dans un ordinateur et à faire traiter le matériel en question par un logiciel qui permet de déceler la proximité ou l’éloignement statistiques des différentes versions. Là, chose curieuse, il découvre par exemple que les versions chinoises-japonaises sont les plus proches des versions boschimans, tandis que les versions européennes sont beaucoup plus éloignées. J’espère qu’il lira le présent article, où il trouverait une indication sur ce phénomène. Mais sa documentation est presque exclusivement anglo-saxonne, et à le lire on se demande si des francophones, des germanophones, des italophones ont jamais écrit sur les dragons ! (Julien d’Huy, 2013, p. 195‑215 ; Julien d’Huy, 2014, p. 17‑22 ; Julien d’Huy, 2016, p. 1‑33). Je remercie M. Dominique Hollard de m’avoir fait connaître deux de ces articles. Retour au texte

3 Sur le bloc supérieur du Pilier des Nautes parisii, sur une des quatre faces, un dieu, Smert…, affronte un serpent qui se dresse face à lui. J’ai comparé ce dieu à Indra, car son nom le désigne comme le « Distributeur ». Le meurtre du dragon par Indra a permis d’opérer la « distribution » sur la terre des eaux, des vaches, etc. Retour au texte

4 Le texte de cette saga est aujourd’hui accessible en français, Saga de Hrólf kraki, présentée, annotée et traduite du vieil islandais par Régis Boyer (2008). L’épisode évoqué se trouve aux pages 109‑110. Rappelons que cet épisode est parvenu à la connaissance du public cultivé grâce à Georges Dumézil qui, dans son livre Heur et Malheur du guerrier (1969), dans un chapitre intitulé « Scénarios et accessoires » (p. 133‑145), comparait ce dragon tué et remonté du mythe scandinave à un épisode semblable dans la mythologie védique. Retour au texte

5 Le principal ouvrage sur la question est aujourd’hui celui d’Augusto Cacopardo (2016). Retour au texte

6 Dans un livre à paraître aux éditions Les Belles Lettres (Paris), L’Aube des Étrusques, j’expose que l’étrusque appartient à la famille linguistique est‑caucasique, celle des Tchétchènes et des Ingouches. Retour au texte

7 Ils écrivaient encore Tiamat. Retour au texte

Citer cet article

Référence électronique

Bernard Sergent, « Autour du dragon », IRIS [En ligne], 41 | 2021, mis en ligne le 28 novembre 2021, consulté le 19 mars 2024. URL : https://publications-prairial.fr/iris/index.php?id=2137

Auteur

Bernard Sergent

Président de la Société de mythologie française

Droits d'auteur

CC BY-NC 4.0