Renversement européen du dragon asiatique

  • European Reversal of the Asian Dragon

DOI : 10.35562/iris.2159

Résumés

En Europe, la liste des saints sauroctones, tueurs de dragons, est longue : depuis l’archange Michel, saint Georges, saint Marcel jusqu’au capitaine Nemo du célèbre roman de Jules Verne. Il en va différemment en Asie continentale et spécialement en Chine, où le dragon jouit d’une valorisation extrêmement positive. Quelles sont les causes d’un tel renversement symbolique ? C’est ce que nous tentons d’élucider dans cet article. Le dragon, si chargé de malignité en Occident et nécessitant un héros pour le combattre et restaurer, contre la perversité multiple, la solidité de l’être, est, en Orient chinois, une image bénéfique qui s’enrichit de toutes les richesses de la multiplicité : assimilé au « Fils du Ciel », empereur de l’ici‑bas terrestre, au moyeu du monde changeant, il assure la bonne ordonnance des pluralités politiques, géographiques, calendaires et anthropologiques. Deux visions du monde se trouvent dressées face à face : l’une qui sauve l’être‑un en pourfendant le dragon, l’autre qui reconnaît la valeur des changements et transformations.

The list of saints dragonslayers is long in Western tradition: from archangel Michael, Saint George, Saint Marcel up to captain Nemo from the famous Jules Verne’s novel. It is quite different in East Asia and especially in China, where the dragon benefits from an extremely positive valuation. What are the causes of such a symbolic reversal? This is what we are trying to elucidate in this paper. The dragon, so laden with malignity in the West and requiring a hero to fight it and to restore, against multiple perversity, the solidity of the concept of being, is an auspicious image in the Chinese world that benefits from the riches of multiplicity: assimilated to the “Son of Heaven”, emperor of all under heaven, located in the center of the changing world, he ensures the correct order of political, geographic, calendar, or anthropological pluralities. Two world views stand face to face: one that saves being by slaying the dragon, the other which recognizes the value of changes and transformations.

Plan

Texte

Pour commencer, il nous faut décrire rapidement l’essentiel des deux acceptions symboliques du dragon. Notre première partie sera donc un double état des lieux des symbolismes du dragon en Occident et en Orient, spécialement en Chine. La seconde partie sera consacrée à l’interprétation, voire à l’explication de cette profonde divergence d’évaluation symbolique du dragon1.

État des lieux symboliques

L’Europe sauroctone

En Europe la liste des saints sauroctones — c’est-à-dire tueurs de dragons — ne se borne pas à l’archange Michel et à saint Georges de Cappadoce. Certes, ces deux héros sont les plus éminents. Saint Michel Archange « l’archistratège » a deux fonctions essentielles : celle de peseur d’âmes et surtout celle qui nous intéresse ici de pourfendeur de dragons, titre que lui donne l’Apocalypse XII, 7. La sacralisation de l’épée sauroctone figure déjà en I, 16 où le « glaive à deux tranchants » sort de la bouche du Fils de l’Homme. Comme le « dragon » du chapitre XII, la Bête du XIII possède « sept têtes », elle a d’ailleurs été confirmée dans sa puissance par « le Grand Dragon » (XIII, 3). De même que « la Bête qui monte de la mer » redouble pour ainsi dire le Grand Dragon, elle‑même est redoublée (XII, 11) par « la Bête montant de la terre », maîtresse de la foudre (XII, 3) et qui « parle comme un Dragon » (XIII, 11). Autre redoublement au chapitre XVII, « la Bête écarlate aux sept têtes » est chevauchée par Babylone « la Grande Prostituée ». Nous avons bien là ces fameuses redondances qui signalent le procédé mythologique. Dès le viie siècle (Fresque du Monte Cargano, Italie), saint Michel est représenté affrontant le dragon à sept têtes de l’Apocalypse. Au xiie siècle encore, sur la fresque de la cathédrale du Puy (France), l’archange gigantesque debout sur le dragon mesure 5,55 mètres… Inutile de rappeler ici que l’archange est le protecteur de Bruxelles comme il l’avait été de Rome lors de l’épidémie de peste de 590 comme on peut le voir remettant son épée au fourreau, au faîte du Castel San Angelo qui est, ne l’oublions pas, la tombe de l’empereur païen Hadrien. « Monseigneur saint Michel » devient le protecteur du royaume de France sous les Valois, et en 1469 Louis XI fonde l’ordre de la chevalerie de Saint-Michel (Fraipont, 1937 ; Gasnier, 1944). Quant à saint Georges, l’officier romain de Cappadoce, patron des chevaliers teutoniques en Allemagne, saint national et patron de l’ordre de la Jarretière en Angleterre, il s’illustre d’abord comme ce saint sauroctone, s’élançant à cheval, l’épée haute, sur un dragon qu’il terrasse tandis qu’il délivre la fille d’un roi captive du monstre, épisode tant de fois illustré par Raphaël (Musée du Louvre), Schongauer, Bellini et dont l’Arioste se souviendra dans le Roland furieux (Antonucci, 1932 ; Delehaye, 1909).

Mais la liste des sauroctones est fort longue : saint Bertrand de Comminge, saint Béat de Thun, saint Hermentaire de Draguignan (la ville du Drac…), saint Hilaire de Poitiers, saint Marcel de Paris, etc. Sans compter les saintes qui capturent des dragons, comme sainte Marguerite et sainte Marthe. Nous arrêtons ici cette énumération qui risquerait d’être fastidieuse (voir Durand, 1992, p. 182 et 184 ; Dontenville, 1948, p. 138 et suiv.).

Soulignons simplement deux points importants. Premièrement, en Occident chrétien, le dragon est toujours une figure négative qui, au gré des avatars des religions chrétiennes, sera l’allégorie facile de tout adversaire du christianisme : Antechrist, Satan, païen de Rome ou de Babylone, Maure, mécréant, infidèle, réformés pour les papistes, papes pour les protestants, juifs pour les nazis, nazis pour les Anglo-Saxons… Secondement, dans le récit fondateur de l’imaginaire chrétien du dragon (nous verrons plus loin qu’il y a d’autres récits fondateurs antérieurs au christianisme), l’œuvre qu’accomplit le sauroctone est la délivrance d’une femme (princesse ou, dans l’Apocalypse, mulier amicta sole, femme lumineuse, vêtue de soleil) et le dragon néfaste est à la fois assimilé à la lune (saint Bernard) « foulée aux pieds » et surtout à un monstre géant capable de tout engloutir en vomissant les eaux du déluge. Plus loin (Apocalypse, XIII), le symbolisme de l’eau néfaste est encore renforcé par l’apparition de la « Bête qui monte de la mer » et qui porte la Grande Prostituée…

Soulignons donc cette dissociation peu commune entre la princesse ou la vierge sauvée par le sauroctone, et les symboles coutumiers de la féminité : l’eau et la lune, et à la limite la mauvaise femme, la Prostituée. C’est qu’il y a deux féminités : celle d’Ève tentée par un Satan à corps de serpent, et celle de Marie immaculée mutans Hevae nomen

Il serait temps avant que de tourner cette page sur l’archétype occidental du sauroctone, de donner une définition du terme dragon — que l’on retrouve presque semblable en italien drago, et en espagnol dragón, en anglais dragon, en allemand Drache — qui vient du grec ancien drakôn de la racine dark qui signifie quelque chose ayant trait à la vision, au regard. D’où le verbe derkomai, « voir », qui donne dedorkôs, « celui qui entend », « le connaissant ». Par ailleurs, le folklore français est fertile en appellations de rivières par le terme Drac (rivière affluent de l’Isère à Grenoble par exemple, mais également dans tout le bassin du Rhône et l’on repère des légendes semblables en Berry, en Auvergne, en Franche-Comté, etc.) liées — de façon néfaste bien sûr ! — à des représentations mi‑féminines, mi‑ichtyomorphes ou ophidiennes (Sébillot, 1983 ; Bladé, 1986). Ces génies protéiformes des rivières sont nommés Draci ; une légende rhodanienne raconte qu’une jeune fille contrainte par un Drac à manger un gâteau confectionné de chair de serpent, se touchant par mégarde les yeux « eut le pouvoir de voir clair sous l’eau » (Sébillot, 1983, p. 170 et suiv.)2.

Nous avons donc en Europe, même en faisant abstraction des charges péjoratives dont l’Occident grève le dragon, autour de la racine indo-européenne dark et de ses éponymes, toute une constellation répétée d’images qui gravitent autour de trois pôles : la vision, et même la clairvoyance, les attributs aquatiques sauriens, ophidiens ou ichtyomorphes, certains traits de la féminité lunaire plus près de la fécondité que de la virginité. Nous allons assister maintenant, autour de ce noyau sémantique, à une inversion axiologique complète si nous passons à l’étude du dragon en Orient et nommément dans la vaste et pérenne culture chinoise.

Vénération chinoise du dragon

Un fait qui a défrayé toute la presse et les médias chinois (Ren-min-ri‑bao / Le quotidien du peuple, octobre 1995) peut être emblématiquement apporté pour préluder ici à cette valorisation extrêmement positive du dragon en Chine. Pour le cinquantième anniversaire de l’ONU en 1995, la République populaire de Chine a offert un tripode géant d’une tonne et demie (ding, le tripode inventé par le premier des cinq empereurs légendaires, l’empereur Jaune, est l’emblème du pouvoir du souverain, et du pouvoir souverain dispensateur de l’abondance, de la justice, de la concorde et du bonheur). Nous avons déjà comparé aux chaudrons d’abondance et au Graal occidentaux (Durand & Sun, 2000 ; voir aussi Pimpaneau, 1988) ce « tripode merveilleux du siècle » (shi-ji-bao-ding). Sur les flancs de bronze de deux mètres et un décimètre (symbolisant le deuxième millénaire qui s’achève : vingt siècles plus un !) sont figurés cinquante-six dragons représentant les cinquante-six ethnies que rassemble la Chine. Cette relation entre le ding, les populations de la Chine et, nous allons le voir, les dragons est aussi signifiée par les neuf tripodes que Yu-le-Grand, fondateur de la première dynastie historique de la Chine (la dynastie des Xia, 2207 av. J.‑C.), fit fondre à partir d’un tribut de métal apporté par les neuf chefs des provinces extérieures au domaine royal. L’origine de cet emblème du pouvoir est repérée dès l’âge du bronze et perdure officiellement jusqu’en 1912, date de l’effondrement de l’empire Mandchou. « Le dragon a donc, en Chine, une existence de quatre, sinon cinq millénaires. » (Tournier, 1991, p. 118) Certes, à l’aube mythologique des souverains fondateurs, le dragon joue un rôle ambigu dans la légende de Yu-le-Grand, à la fois vainqueur de la Bête divine du Marais du Tonnerre, tout comme nos occidentaux sauroctones, et qui fit avec la peau de la Bête un tambour, et à la fois maître des eaux, aménageant et disciplinant le cours des fleuves, et fondant la première dynastie (celle des Xia) qui a pour emblème héraldique le dragon. Mais cette ambiguïté est vite écartée dès l’intronisation du fameux empereur Jaune (Huángdi) — le jaune étant la couleur de la Terre, cinquième élément au milieu des quatre autres — comme « Fils du Ciel » : son pouvoir repose sur un dragon maître des eaux célestes, c’est-à-dire à la fois des nuages, de la pluie et du tonnerre.

Lorsque l’on passa des simples royautés à un empire plus largement fédérateur, l’empereur Jaune (Huángdi) hérita, si l’on peut dire, de ding, le pouvoir bienfaisant du dragon (dynastie des Han, 206 av. J.‑C.). Ce dragon peut alors signifier réellement, « au carré » en quelque sorte, la fédération des nations de l’empire et l’empereur lui‑même. Cette thériomorphie composite à signification impériale n’est pas exclusivement chinoise : les Keroubim assyro-babyloniens, dont héritera la Bible comme « trône de Dieu », « gardiens du trésor », sont bien l’emblème du pouvoir, du « trésor » des « rois », empereurs d’Assur et de Ninive (Botéro, 1962 ; Botéro & Kramer, 1989).

C’est le même rôle que joue le sphinx égyptien à tête de pharaon, puissance souveraine, impitoyable aux rebelles, protectrice des bons (Posener & Yoyotte, 1959 ; Hornung, 1987).

Le dragon multiforme transmet donc « le mandat du ciel », il est pour ainsi dire la clairvoyance de l’empereur et la sagesse du sage : Confucius appelle Lao‑Zi « Dragon », tout comme le Démiurge (Fu‑Xi) appelait ses hauts dignitaires. Meubles, vêtements, trône du Fils du Ciel sont ornés de dragons. Donc l’animal fabuleux est des plus bénéfiques. Selon un phénomène d’impérialisme symbolique, bien étudié à Rome par Dumézil (1966), il arrive à capter des éléments symboliques contradictoires. La simple image du reptile géant à tête humaine, griffu et quelquefois ailé, se complique. Le Dragon Céleste (Tian long) porte tête de chameau, cornes de cerf, yeux de lapin, col de serpent, ventre de grenouille, serres de vautour, pattes de tigre, oreilles de vache, barbe de bouc, etc. Signalons au passage que dans cette liste des neuf attributs ne figurent pas d’ailes. Lié dans son essence d’énergie, de puissance, de croissance au principe Yang, il est le printemps, mais étant la pluie bienfaisante, le tonnerre du printemps, la puissance de l’eau il est aussi Yin… C’est ce qui explique que le dragon crache tantôt de l’eau tantôt du feu, comme le nuage d’orage. C’est la raison pour laquelle très souvent l’ornementique chinois représente deux dragons, bien proches dans leur figuration de la dualitude du Tai-ji-tu (symbole de l’unité du Yang et du Yin), lovés autour d’une perle merveilleuse dont on a des échos en Occident dans le trésor que garde le dragon, que le sauroctone — Sigurd ou Siegfried ! — conquiert par l’épée, mais que la Chine de Confucius, de Lao-Zi et des empereurs bienfaisants s’approprie par la sagesse et la justice. Perle du dragon bien proche de la « parole » du Ciel et… du Fils du Ciel ! Mao Zedong disait : « On ne discute pas de la perle du dragon. »

Ce trop rapide état des lieux en Occident et dans un Orient — surtout chinois, mais nous aurions aussi pu nous interroger sur le rôle bénéfique du serpent nâga (à sept têtes…) dans le bouddhisme khmer (Groslier, 1956) — nous montre l’opposition totale du symbolisme du dragon dans la civilisation occidentale et dans la civilisation chinoise. En Occident, le dragon, à l’image sommaire d’un grand saurien griffu et aux traits du visage plus ou moins humains, est dans la majorité des cas un symbole négatif, lié au mal, au péché, à la « male mort », à la féminité néfaste d’Ève et que le héros doit combattre ; en Chine, l’image impérialiste du dragon, confondue avec le Ciel et le Fils du Ciel, se charge de tous les bienfaits possibles pour la condition humaine : sagesse, équilibre, justice, paix, prospérité, comme elle se charge de toutes les créatures du Yang et du Yin. C’est à une telle contradiction qu’il faut maintenant tenter de donner une explication ou du moins une interprétation.

Interprétations du renversement symbolique

Réfutation de l’explication historique de Jurgis Baltrusaitis

Il nous faut d’entrée réfuter l’explication historique que tente Jurgis Baltrusaitis alignant dans un processus linéaire, unidimensionnel, la « diffusion » de l’image du dragon de sa positivité mongole à sa négativité chrétienne, par le moyen terme des invasions mongoles du xiiie siècle (Baltrusaitis, 1981).

Certes, il ne faut pas nier les échanges pacifiques assez intenses entre Orient chinois et Europe, spécialement au xiiie siècle, et — Baltrusaitis le reconnaît lui‑même — c’est surtout au Moyen-Orient que ces échanges sont sensibles : pour l’Europe les Tatars sont « très loin » (sic) et « le même facteur mongol transmet en premier lieu les ailes de chauve-souris et une famille de diables » (Baltrusaitis, 1981, p. 174 ; voir aussi Étiemble, 1988, chap. 10, note 18). Malgré le jeu de mots (attribué à saint Louis) entre Tatar et Tartare, l’Occident chrétien n’emprunte à ces derniers que leurs diables pour figurer son propre diable et non pas le sacro-saint dragon ! Nous avons noté au passage que les « ailes de chauve-souris » ne sont pas répertoriées dans le bilan descriptif du Classique des monts et des mers (Mathieu, 1983) ; d’ailleurs, dans la plupart des images que nous fournit l’iconographie chinoise, le dragon, par essence volatile comme les nuages, ne porte pas d’ailes du tout (Combaz, 1945 ; Beresniak & Random, 1988). En revanche, c’est bien le « démon-foudre », spécialement Lei-Gong — dont on trouve l’image dans le fameux singe rebelle « aux yeux de feu, aux pupilles d’or, à la tête en pointe, à la face velue » du célèbre roman fantastique Xi you ji qui expliquera sa conversion par Tripitaka (Sun, 1996) —, « Duc du Tonnerre » qui est souvent affublé d’ailes membraneuses de chiroptères.

De plus, il y a une contradiction radicale et à quelques pages d’intervalle, chez le savant lituanien, entre la soi‑disant terreur qu’inspire à la chrétienté l’avancée mongole en Europe orientale (elle n’atteignit ni la France, ni l’Italie, ni l’Allemagne, etc.), le « fléau jaune » (Baltrusaitis, 1981, p. 179) qui aurait démonisé toute image venue d’Extrême-Orient, et l’éblouissement, la séduction (ibid., p. 166-168) que produit au siècle franciscain, le xive siècle, la découverte de l’Asie orientale. De Chine arrivent épices, soies, étoffes, céramiques — et même la mode de la coiffure féminine (Mély, 1927 ; Étiemble, 1988). Plus loin (Baltrusaitis, 1981, p. 203), Jurgis Baltrusaitis, tout comme Charles Sterling (Sterling, 1931 ; voir aussi Gernet, 1990), repère la concordance qu’il y a entre l’art traditionnel du paysage en Chine et le paysage qui, soudain, trouve sa place à partir du xive siècle en Europe. Mais, en historien trop pointilleux, le savant médiéviste se laisse fasciner par la convergence entre le vitalisme des peintres chinois et celui de Bruno Latino ou de Léonard. Or le plus important n’est pas l’évident zoomorphisme qui apparaît dans ces paysages, mais la soudaine complicité philosophique entre le pancosmisme chinois et l’esthetica moderna des franciscains (Durand, 1989). Le naturalisme et l’éthique de fraternité franciscaine démentent pour quelques décennies l’« humanisme » héroïque et guerrier du Moyen Âge. Quoiqu’il en soit, cette véritable mode pour ce qui vient de Chine aux xiiie et xive siècles exclut — et exclut doublement, nous venons de l’indiquer ! — l’explication de la démonisation de l’image du dragon et de son corollaire, l’éthique sauroctone, par la terreur tatare/tartare. La dynastie mongole (les Yuan), avec l’avènement de Kubilai en 1260, entretient pendant un siècle les rapports les plus cordiaux avec l’Occident chrétien. C’est l’époque où les franciscains, tel Odoric de Poderine, et les marchands vénitiens Niccolo, Matteo et Marco Polo explorent la Chine. D’autre part, et surtout, les chrétiens, loin de voir dans les Mongols une menace, les envisagent plutôt comme un sérieux contrepoids à l’influence et à la domination de l’ennemi infidèle : les Tatars sinisés occupent Bagdad, Kaboul, Samarcande, l’Iran, Bassora, la Géorgie… Les Khans deviennent les voisins redoutables des redoutés Seldjoukides et Mameluks usurpateurs des lieux saints.

Enfin, et surtout, argument décisif, le paradigme du héros vainqueur du dragon est bien antérieur en Occident aux rumeurs « lointaines » des conquêtes mongoles de la fin du xiiie siècle. Les illustrations du thème fameux du livre de l’Apocalypse n’ont pas attendu la fin de ce siècle : ce thème se trouve déjà dans les fresques du viie siècle du Monte Gargano et on peut ajouter les bas-reliefs du xiie siècle à Saint-Gilles en Languedoc (France), le tympan de l’église d’Entraigues (France), etc., et surtout le dragon figure tant dans le Codex de Bamberg (xie siècle) — où nous avons explicitement un saurien à queue de serpent, ailé et crachant l’eau mortelle — qu’au porche de Saint-Savin en Poitou (xiie siècle) et dans le fameux manuscrit du Beatus de Liebana (viiie siècle)3. Bien mieux, il y a toute une tradition préchrétienne du dragon vaincu par le héros à laquelle l’iconographie chrétienne est redevable, bien plus qu’elle ne l’est à l’iconographie orientale : parce qu’ici lui sont donnés et le monstre dragon (ou hydre) et le héros sauroctone. Toutes les symboliques nourricières de l’Occident (hellénique, germanique, celtique) convergent pour installer dans l’imaginaire cette éthique sauroctone. La mythologie grecque déborde d’exploits héroïques (voir Grimal, 1951 ; Cazenave, 1996 ; Graves, 1967) qui imprègnent toutes les fabulations, les rêves et les projets européens : c’est Persée qui, par le reflet de son bouclier, aveugle puis tue Méduse — ailée, dentée et portant serpents en coiffure — dont le regard était pétrifiant. Il aveugle également les trois sœurs aînées des Gorgones qui n’avaient qu’un œil pour trois, puis le héros délivre la belle Andromède et récidive en tuant le monstre marin qui la garde. C’est Jason vêtu d’une peau de panthère (dans la tradition chrétienne du Physiologus, assimilée à la pureté face au dragon impur) au terme de sa navigation, endormant un dragon pour s’emparer du trésor de Colchide : la Toison d’Or. Bellérophon monté sur le cheval Pégase, issu de la foudre et de l’eau, tue Chimère, monstre composite de lion, de chèvre et de serpent crachant le feu. Et que dire d’Héraklès/Hercule qui, dès son enfance, étouffe les serpents envoyés par la jalouse femme Héra qui, dans ses douze exploits, tue Géryon le monstre à trois têtes, capture le monstre Cerbère et surtout tue le serpent monstrueux à sept têtes, l’Hydre de Lerne ?

L’apport germanique est également très important : la Chanson des Nibelungen n’a cessé d’irriguer l’imaginaire européen depuis l’Edda scandinave jusqu’au Ring de Richard Wagner. Le héros est Sigurd (Scandinavie), Sivard (Danemark) ou le fameux Siegfried germanique qui tue le dragon Fafner, boit son sang et devient clairvoyant : il comprend le chant des oiseaux (Boyer, 1991 ; Dumézil, 1953). Dans la tradition celtique, fortement revivifiée dans la chrétienté au xiiie siècle, c’est la pléiade des héros/chevaliers de la matière de Bretagne : Peredur/Parsifal, Yvain, Lancelot, Gauvain, Arthur et son ancêtre au nom significatif Uther Pendragon. Mais c’est dans la légende de Tristan que l’affrontement, soit avec le géant Morholt venu d’Irlande, soit carrément avec le dragon, se charge de toutes les harmoniques positives ou négatives de la féminité (Graves, 1995 ; Markale, 1971 ; Walter, 1990).

Derrière toutes ces sources grecques, celtiques ou germaniques relatant le combat sauroctone, transparaissent presque toujours çà et là les relations du dragon avec la vision, avec l’élément marin et aquatique, avec la multiplication des têtes. Ce corpus sauroctone d’avant la déferlante mongole des années 1240‑1250 montre amplement que l’imaginaire occidental n’a nul besoin, pour représenter le mal, des figurations — même celles de démons — importées d’Asie centrale.

Mais alors la question reste entière. Qu’est‑ce qui provoque et justifie ce traitement si contradictoire de la figure du dragon en Orient, spécialement en Chine, et en Occident ? Il faut reprendre ici la vieille méthode d’André Leroi-Gourhan que Gilbert Durand préconisait il y a quarante ans : « Si le document échappe trop souvent à l’histoire, il ne peut échapper à la classification. » On doit alors passer d’une explication diachronique et linéaire à une « forme causative » (Sheldrake, 1985), synchronique (Lévi-Strauss, 1958), topologique et « constellante » (Leroi-Gourhan, 1943) et à la notion de champ sémantique.

Interprétations mythologiques

Il faut auparavant réaffirmer avec force que tout symbole, tout archétype est axiologiquement neutre. Il n’y a pas de bon ou de mauvais mythes, tout dépend de l’usage que l’on en fait. Dans les Structures anthropologiques de l’imaginaire, Gilbert Durand constatait que le « régime nocturne » des images n’est pas le seul qui peut être négativisé, qu’il y a a contrario un « enfer agoraphobique » que Dante avait déjà décrit et que constatent bien des psychologues (Durand, 1992, p. 306‑307 ; voir aussi Baudouin, 1952 ; Sechehaye, 1950 ; Durand, 1988). Indifférence dans la responsabilité éthique, si l’on peut dire, que reflète bien le curieux phénomène — assez fréquent dans le mythe et même tout récit littéraire — de l’inversion des voix passives/actives du verbe : le justicier abuse de sa justice, le faste devient néfaste, l’arroseur est arrosé (Durand, 1996, voir spécialement chap. 6) ! Un renversement des valorisations symboliques est donc toujours possible soit, comme le montrent le psychologue ou même l’épistémologue, lorsque l’on envisage deux caractères, deux personnalités qui fonctionnent à des régimes différents (Durand, 1988 ; Durand, 1996, spécialement chap. 3 et 4 ; Holton, 1981), soit que l’on passe d’une époque (de longue durée qu’on appelle bassin sémantique) à l’autre, soit surtout lorsque l’on saute d’une région culturelle à une autre bien plus lointaine.

Or c’est précisément ce qui se passe lorsque l’on saute d’une culture comme celle de l’Occident chrétien à une culture comme la chinoise, que tout sépare : la distance géographique, le groupe linguistique, les souches ethniques, préhistoriques et ethnologiques, les horizons philosophiques et religieux…

Gilbert Durand a suffisamment insisté dans plusieurs de ses travaux sur l’appartenance de la culture occidentale au régime diurne de l’imaginaire, et plus précisément à ses caractères schizomorphes (ou diaïrétiques) pour que nous y revenions ici (Durand, 1992, notamment p. 202‑215 ; Durand, 1984 ; Durand, 1994, spécialement chap. 1). Disons, pour résumer, que le triple enracinement de l’Occident se fait dans la philosophie socratique, le monothéisme judéo-chrétien et les langues du groupe dit indo-européen. Philosophie dualiste socratique et platonicienne renforcée par la logique aristotélicienne du tiers-exclu, monothéisme de l’être rejetant le non‑être comme le mal, le multiple, fausse dialectique de type hégélien, prisonnière d’une thèse et d’une unique antithèse, tous ces cadres culturels favorisaient en Occident le mythe, et même le culte, du héros combattant et vainqueur du monstre des ténèbres (Durand, 1992, p. 202‑207 ; Baudouin, 1952 ; Campbell, 1956 ; Vries, 1963 ; Sellier, 1970).

Pour faire simple — si toutefois une telle simplification est permise pour une culture de plus de cinq mille ans et couvrant une population de plus d’un milliard d’individus ! — et si l’on résume l’étude que Chaoying Sun a consacré à l’imaginaire chinois (Durand & Sun, 2000, chap. 3), disons que la plupart des grands emblèmes de la civilisation chinoise (Mathieu, 1989 ; Granet, 1988 ; Granet, 1994 ; Eberhard, 1986 ; Yuan, 1985) indiquent une orientation nocturne — mystique ou synthétique, selon la terminologie de Gilbert Durand — de l’imaginaire chinois : le fameux ding (tripode) auquel est assimilé le Dao/Tao lui‑même (Lao-tseu/Laozi, 1967), le Ming Tang dans la salle centrale où siège le « Fils du Ciel » de l’empire du Milieu (Zhong‑guo) et la Grande Muraille (Wan-li-chang-cheng), enfermant et défendant l’empire sur cinq mille kilomètres, sont des symboles mystiques — c’est-à-dire suggérant la logique de dualitude où le contenu suggère le contenant, et vice versa — au plus haut degré et de la plus vaste extension. On se trouve face à une logique et une symbolique portées par une langue idéogrammatique, dans laquelle un signe — lui‑même composé généralement de sous-signes (éléments de base ou clés) — dit directement ce qu’il montre (image ou concept), sans succomber aux pièges des analyses grammaticales (genre, nombre) ou alphabétiques.

Mais encore plus intéressants, en ce qui concerne notre sujet, sont les aspects synthétiques de ce nocturne culturel. C’est que le dragon (long), c’est-à-dire l’empereur comme « mandat du Ciel », moyeu du monde, est le modèle de la mise en ordre à la fois des contraires qui constituent la nature ou la société (coincidentia oppositorum) et du déroulement (au sens fort du terme) temporel des choses. L’empereur au milieu du Ming Tang ordonne aussi bien les orientations de l’espace que le calendrier. La philosophie de l’être, chère à l’Occident, est remplacée par une philosophie de l’incessante et constituante transformation qui est contenue dans un livre immémorial — ou tout au moins dont on attribue la création légendaire au dragon lui‑même qui l’aurait apporté au démiurge Fu‑Xi (lui‑même figuré avec une queue de serpent) —, le Livre des Changements (ou : Livre des Transformations / Yi Jing), qui a inspiré, pour le moins, tous les fondateurs de la philosophie chinoise — Confucius, Laozi, Zhuangzi, etc. (Yi King. Le Livre des Transformations, 1973). Ce système des transformations à partir de deux seuls éléments, le Yang (figuré par une ligne continue) et le Yin (figuré par une ligne rompue en son centre), repose sur les soixante-quatre combinaisons possibles de ces deux figures linéaires groupées en hexagrammes. Il y a donc en toute circonstance (naturelle, politique, sociale, psychologique) soixante-quatre occurrences possibles de situations instables et toujours muables. Remarque capitale : le dualisme primitif et apparent du Yin et du Yang absolus — c’est-à-dire occupant l’un ou l’autre les six traits de l’hexagramme — est radicalement minoritaire puisqu’il ne figure que deux (1 + 1) occurrences sur les soixante-quatre ! Le dualisme se dissout en dualitudes en même temps que l’être se monnaye en ses devenirs ! Dans la collection de huit trigrammes matriciels (Tournier, 1991, p. 110), le dragon est l’emblème du trigramme Zhen qui se situe comme troisième terme : après le Père, c’est-à-dire le Ciel, et la Mère, c’est-à-dire la Terre, le fils premier-né a pour image le tonnerre ; dans le quadrant des saisons, il est la marque du Nord‑Est4. Début du quadrant Est, début du printemps, « c’est alors que le Yang manifeste le plus activement son pouvoir de mutation » et son attribut essentiel est « le mouvement ». Si l’on passe du calendrier à l’horloge, là encore le dragon est situé à une place stratégique : l’heure où le Yang croît et provoque des mutations (cinquième heure double de l’horloge chinoise, c’est-à-dire entre sept et neuf heures).

Ces quelques exemples suffisent bien à éclairer la positivité de l’emblème du dragon, modèle du « Fils du Ciel », et dont les soixante-quatre stases du Yi Jing sont en quelque sorte le catalogue des pouvoirs.

Conclusion

Ainsi l’image du dragon, si chargée de malignité en Occident et nécessitant un héros pour la combattre et, contre la perversité multiple, rétablir la solidité de l’être, est en Orient chinois une image bénéfique qui s’enrichit de toutes les richesses de la multiplicité : assimilé au « Fils du Ciel », empereur de l’ici‑bas terrestre, au moyeu du monde changeant, il assure la bonne ordonnance des pluralités politiques, géographiques, calendaires, anthropologiques. Face à face se trouvent dressées deux visions du monde : l’une qui sauve l’être-un en pourfendant le dragon, l’autre qui se contente de mettre en ordre changements et transformations… Au passage, on peut souligner le bénéfice d’un traitement scientifique synchronique pour élucider les vastes horizons de très longues durées culturelles. Reste à se demander si des cultures fondées sur des valeurs si antagonistes attribuées à l’archétype commun de l’animal fabuleux à tête humaine, à corps de serpent, à griffes de tigre peuvent s’accorder pour une fructueuse gestion du monde qui est le partage de notre commune condition humaine…

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Notes

1 Cet article a d’abord été publié deux fois en Belgique : Chaoying Sun & Gilbert Durand, 1996, « Renversement européen du dragon asiatique », dans Saints et Dragons. Rôle des traditions populaires dans la construction de l’Europe, Bruxelles, Ministère de la Communauté française de Belgique, série « Tradition Wallonne », vol. 1, p. 15‑26 ; Chaoying Sun & Gilbert Durand, 1997, « Renversement européen du dragon asiatique », Cahiers internationaux de symbolisme, nos 86-87-88, Rôle des traditions populaires dans la construction de l’Europe. Saints et dragons, p. 15‑26. Il y eut ensuite une publication en Italie : « Il drago in Asia e in Europa », traduit en italien par M. P. Rosati, Atopon, vol. VI, 2007, p. 9‑22. Le texte publié ici a été mis en forme par Maria-Ying Durand qui a également ajouté et traduit en anglais le résumé, et établi la bibliographie pour la présente version. Retour au texte

2 À Taiwan et dans le sud de la Chine, on mange beaucoup de serpents car, selon la médecine chinoise, la chair de serpent rend les yeux clairs. Retour au texte

3 Pour les illustrations du Codex de Bamberg et du Beatus, voir Beresniak & Random (1988). Retour au texte

4 Selon une version mandchoue, le dragon serait signifié par le Yang maximum, le premier trigramme, et réapparaîtrait dans les transformations de l’hexagramme Qian (Kien), le créateur, le ciel (transformations parfaitement réglementées mais dont nous n’avons pas à traiter ici), Gou (Kou, 44e figure), Tongren (Tun Jen, 13e), Dayou (Ta You, 14e), Guai (Kouei, 43e), Bo (Po, 23e). Voir Tournier (1991, p. 111). Retour au texte

Citer cet article

Référence électronique

Chaoying Sun et Gilbert Durand, « Renversement européen du dragon asiatique », IRIS [En ligne], 41 | 2021, mis en ligne le 28 novembre 2021, consulté le 19 mars 2024. URL : https://publications-prairial.fr/iris/index.php?id=2159

Auteurs

Chaoying Sun

Gilbert Durand

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