Imaginaire et neurosciences. Histoire des théories et des représentations du cerveau humain et de ses fonctions, de l’Antiquité au xxie siècle

  • Imaginary and Neuroscience. History of Theories and Representations of the Humain Brain and Its Functions, from Antiquity to the 21st Century

DOI : 10.35562/iris.2128

Résumés

Le cerveau humain a longtemps été méconnu dans ses fonctionnalités. Il revient aux neurosciences d’avoir montré que toutes ses activités sont reliées, et ne se comprennent que dans cette relation entre ses différentes instances. Monter, fusionner, relier sont les trois moteurs de l’organisation de notre psyché, y compris dans ses productions symboliques les plus élaborées. C’est précisément le système mis en évidence par les Structures anthropologiques de l’imaginaire de Gilbert Durand, génial précurseur.

The human brain has long been misunderstood in its features. It is up to neuroscience to have shown that all its activities are connected, and understand each other only in this relationship between its different instances. To ascend, to merge, to connect are the basis of the organization of our psyche, including in its most elaborate symbolic productions. This is precisely the system highlighted by the Anthropological Structures of the Imaginary by Gilbert Durand, brilliant precursor.

Plan

Texte

« Aussi une civilisation supérieure devra-t-elle donner un cerveau double à l’homme, quelque chose comme deux compartiments cérébraux, l’un pour être sensible à la science, l’autre, à ce qui n’est pas la science. »
Friedrich Nietzsche
(Humain trop humain, 1968, p. 176)

Le meilleur hommage que l’on puisse rendre à Gilbert Durand est de souligner combien son discours scientifique reste d’actualité et même combien il continue d’être anticipateur et formateur. Les recherches en anthropologie convergent pour pointer ce qu’il avait toujours martelé : l’imaginaire est le grand moteur de la psyché humaine. On constate maintenant que la grande révolution d’Homo sapiens, c’est non seulement d’avoir eu la parole (cela, on l’a dit depuis longtemps), mais d’avoir parlé de choses qui n’existent pas. De grands groupes d’individus peuvent coopérer avec succès s’ils croient à des mythes communs. Les réseaux de coopération humaine reposent donc d’abord sur des « ordres imaginaires », les normes sociales reposent sur des mythes partagés. C’est cette « colle mythique » (Harari, 2015, p. 51) qui a fait de nous les maîtres du monde, pendant que les fourmis (qui sont pourtant des travailleuses) en étaient réduites à manger nos restes.

Cette révolution cognitive, Gilbert Durand l’avait déjà décrite il y a cinquante ans, à un moment où l’imaginaire n’était pas encore d’actualité. Dans cette perspective, j’insisterai sur un point. Quand il écrit les Structures anthropologiques de l’imaginaire, il prend pour référence la réflexologie de l’École russe, qui représentait les recherches de pointe de la période en anthropologie, et il démontre brillamment que les structures de l’imaginaire sont une forme de mimesis, de correspondance et de reflet de ce système triparti dans la psyché humaine, la réflexologie en étant en quelque sorte la part biologique, sur laquelle se tisse l’imaginaire humain. Mais on objectera que les études sur la réflexologie ont beaucoup évolué depuis et pourraient donc constituer un support scientifique désormais obsolète, remettant en question la pertinence de la théorie durandienne. Mon propos sera de montrer que les neurosciences qui, pour notre temps, constituent la pointe ultime de la recherche anthropologique, sont un support vérifiant pleinement les conclusions de Gilbert Durand et prenant en quelque sorte le relais de la réflexologie. Pour ce faire, je vous présenterai donc une histoire des représentations de l’imaginaire du cerveau dans le temps, en soulignant la façon dont, à mesure que l’on s’approche de notre période moderne, on voit émerger une convergence de découvertes mettant en évidence un système triparti, correspondant aux structures durandiennes.

Pour le moment, les mystères du cerveau sont loin d’être tous élucidés, ce qui permettait au président Barack Obama de dire, dans son discours d’ouverture du programme « Initiative Cerveau », Brain Initiative, en 2013 :

Nous pouvons identifier des galaxies à des années lumière […], mais nous n’avons pas encore percé les mystères des trois livres de matière entre nos deux oreilles […] et le plus puissant ordinateur au monde n’est pas du tout aussi intuitif que notre ordinateur de naissance. (Aberkane, 2015, p. 14)

Mais, malgré, et sans doute à cause de ces mystères, la fascination de l’humanité pour le cerveau a toujours été à la hauteur de la complexité de cet organe. Il est même émouvant de voir combien les interprétations dépendent de l’état des connaissances de chaque période. Notre fil rouge va donc suivre cette lente émergence d’un imaginaire des représentations du cerveau humain et de ses fonctions.

L’Antiquité : un mélange d’erreurs d’interprétation et d’intuitions géniales

D’abord, et avant que l’on parle des théories sur les fonctions du cerveau, encore faudrait-il que celui‑ci soit reconnu comme l’agent de l’activité cérébrale, et le lieu de la conscience. C’est loin d’aller de soi : on ne le voit pas, rien n’indique qu’il est à l’origine de notre conscience, et même si on le voyait, il est peu porteur d’imaginaire : c’est un objet amorphe, immobile et grisâtre, qui peut tout au plus évoquer un cerneau de noix. Cela explique sans doute que, pendant longtemps, dans l’Antiquité gréco-romaine, mais aussi au Moyen-Orient et en Inde, on n’ait pas considéré le cerveau comme le siège de la pensée et de la conscience.

Les Égyptiens, cette grande civilisation, ne semblaient pas particulièrement éclairés sur le rôle du cerveau1. Pour eux, la conscience et l’intelligence humaine venaient du cœur, et non du cerveau. C’est pour cela que, comme le souligne Hérodote, ils font grand cas du cœur lors de la momification. Quant au cerveau, ils l’extirpent sans ménagements par le nez et ils le jettent, preuve du peu de considération des Égyptiens pour le cerveau.

Au viiie siècle av. J.‑C., Homère considère toujours le cœur, et non le cerveau, comme le siège de l’âme humaine, désignée comme le thumos, siège de la volonté, du désir, et en même temps, centre de contrôle de l’ensemble des activités corporelles. Il faut attendre le ve siècle av. J.‑C. pour qu’Anaxagore fasse du cerveau, pour la première fois, l’organe de l’esprit. Mais tout ceci reste très vague : il l’appelle egkephalos, « ce qui est contenu dans le crâne », et semble considérer qu’il ne mérite pas un nom spécifique, d’où pourtant notre encéphale.

L’idée d’un cerveau Acropole, temple et centre du corps, sera lente à faire son chemin : Aristote pensait encore que c’est le cœur qui est le siège des fonctions intellectuelles. Quant au cerveau, il en faisait une sorte de radiateur régulant la chaleur du cœur. Il s’appuyait sur le fait que le cœur est au centre du corps, donc idéalement placé, et qu’il est chaud, alors que le cerveau est froid, d’où la capacité de refroidissement du cerveau. C’est même comme cela qu’Aristote expliquait que les hommes aient un plus gros cerveau que les animaux, par rapport à leur poids corporel : c’est parce que l’homme est le plus chaud des êtres vivants, et qu’il lui faut donc un gros radiateur…

Hippocrate

Pourtant, bien avant Aristote, l’idée du cerveau organe et siège de l’esprit fait déjà son chemin, et franchit une étape capitale avec Hippocrate (460-vers 379 av. J.‑C.). On lui doit deux axes forts, qui seront repris par Galien, et perdureront jusqu’au xviiie siècle :

  • les nerfs sont des canaux transportant le pneuma (les « esprits animaux ») depuis le cerveau jusqu’aux membres ;

  • le cerveau est divisé en ventricules.

Avec ces avancées, il faut reconnaître à Hippocrate, ce contemporain de Socrate et de Périclès, d’avoir affranchi la médecine de la tutelle sacerdotale.

Platon

Platon, prince des philosophes, reprend ces acquis, mais dans une perspective philosophique. Il s’intéresse davantage à la conscience, ou plutôt à ce qu’il appelle l’âme. Pour lui, elle est triple. C’est ce qu’il explique dans le Timée (Platon, 2018, p. 69 et suiv.), où il distingue :

  • l’âme rationnelle, nous, située dans le cerveau ;

  • l’âme colérique, thumos, située dans le cœur et déterminant les sentiments (la colère, la peur, l’orgueil, le courage) ;

  • l’âme concupiscente, epithumia, située dans le foie et l’intestin, et siège du désir et de ses perversions : la luxure, l’avidité.

Seule l’âme rationnelle, nous, est immortelle. Les deux autres sont mortelles, et constituent une sorte de support énergétique du nous, de l’esprit immortel, sous forme de la psyché, comme intermédiaire entre le germe spirituel inconnaissable et le corps physique, soma, la machine qui supporte l’ensemble. Platon l’exprime dans une métaphore célèbre du Phèdre (Platon, 2020, p. 246 et suiv.), celle du char, lui aussi constitué de trois éléments : le cocher (l’esprit), les chevaux (la psyché, l’énergie) et le char (le support matériel), les trois étant liés et indispensables au bon fonctionnement de l’ensemble. On voit aussi l’intérêt de cette présentation : elle fait du corps un support de l’âme, mais distingue le psychique (les passions) du somatique (les instincts). En même temps, en liant les trois principes et en situant le psychique comme une sorte d’interface entre le soma, « le corps », et le nous, « l’esprit immortel », elle pose le principe d’une alchimie spirituelle entre l’esprit et le corps, qui s’accomplissent l’un par l’autre ; enfin, on peut même dire qu’elle anticipe sur l’importance du psycho-somatique en médecine2.

Galien

Au iie siècle av. J.‑C., Galien reprend l’essentiel des théories d’Hippocrate : il donne une forme définitive à la théorie humorale, qui dominera la médecine occidentale pendant près de mille cinq cents ans3. Galien, s’inspirant également de Platon, décrit trois principes :

  • l’esprit animal (dont l’étymologie est anima, « l’âme », et n’a rien à voir avec l’animal), lié au cerveau et responsable de l’intelligence ;

  • l’esprit vital, lié au cœur (étymologie : vita), responsable, par exemple, de la respiration (selon lui) ;

  • l’esprit naturel, lié au foie (étymologie : natura), responsable, par exemple, des fonctions neuro-végétatives, comme la digestion.

Mais pour lui, ces centres ne sont plus autonomes, ils sont reliés par des pneumata, des « souffles psychiques », stockés dans les ventricules du cerveau, et capables, pour commander les muscles, de circuler dans le canal des nerfs, qui sont vus comme des sortes de tuyaux, de tubes creux ; ou à l’inverse, ces pneumata peuvent transmettre la trace d’une expérience sensorielle en la faisant remonter, toujours dans ces tubes, jusqu’au cerveau.

Les avancées de la Renaissance : le changement de paradigme

Il faut attendre la Renaissance pour que les choses évoluent et que des innovations scientifiques apparaissent, avec des personnalités comme celle de Vésale ou de Paracelse. Déjà au xiiie siècle, Frédéric II avait donné aux médecins de la célèbre école de Salerne l’autorisation de pratiquer des dissections. Une collaboration précieuse s’établit alors entre les anatomistes et les artistes (Léonard de Vinci, Mantegna, Holbein, Michel Ange, le Titien), qui font de nombreux et utiles croquis anatomiques de dissections.

Le xviie siècle et la vision mécaniciste du monde

Le xviie siècle est toujours sous le signe de la séparation dualiste entre le corps et l’esprit. La vision mécaniciste qui caractérise les théories de la période promeut une image horlogère de l’organisme, dont le modèle est l’automate. Le De Motu Cordis de Harvey présente le cœur comme une pompe, dans un circuit fermé, ce qui met à mal la théorie humorale. Cela suscita une vive querelle, qui dura cinquante ans, entre les « circulateurs » et les « anti-circulateurs » conservateurs. Ceux‑ci avaient perfidement surnommé Harvey circulator, ce qui, bien sûr, faisait allusion à sa théorie de la circulation du sang ; mais circulator signifie aussi malheureusement, en latin, « le charlatan, le joueur de bonneteau ».

Descartes

Descartes admettait la circulation, mais réfutait la systole et la diastole comme génératrices du mouvement circulatoire du sang, qu’il expliquait par la chaleur du cœur. On a vu qu’Aristote se représentait le cerveau comme un radiateur. Descartes, lui, pensait que la circulation sanguine fonctionnait comme le chauffage central : la métaphore chauffagiste est complète. Cent ans plus tard, il y avait encore des tenants de la théorie cartésienne de la circulation du sang.

Les théories de Descartes sur le cerveau étaient tout aussi contestables. Pour lui, dans la tradition dualiste, l’esprit est distinct du cerveau et du corps, qui est une machine. Les réflexes (définis comme des comportements automatiques, sans intervention de l’esprit) caractérisent le comportement des animaux, qui sont des brutes ne connaissant qu’un schéma stimulus-réponse. Les actes volontaires, réfléchis, sont le propre de l’homme (« Cogito, ergo sum », Descartes, 2009, art. 7). Descartes en reste donc au principe d’une dualité entre le corps et l’esprit, la substance matérielle (res extensa) et l’esprit (res cogitans). Toujours est‑il que c’est bien au nom de ce dualisme que Malebranche battait sa chienne, en affirmant qu’elle ne sentait rien. D’abord reçu avec réticence, ce concept mécaniciste s’étendit à toute la communauté scientifique européenne, jusqu’à ce qu’il commence à être contesté par la pensée des Lumières.

Les avancées du xviiie siècle

Le xviiie siècle est une période charnière, entre, d’une part, un ancien monde encore attaché au dualisme âme-corps et qui mène désormais des combats d’arrière-garde et, d’autre part, un monde de révolutions épistémologiques, sociales et scientifiques, qui tend à poser l’émergence d’une personne individuelle, libre et autonome comme un principe scientifique, éthique et juridique. En particulier, La Mettrie (1709‑1751) étend à l’homme le principe de l’animal-machine de Descartes, mais rejette toute forme de dualisme, au profit d’un monisme fondé sur la matière. L’esprit est alors un produit de l’organisation sophistiquée de la matière dans le cerveau humain. Selon La Mettrie, que l’on surnommait « Monsieur Machine », à cause de son livre l’Homme-machine, si les humains sont supérieurs aux animaux, c’est uniquement grâce à leur cerveau mieux développé, et non pas parce qu’ils ont une quelconque âme, rationnelle ou non.

Le xviiie siècle pose donc sur des bases nouvelles les grands débats éthiques sur l’inné et l’acquis, sur l’origine de la conscience, sur les sensations, et apporte des réponses étayées scientifiquement. Ces grandes avancées philosophiques sont accompagnées par des découvertes scientifiques sur le système nerveux et sur le cerveau4, qui fondent les bases de la neurologie moderne. Pour la première fois, on envisage que le système nerveux fonctionne grâce à l’électricité. Certains médecins romains, comme Scribonius Largus, le médecin de l’empereur Claude, utilisaient déjà les décharges électriques de certains poissons, comme les torpilles, pour soigner la migraine ou la goutte. Mais l’invention de la bouteille de Leyde (1745) permet de stocker et décharger à volonté de l’électricité : la porte est ouverte à l’électrothérapie. L’italien Galvani réussit à produire des contractions musculaires grâce à l’électricité (d’où notre terme galvaniser), et il formule l’idée que l’électricité animale est sécrétée par le cerveau et circule dans des canaux, à l’intérieur des muscles. Pour la première fois, on évoque une force naturelle, visible, manipulable et mesurable (ce qui n’était pas le cas avec la théorie humorale du pneuma). Les découvertes de Galvani et celles de son compatriote, Volta, lui aussi savant illustre, inventeur de la pile voltaïque, et éponyme de nos volts, sonnaient le glas du paradigme des esprits animaux.

Bien sûr, on ne put empêcher que des charlatans exploitassent l’aspect un peu magique de cette découverte : l’Allemand Weinhold prétend avoir fait revivre un chaton, après avoir vidé sa boîte crânienne, et l’avoir remplie avec différents métaux (sans doute pour en faire une pile).

Dans un domaine plus noble, l’écrivain Mary Shelley (1797‑1851) sut avec talent faire passer cette découverte dans le domaine de l’imaginaire littéraire et du fantastique, en inventant le personnage de Frankenstein, une sorte de golem, qui revisite le mythe de Prométhée voleur de feu, actualisé à la sauce galvanique.

Lavater

Johann Caspar Lavater (1741‑1801) avait eu une intuition intéressante, avec sa physiognomonie : reprenant ce qui était une science déjà bien attestée dans l’Antiquité gréco-romaine, il affirme que la boîte crânienne est visiblement calquée sur la masse des substances qu’elle renferme et que son examen révèle donc des performances potentielles (la « bosse des maths »), ou inversement des insuffisances (un crétin sera signalé par la forme de son crâne). Malheureusement pour Lavater, c’est faux, et ses collègues le montreront rapidement ; ses théories n’en ouvrirent pas moins la porte aux théories racistes que l’on sait, avec, par exemple, Vacher de la Pouge.

Gall

Franz-Joseph Gall (1758‑1828) reprend les théories de Lavater, de façon plus subtile, mais encore incertaine. Pour lui, l’inspection et la palpation du crâne équivalent à un examen du manteau cortical. Pour prouver ses dires, il fait des dissections publiques de cerveaux, tout à fait spectaculaires, où il associe les territoires corticaux à des fonctions spécialisées. Certaines de ses observations sont pertinentes, voire géniales (il repère la zone du langage), d’autres sont fausses ou fantaisistes (il croit repérer les zones de la ruse, de l’orgueil, de la gentillesse, du sentiment religieux). Il nomme cette nouvelle science la phrénologie (du grec phren, « la pensée »). Mais on démontra vite que le crâne ne porte en aucune façon l’empreinte du manteau cortical et les théories de Gall montrèrent d’elles-mêmes leurs limites, leurs contradictions et donc leur manque de valeur scientifique.

À partir de là s’installa une longue querelle scientifique entre unitaristes (soutenant que le cerveau est un tout indissociable, un organe) et localisateurs (soutenant que le cerveau travaille par zones spécialisées), avec pas mal de mauvaise foi et de sectarisme de part et d’autre. Les unitaristes, avec à leur tête Flourens, firent passer Gall pour un charlatan (il l’était un peu…) et un collectionneur de crânes (ce qui fait toujours mauvais effet ; mais il en avait besoin dans l’exercice même de sa recherche…). Parmi les défenseurs de Gall, il y eut beaucoup de grands noms de la littérature : la phrénologie reçut l’appui de Stendhal (qui avait Gall pour médecin), de Baudelaire, de Flaubert, d’Edgar Poe, de George Eliot, de Charlotte Brontë. Mais les défenseurs de Gall eux‑mêmes manquèrent souvent d’objectivité : le crâne de Descartes, par sa forme (un front petit et déprimé), correspondait, dans les théories phrénologiques, à celui d’un crétin. À cette objection, Spurzheim, collègue de Gall, répondait : « Descartes n’était peut‑être pas aussi intelligent qu’on le croyait ! »

Les révolutions du xixe siècle : l’identification des zones fonctionnelles du cerveau

Toute la science du xixe siècle est irriguée par la pensée de Charles Darwin (1809‑1882) qui, dans la suite de sa théorie sur l’évolution des espèces, établit que le cerveau humain et celui des animaux dérivent d’un ancêtre commun. En conséquence, certaines fonctions cérébrales seront communes aux humains et aux animaux, et d’autres ne le seront pas. La différence se fait en fonction de la capacité de chaque espèce à s’adapter à son environnement naturel.

Mais la marque du xixe siècle, c’est aussi l’importance donnée à l’observation clinique. Cette étude pathologique du cerveau de patients ayant subi des lésions (surtout du langage) viendra confirmer certaines des idées de Gall.

Broca

En 1862, Paul Broca (1824‑1880) est le premier à poser le principe de la dominante cérébrale de l’hémisphère gauche dans la formulation du langage. Il identifie ainsi l’aire de Broca, comme centre moteur de la parole, à partir de l’observation d’un patient, Monsieur Leborgne, resté dans l’histoire sous le surnom de « Tan », car c’était le seul mot qu’il pouvait prononcer. Broca fait le lien entre cette aphémie5 et la lésion cérébrale qu’on observa sur le lobe frontal gauche de Tan à son décès. En Angleterre, Jackson arrive aux mêmes conclusions et ajoute que la perception spatiale est gérée, elle, par l’hémisphère droit. Broca pensait avoir trouvé le centre unique du langage mais, dix ans plus tard, le neurologue allemand Carl Wernicke (1848‑1905) découvrit l’aire qui porte son nom. L’aire de Broca est la zone de production des mots parlés alors que l’aire de Wernicke est responsable de la compréhension de ces mots. Tout cela consolide l’idée que l’hémisphère gauche est plus impliqué dans les fonctions intellectuelles que le droit, relégué dans des fonctions de localisation spatiale que l’homme partage avec les animaux. Cette interprétation, qui confortait scientifiquement le rationalisme ambiant, conduisit cette génération à une surévaluation totalement subjective de l’hémisphère gauche au détriment de l’hémisphère droit, surévaluation qu’on retrouve jusque dans les mythes littéraires de la période, par exemple dans l’Étrange cas du docteur Jekyll et de M. Hyde de Robert Louis Stevenson : il est implicite que la raison du docteur Jekyll est dans son hémisphère gauche et sa folie dans son hémisphère droit.

Broca fut moins heureux quand, s’inscrivant dans la suite des errements de Gall, il écrivit — horresco referens — que « la petitesse relative du cerveau de la femme dépend à la fois de son infériorité physique et intellectuelle » (1861, p. 15). Comme Gall, il s’empêtra dans une pseudo-théorie scientifique de la classification de ses crânes. Il avait établi le poids moyen d’un cerveau humain masculin à 1 350 grammes. Certains grands scientifiques ou intellectuels étaient bien au-dessus de la moyenne : 1 830 grammes pour Cuvier, 2 000 grammes pour Tourgueniev. Mais d’autres crânes venaient contredire la théorie : celui d’Anatole France (quand même Prix Nobel de Littérature…) pesait seulement 1 017 grammes ; et celui de Gall ne pesait que 1 198 grammes…, pour ne pas parler, plus tardivement, de celui d’Einstein : le cerveau du symbole de l’intelligence humaine (volé, comme on sait, par le médecin Harvey, et conservé dans deux bocaux de cidre, au cours de circonstances rocambolesques : sic transit gloria mundi…) ne dépassait pas 1 230 grammes. Il fallait donc clairement chercher ailleurs que dans le poids la raison des performances du cerveau humain.

Charcot

Mais celui qui apparaît comme le fondateur de la neurologie moderne, c’est Jean Charcot (1824‑1893). Il est d’abord (à la suite de Pinel et d’Esquirol) le père de la psychiatrie française et l’inventeur de la clinique psychiatrique6. Outre ses travaux sur l’hystérie (qui ont contribué à la découverte de l’inconscient) et sur la maladie de Charcot, il s’intéressa au syndrome de Tourette, ce syndrome neuropsychiatrique associé à la coprolalie (la production de mots obscènes) observé par exemple chez la marquise de Dampierre qui ne pouvait s’empêcher de ponctuer sa conversation de « Merde et foutu cochon ! », même dans les occasions les plus inappropriées.

Le xxe siècle et les avancées technologiques. Une organisation en réseau : le cerveau comme espace de délibération interne

« La science a prouvé que la Terre est ronde. Ce qu’actuellement personne ne conteste. Or, actuellement, on en est encore, malgré ça, à croire que la vie est plate et va de la naissance à la mort. Seulement, elle aussi, la vie, est probablement ronde, et très supérieure en étendue et en capacité à l’hémisphère qui nous est à présent connu. »
Vincent Van Gogh
(dans Sirkis, 2017, p. 43)

Golgi, Ramon y Cajal, et la communication neuronale

Dès la fin du xixe siècle, la microscopie s’était développée. Cela permit de renoncer définitivement à la théorie du canal médian des nerfs, et surtout d’aboutir, en 1891, à la découverte des neurones, grâce à Camillo Golgi, qui découvrit une teinture au nitrate d’argent capable de colorer l’arborescence des cellules neuronales. Mais la théorie réticulaire mise ainsi en évidence (et ainsi nommée, parce que le système nerveux y est comparé à un filet, reticulum, composé de neurones reliés les uns aux autres) a l’inconvénient de ne pas rendre compte de la possibilité d’aires corticales distinctes : elle établit une analogie (fausse) entre le système nerveux et les vaisseaux sanguins. Il faudra attendre les travaux remarquables de Santiago Ramon y Cajal (1852‑1934) pour établir que les cellules nerveuses relèvent d’un système qu’Edgar Morin qualifierait de dialogique : elles sont à la fois indépendantes (comme les autres cellules du corps) et reliées, sans pour autant fusionner.

Puisque les neurones ne fusionnent pas, il restait à comprendre comment l’influx nerveux passe de l’un à l’autre. Cajal suggéra que c’était par simple contact entre les axones (les faisceaux neuronaux qui conduisent le signal électrique) et les dendrites (les portes d’entrée des neurones qui reçoivent l’influx électrique). Cajal souleva même la possibilité d’une communication neuronale sans contact physique, mais il ne put l’expliquer. Pour cela, il fallut attendre la découverte des neurotransmetteurs, ces molécules chimiques qui permettent à l’influx nerveux de traverser l’espace séparant les neurones. On nomma cet espace la synapse (du grec sun, « ensemble » et haptein, « saisir, toucher »). À la jonction synaptique, le signal électrique induit le relâchement de substances chimiques, qui engendrent un courant électrique dans le neurone suivant de la chaîne (voir Parent, 2009, p. 9). La synapse ne put être visualisée qu’en 1950, grâce au microscope électronique.

Mais quelle était la substance chimique qui assurait la jonction synaptique ? On connaissait depuis 1856 la présence d’adrénaline dans le système nerveux, et plus précisément dans la glande surrénale. Oliver et Schäfer mirent en évidence le rôle de l’adrénaline comme neurotransmetteur. Ensuite, Dale découvrit un autre neurotransmetteur : l’acétylcholine7, synthétisée à partir de l’ergot de seigle8. Il ne restait plus qu’à prouver l’existence de ce produit chimique dans le tissu animal ; ce fut fait en 1929 par Dale, qui réussit à isoler de l’acétylcholine à partir de 30 kilos de rate de cheval.

On voit la longue chaîne du savoir qui s’élabore de Galvani à Dale, pour établir que l’influx nerveux se propage par la double action conjuguée d’une énergie électrique9 (dans l’axone) et d’une transmission chimique (au niveau des synapses)10.

Les neurosciences

À partir de là sont nées les neurosciences, au milieu du xxe siècle. Désormais, les avancées scientifiques concernant le cerveau se feront dans un contexte transdisciplinaire, associant des domaines jusqu’ici indépendants : l’anatomie, la biologie, la chimie, la pharmacologie, auxquels s’ajouteront, à partir des années 1990, les sciences cognitives (philosophie, linguistique, psychologie, anthropologie), la robotique et l’informatique. Par exemple, les travaux de Patricia Churchland, qui croisent philosophie et neurosciences, dans le concept de neurophilosophie, sont une bonne illustration de cette tendance.

On le voit, les neurosciences s’organisent dans un mimétisme et une analogie avec l’objet de leur étude : chacune des sciences partenaires garde sa spécificité, mais c’est de leur croisement que jaillit l’émergence d’une connaissance scientifique nouvelle. De même, on l’a vu, le fonctionnement neuronal suppose que les neurones sont à la fois distincts et reliés : c’est l’objet du connectome, l’établissement d’une carte fonctionnelle du cerveau. Nous sommes typiquement dans un système complexe, une systémique, où l’émergence représente plus que la somme des composantes dont elle est issue, et où nous retrouvons les trois régimes durandiens : diurne, nocturne mystique et nocturne synthétique. En effet, à la fin du xxe siècle, l’IRM fonctionnelle et la neuro-imagerie ont permis de définir avec précision les fonctions cognitives spécifiques de chaque zone cérébrale, et en particulier des deux hémisphères cérébraux :

  • L’hémisphère gauche, verbal, rationnel, analytique, qui correspondrait au régime diurne, a eu une quasi-hégémonie dans les représentations qu’on se faisait du cerveau au xixe et dans la première moitié du xxe siècle. Pendant longtemps, ce cerveau gauche a été purement et simplement identifié à l’ensemble du cerveau. Il faut rendre aux médecins grecs cette justice de relever qu’ils avaient déjà subodoré un contre-pouvoir de ce cerveau rationnel. Mais ils l’avaient localisé dans le sexe… Sur ce plan, Freud ne les aurait pas désavoués.

  • L’hémisphère droit, holistique, émotionnel, artistique11, qui correspondrait au régime nocturne mystique, n’a donc pu être repéré que récemment dans sa fonctionnalité. Il revient à Antonio Damasio d’avoir réhabilité le rôle de cet hémisphère droit, en montrant :

– que nos évocations d’un objet ne sont pas des reproductions exactes de l’original, mais des interprétations, des versions reconstruites, reposant sur des images et non des mots. Donc les images sont les matériaux principaux à l’origine des processus de pensée et la pensée ne saurait mieux se définir que comme un vaste imaginaire ;

– que ce que l’on croit relever uniquement de la rationalité est en fait le fruit d’une négociation permanente entre les deux hémisphères, ce qui permet une réconciliation entre le corps et l’esprit, et la réfutation définitive de ce que Damasio appelle « l’Erreur de Descartes12 » et de la conception dualiste selon laquelle l’esprit est distinct du cerveau et du corps, constitués d’organes mécaniques. Cette métaphore cartésienne avait encore été amplifiée, vers le milieu du xxe siècle, par la métaphore de l’esprit considéré comme un logiciel informatique. On mesure donc l’importance des travaux de Damasio, qui fait retrouver à la médecine une approche holiste, globale, des relations entre l’esprit et le corps. Gilbert Durand a souvent insisté sur ce point : c’est un fait que Descartes, qui a pourtant contribué à modifier le cours de la médecine, l’avait aussi engagée dans une fausse route, avec sa conception dualiste, en lui faisant abandonner l’approche holiste, dans laquelle l’esprit et le corps ne faisaient qu’un, et qui avait pourtant prévalu d’Hippocrate à la Renaissance. Comme le dit Damasio non sans humour, « Aristote aurait été bien mécontent de Descartes, s’il l’avait su » (1995, p. 339).

Il faut ajouter que le cerveau tient l’essentiel de ses capacités de sa faculté à relier ces deux hémisphères. Cette prise de conscience des mécanismes relationnels dans la fonctionnalité du cerveau a encore été amplifiée par la découverte récente des neurones-miroirs (en 1996, par Rizzolatti, à Parme). Elle vient pleinement corroborer l’organisation déjà explicitée par Gilbert Durand dans ses Structures anthropologiques de l’imaginaire, en la situant au cœur même de l’organe central pour l’homme : son cerveau. Les neurones-miroirs sont essentiels, car ils permettent la communication avec l’autre comme alter ego (ils sont donc identifiés au régime « nocturne synthétique », et aux figures du passeur). Sans eux, nous serions autistes. Ils déterminent notre capacité d’empathie par leur fonctionnement mimétique, qui nous permet de découvrir, d’apprendre l’autre en le désirant (ou en le rejetant). Les neurones-miroirs créent donc une troisième instance, sous forme d’une fonction relationnelle, d’essence imitative, qui est la force motrice des fonctions cognitive et émotionnelle, puisque cette fonction mimétique d’imitation est capitale dans l’apprentissage de l’enfant, puis dans les comportements de l’adulte : nous transformons les actes des autres en nos propres actions. Cela va jusqu’à la résonance émotionnelle : je ressens ce que l’autre ressent.

Ainsi, les neurosciences nous confirment que l’organisation cérébrale est bien le reflet fidèle de l’imaginaire humain : bel exemple de phénoménologie, où l’on voit comment la théorie psychologique et anthropologique de Gilbert Durand est vérifiée, trente ans plus tard, par la recherche neuroscientifique.

Cerveau auto-organisé et cerveau machine

À la fin du xxe siècle, l’imaginaire du cerveau est donc orienté vers deux tendances : l’une qui fait du cerveau un système ouvert, fondé sur la relation, l’interconnexion et l’auto-organisation ; et l’autre, disons technocentrée et plus archaïque dans ses références scientifiques, qui fait du cerveau une machine.

Parlons d’abord du système ouvert. À la suite des travaux de Francisco Varela et de l’école de Palo Alto, Edgar Morin insiste, lui, sur l’extraordinaire plasticité du cerveau, gage de sa créativité et de ses capacités d’adaptation et de réorganisation. Pour Edgar Morin, cela vient en partie de l’inachèvement du cerveau d’Homo sapiens. C’est cette capacité d’apprendre, d’inventer, même après la jeunesse, cette juvénilisation de l’espèce, qui ouvrent la possibilité d’une intelligence et d’une sensibilité jeunes chez l’adulte et même chez le vieillard (Morin, 1973, p. 97).

Au centre de cette aptitude, nous retrouvons la complexité et les capacités relationnelles du système cérébral et de son prolongement neuronal : ce que les scientifiques appellent globalement le connectome. Par exemple, il a été établi que les neurones sont des calculateurs lents (10 millisecondes, soit dix mille fois moins qu’un processeur électronique). Mais ils compensent par leur organisation parallèle, en réseau, qui, par recoupements et comparaisons, permet une reconnaissance très efficace, en 150 millisecondes.

D’autre part, il est désormais établi qu’une forme de désordre est consubstantielle de l’activité cérébrale et indispensable à son développement : Homo sapiens est aussi, inextricablement, Homo demens, sage et fou à la fois. Cela aurait pu être une tare. Mais au contraire, ce sont le déferlement de l’imaginaire, la multiplication des erreurs qui, loin d’avoir handicapé la nature humaine, sont à l’origine de ses prodigieux développements. Le cerveau d’Homo sapiens, contrairement à la machine, fonctionne avec et malgré du « bruit », du désordre, de l’erreur. C’est d’ailleurs parce que le système cérébral est en autoproduction et en réorganisation permanentes qu’il peut répondre aux atteintes désorganisatrices venant de l’environnement. Donc, on en vient à considérer le cerveau comme un système polycentré, dont le génie est dans l’interconnexion et l’intercommunication.

L’autre tendance de la fin du xxe siècle, mais qui relève déjà d’un paradigme scientifique dépassé, de ce que Gilbert Durand aurait appelé un « mythe en train de mourir », c’est de faire du cerveau un ordinateur biochimique et une machine complexe de traitement de l’information. Poussée à sa limite, cette tendance voit dans le cerveau une machine cybernétique, paramétrable, dont on peut augmenter les performances et qu’on peut même coupler à d’autres machines. C’est le règne du cyborg, cet être humain qui a reçu des greffes de parties mécaniques. La science-fiction s’empare de ce domaine, avec au moins une centaine de films sur ce sujet des manipulations du cerveau, avec deux thèmes récurrents :

  • le cerveau asservi par des machines pensantes qui prennent son contrôle ;

  • ou, au contraire, le cerveau qui se libère du corps (autre vieux rêve platonicien), pour se raccorder à des automates qui démultiplient sa puissance : c’est le thème du « cerveau dans une cuve », qui vit indépendamment du corps13.

Le xxie siècle : le siècle des sciences cognitives

« Le chaînon manquant entre le singe et l’homme, c’est nous. »
Pierre Dac

Le xxie siècle pourrait bien être le siècle des neurosciences et des avancées décisives dans notre connaissance du cerveau. La communauté scientifique semble décidée à s’en donner les moyens, avec, aux États‑Unis, la Brain Initiative, « Initiative Cerveau », et, en Europe, le Human Brain Project, « Projet sur le cerveau humain », autour de l’université polytechnique de Lausanne ou des travaux du grand mathématicien et physicien Roger Penrose.

D’abord, les avancées des neurosciences ont tout récemment mis en évidence une donnée extrêmement intéressante : voir et imaginer, c’est la même chose. On pense à la phrase de Boris Vian dans l’Écume des Jours : « Cette histoire est vraie, puisque je l’ai inventée. » L’Antiquité en avait déjà eu l’intuition, elle qui ne distinguait pas aussi radicalement que nous réel et imaginaire. On l’a dit, c’est depuis Descartes que l’imagination est devenue insignifiante, « maîtresse d’erreur et de fausseté » selon Pascal, et que, de ce fait, l’idée de réalité s’est étriquée. On sait que Gilbert Durand a toujours insisté sur les dégâts de ce rationalisme dans l’imaginaire européen, et, on l’a vu, c’est Damasio qui a définitivement remis les pendules à l’heure avec son Erreur de Descartes (1995). L’IRM fonctionnel nous révèle, depuis peu, que voir et imaginer activent les mêmes zones du cerveau, c’est-à-dire que, pour mon cerveau, si j’évoque l’image de mon chat ou si je le vois réellement, il n’y a aucune différence. Ensuite, bien sûr, il faut qu’un jeu subtil entre hémisphère gauche et droit m’amène à distinguer entre « réalité imaginaire » et « réalité objective », car, comme le disait Paul Waltzawick, au restaurant, il n’y a que les schizophrènes qui mangent la carte à la place du menu ! Mais on voit les implications considérables de ces découvertes. D’abord, c’est la confirmation éclatante des théories de Gilbert Durand, avec cinquante ans d’avance. Ensuite, c’est la preuve que les sciences humaines ne sont pas à la traîne des sciences exactes, bien au contraire, qu’elles peuvent les précéder, et ensuite être confirmées par elles. Enfin, c’est une extraordinaire promotion de l’imaginaire ; c’est, en quelque sorte, le triomphe de Proust et de son « Temps retrouvé » : sa madeleine, les chèvrefeuilles de Combray, la sonate de Vinteuil (car le constat est aussi vrai pour les goûts et les odeurs que pour la vision) sont pour notre cerveau aussi « vrais » comme souvenirs que comme réalité. Le mythologue que je suis ajoutera que ces avancées scientifiques consacrent le rôle primordial de la notion de représentation, car finalement nous vivons et pensons sur des représentations, qui n’ont que la valeur que nous voulons bien leur donner. Quand Homo sapiens a émergé de l’animalité, c’est essentiellement par sa faculté imaginative, et par l’apparition de la fiction et de la capacité de parler de choses qui n’existent pas vraiment (peintures, rituels religieux, etc.). Mais comment passer le seuil de l’imagination individuelle ? C’est là le coup de génie (peut-être celui que Néandertal n’a pas eu). Homo sapiens découvre la capacité de coopérer en masse et donc de multiplier ses forces, à partir du moment où de grands groupes d’inconnus croient tous à des mythes communs. À partir de là, on peut fonder des empires. Cette réconciliation est au centre de l’œuvre de Gilbert Durand et elle se prolonge dans la notion de « raison contradictoire », au sens où la définit Jean-Jacques Wunenburger (1990) : réhabiliter l’imagination et lui redonner sa place dans un système imaginatif complexe, où elle est réconciliée avec la rationalité, et coopère avec elle.

Mais nous connaissons un changement de paradigme encore plus spectaculaire. Une des révolutions évoquées par ces perspectives, c’est que si une bonne partie du fonctionnement du cerveau s’explique très bien avec les lois de la physique classique, en revanche, au niveau des synapses, quelque chose de nouveau émergerait, qui relèverait des lois de la physique quantique. Autrement dit, notre cerveau serait à la fois un ordinateur classique et un ordinateur quantique. Cette théorie, longtemps refusée par la communauté scientifique, a été confirmée en 2014, à la fois au Japon et au MIT américain (Massachusetts Institute of Technology).

On sait que la fluctuation quantique repose sur un système aléatoire et probabiliste, métaphorisé par la fable du Chat de Schrödinger. Le principe de la superposition quantique s’y explique par le fait qu’un électron peut se trouver en plusieurs endroits simultanément ; mais cette superposition disparaît dès que l’électron est directement observé ; au moment où l’on extrait l’information, l’électron opte pour un seul endroit et un seul état, il choisit d’exister sous une forme particulière. Les particules de la fluctuation quantique apparaissent sans cause déterminée, presque comme si elles étaient douées de volonté.

Or, puisque le cerveau est composé d’atomes, cette fluctuation quantique peut aussi être un des fondements de notre fonctionnement cérébral. Le cerveau fait face à une multitude de pensées chaotiques, inorganisées, qui coexistent, comme en superposition quantique, et à un moment, il doit choisir. Face à plusieurs possibilités, la conscience opte pour l’une d’elles, un peu comme l’électron choisit une forme, quand il est observé. Certains scientifiques pensent que ces « sauts quantiques » pourraient se produire dans les synapses.

Donc, dans le cerveau, la fonction d’onde encore indéterminée, c’est l’inconscient, ou l’imagination, encore aléatoire, où toutes les possibilités coexistent en parallèle. La décohérence, l’effondrement de la fonction d’onde (qui réduit un système physique à ce qu’on en a mesuré) trouverait donc, dans notre cerveau, un équivalent dans la décision qui choisit et concrétise une possibilité unique. Dans ce contexte, cela revient à dire que, du point de vue macroscopique, tout est déterminé. Mais tout est encore un problème de représentation : du point de vue du microcosme de chaque individu, rien ne semble déterminé, car personne ne sait ce qui va se passer.

Autrement dit, le cerveau fonctionne bien comme un ordinateur, mais comme un ordinateur quantique, dont la grosse supériorité sur l’ordinateur classique est justement, grâce au principe de superposition quantique, de pouvoir effectuer en même temps un nombre très élevé de calculs, alors que l’ordinateur classique ne procède qu’à un calcul à la fois. Si ces hypothèses sont avérées, la capacité de traitement de l’information par le cerveau humain serait potentiellement bien supérieure à celle qu’on lui attribue aujourd’hui.

Il y a plus. Les scientifiques s’accordent maintenant à considérer qu’il n’y a pas deux physiques distinctes, la physique quantique pour le microcosme et la physique classique pour le macrocosme. L’univers forme un tout, tout y est relié et les lois sont les mêmes pour le macrocosme et le microcosme. Donc, notre cerveau et le cosmos ne sont pas séparés par une barrière entre « moi » et « le monde », ils forment un tout et ils peuvent communiquer. On voit les possibilités extraordinaires que cela ouvre. À un niveau plus profond de la réalité existerait donc une physique de la conscience encore inconnue, relevant de la physique quantique, et dont nous ne pouvons pour le moment qu’entrevoir l’ombre, dans ce que nous pressentons du fonctionnement du cerveau au niveau des synapses. Mais les travaux de Carl-Gustav Jung sur la synchronicité (Jung & Pauli, 2000), ceux de Roger Penrose, ceux, certes controversés, de Rupert Sheldrake sur la résonance morphique (Sheldrake, 1985) tendent à établir que des systèmes pourraient interagir en l’absence de toute relation physique entre eux. C’est le sens des travaux d’Andrew Newberg et d’Eugène d’Aquili (Newberg et coll., 2003) qui créent une modélisation faisant le lien entre l’expérience mystique et le fonctionnement observable du cerveau. Notre cerveau toucherait donc là à l’expérience du sublime, mais entendons‑nous bien : sans mettre là dedans la moindre connotation spirituelle ou religieuse. Le sublime pourrait alors se définir comme un ravissement de l’être, qui contracte la psyché, puis la décontracte à l’infini : un élargissement du moi qui s’ouvre à la vastitude du cosmos, une forme de choc, comme on peut l’éprouver devant une merveille de la nature ou de l’art : c’est le fameux syndrome de Stendhal. Chacun accède alors au centre de lui-même (c’est l’introrsum ascendere dont parlaient les mystiques médiévaux) et découvre que le cosmos s’y trouvait déjà. Selon un principe holiste, la mémoire du monde est contenue dans la mémoire individuelle. C’est ce que disaient déjà Jung, et les Upanishad de l’hindouisme. Soulignons que cette investigation est hors de tout contexte spirituel. Pour reprendre la fameuse réplique de Laplace à Napoléon, qui lui demandait pourquoi son traité de cosmologie ne mentionnait pas Dieu, « Sire, je n’ai pas besoin de cette hypothèse ! » (dans Hugo, 1972, p. 217).

Dans ce contexte, les Structures anthropologiques de l’imaginaire prennent une nouvelle dimension. Les trois constellations qu’elles mettent en évidence sont également les trois schèmes qui décrivent l’aventure de la psyché humaine dans sa prise de conscience de cette immersion océanique que nous venons d’analyser. Pour que cette expérience soit totale, elle doit passer par trois phases :

  • monter vers ce qui est plus grand que soi : ce sont les schèmes ascensionnels du régime diurne héroïque, c’est la projection vers toutes les formes du sublime, c’est l’élan magnanime, celui de la grande âme, c’est la poétique des cimes et des sommets, c’est l’esthétique du sublime ;

  • en même temps, elle tend vers un rêve de fusion : c’est l’immersion océanique de la psyché dans ce grand corps du monde ; et ce processus correspond au régime nocturne mystique, celui de la fusion ;

  • enfin rien de cela n’est possible si tous les éléments de ce grand corps cosmique, y compris la psyché, ne sont pas reliés. Ce sont les schèmes de la relation et du réseau, dont les neurosciences nous ont appris qu’ils étaient indispensables au fonctionnement du cerveau (les Anciens appelaient déjà une partie du cerveau rete mirabile, le « réseau admirable »). Ces schèmes du maillage et de la complexité sont caractéristiques du régime nocturne synthétique, dont les images majeures sont celles du Fils, de l’Initié et du Voyageur, tous ceux qui passent et qui relient.

Ces trois instances (monter, fusionner, relier) constituent la matrice de l’organisation du cosmos, de celle du vivant, de celle de la psyché, et, ajouterai‑je, comme mythologue, à la base de la construction des mythes, le tout s’inscrivant dans cette « monotonie sublime14 » des grandes forces primordiales, si bien repérées par Gilbert Durand, notamment dans ses Structures anthropologiques de l’imaginaire.

En termes d’information, le cerveau ne serait donc pas seulement relié au corps ; il pourrait puiser cette information dans l’ensemble du cosmos, de façon extra-sensorielle. De même (et c’est le principe de la synchronicité jungienne), une relation pourrait s’établir dans le temps entre des états conscients passés, présents, voire futurs. On le sait, la chose a été établie, en physique quantique, avec la fameuse expérience d’Alain Aspect sur l’interaction de deux particules en l’absence de toute relation physique entre elles. En termes d’anthropologie, on voit les domaines concernés, mais aussi les problèmes que cela pose : les phénomènes de précognition, de télépathie, qui n’ont guère été abordés jusqu’ici que dans une ambiance de charlatanisme ou de crédulité excessive. Mais est‑ce une raison pour s’en interdire l’accès et jeter le bébé avec l’eau du bain ? On a déjà remarqué que certains états de méditation transcendantale, de pratiques du yoga ou d’expériences mystiques provoquent une sorte d’expansion de l’esprit, par hyperconnexion des réseaux neuronaux entre eux, avec à la clef deux possibilités : ou ces phénomènes sont des hallucinations, des illusions ; ou ils permettent d’accéder à des états de conscience augmentés et à des énergies, en nous et hors de nous, auxquelles nous n’avons pas accès dans un état normal de conscience. Notre cerveau devient alors un relais qui nous met en relation avec l’ensemble du cosmos ; l’esprit et la matière seraient une seule et même chose : vertigineuses perspectives, pour lesquelles nous aurons bien besoin de solides parapets éthiques. Je crois que Gilbert Durand, ce combattant, aurait aimé l’incertitude de ces enjeux périlleux et que sa pensée nous aurait éclairés pour affronter ces défis.

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Notes

1 De même en Inde, jusqu’à l’époque coloniale, on constate une absence d’intérêt pour le cerveau en tant qu’organe. Voir Gilles Tarabout, « L’absence du cerveau dans les représentations du corps en Inde », dans Pajon & Cathiard (2014, p. 31-51). Retour au texte

2 On remarquera enfin que, pour Platon, l’être humain est triparti, composé d’un esprit immortel source de sa pensée spéculative, d’une psyché source de ses sentiments et d’un corps source de ses appétits. Mais psyché et corps sont mortels, ne sont que les véhicules du nous. C’est pour cela que la postérité de Platon a été assez embarrassée pour dire s’il était moniste (sur la base d’un seul principe triparti) ou dualiste (sur la base d’une opposition, à la manière judéo-chrétienne, entre la part immortelle de l’être et sa part mortelle) : les écoles philosophiques du iie siècle ap. J.‑C. ont décrit sa pensée comme dualiste, et celles du iiie siècle ont pensé qu’il était moniste. À vrai dire, il est les deux. C’est pour cela que, dans sa Somme théologique, saint Thomas d’Aquin a préféré Aristote à Platon : il était plus digeste, plus compatible. Retour au texte

3 Les développements qui suivent doivent beaucoup à l’excellent livre d’André Parent (2009). Retour au texte

4 Déjà au xviie siècle, Thomas Willis (1621‑1675), dans son De Anima Brutorum, donnait la première description des troubles maniaco-dépressifs (ce que nous appellerions maintenant les troubles bipolaires). Retour au texte

5 Altération de la production phonétique d’origine cérébrale, sans perturbation de la compréhension, par opposition à l’aphasie, définie comme difficulté à comprendre et parler une langue. Retour au texte

6 C’est grâce à lui que les aliénés ne sont plus considérés comme des monstres que l’on enchaîne, mais comme des malades. Il transforme l’hospice de la Salpêtrière en un hôpital universitaire à la pointe de l’enseignement et de la recherche en neurologie. Ses leçons vont le faire connaître à travers le monde entier (en 1885, Freud passa six mois comme auditeur à la Salpêtrière) : les leçons du mardi s’adressaient aux internes, et celles du vendredi, les plus médiatiques, attiraient l’intelligentsia parisienne. Retour au texte

7 Cette découverte fut confirmée par Loewi qui, curieusement, appela ce phénomène transmission neuro-humorale, nous renvoyant ainsi à la terminologie de la médecine de Galien : nihil novi sub soleRetour au texte

8 Ce champignon qui parasite les épis de seigle et provoquait, au Moyen Âge, la fameuse danse de saint Guy. Retour au texte

9 Cette onde électrique est relativement lente (10 à 100 m/s), si on la compare à la vitesse du son (300 m/s), ou à celle de la lumière (300 millions de m/s). Retour au texte

10 Pour ces avancées scientifiques remarquables, Golgi et Ramon y Cajal eurent conjointement le prix Nobel de médecine en 1906, et Dale et Loewi partagèrent la même récompense en 1936 : ce n’était pas volé… Retour au texte

11 Dès 1934, le poète portugais Fernando Pessoa écrivait, dans une belle intuition : « Ainsi nous tenons pour sûr que dans le Cinquième Empire il y aura la réunion des deux forces séparées depuis longtemps, mais qui depuis longtemps se rapprochent : le côté gauche du savoir — la science, le raisonnement, la spéculation intellectuelle — et son côté droit — la connaissance occulte, l’intuition, la spéculation mystique et cabalistique. » (Lima de Freitas, 1998, p. 74) Retour au texte

12 C’est le titre d’un de ses ouvrages majeurs. Retour au texte

13 Voir entre autres le personnage de Simon Wright, dans la série Captain Future, à partir de 1940 et le Cerveau du Nabab de Curt Siodmak (1942). Retour au texte

14 L’expression est de Maurice Blanchot. Retour au texte

Citer cet article

Référence électronique

Joël Thomas, « Imaginaire et neurosciences. Histoire des théories et des représentations du cerveau humain et de ses fonctions, de l’Antiquité au xxie siècle », IRIS [En ligne], 41 | 2021, mis en ligne le 28 novembre 2021, consulté le 19 mars 2024. URL : https://publications-prairial.fr/iris/index.php?id=2128

Auteur

Joël Thomas

Professeur émérite à l’Université de Perpignan Via Domitia, CEFREM UMR 5110

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